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- Subject: [rue] un petit mot encore
- Date: Sun, 3 Apr 2011 00:24:32 +0200
j'étais dans le petit comité qu'avait réuni Crespin pour réflechir à
cette idée de formation, il y a dix ans je crois bien.
ça me paraissait bizarre, parce que justement, l'acte de jouer dans
la rue était dans les années 1973 une rupture avec tout ce qu'on avait
appris à la fac ou dans les écoles de théâtre.
C'était un acte de rebellion.
Et je me disais que pour fabriquer un artiste rebelle, y a pas besoin
d'école.
Quand je m'étais mis à jouer dans la rue, il n'y avait pas un seul
festival, nous avons créé la 2CV théâtre, place des fêtes dans le XX
ième , puis au milieu des saltimbanques de Beubourg, J'avais un peu
honte, je me disais que ce n'était peut être plus du théâtre, je
cherchais dans tous les bouquins qui avait bien pu faire du théâtre
dans une bagnole ou sur les places publiques.
Y avait bien la comméddia dell arte, et le théâtre forain, y avait
bien le groupe octobre de Jacques Prévert, mais c'est tout, et cela ne
ressemblait pas du tout à ce que nous faisions. Je naviguais en pleine
mer sans boussole.
On a encore tendance à dire, vrai théatre, celui que se fait entre
quatre murs et un autre théâtre toujours considéré comme illégitime,
le théâtre de rue, qui ne serait pas le vrai.
Or je me suis bâti peu à peu une autre théorie, c'est le théâtre
entre quatre murs qui est illégitime, car les origines du théatre,
remontent à 572 ans avant Jésus Christ et c'était du théâtre de
place publique en Grèce sous le ciel, pas du théâtre confiné.
Je voulais en fait parler de la transmission.
Comme il n'y avait aucune formation rue, c'est nous qui découvrions
toutes les règles et ça prenait du temps, et c'était d'échec en échec
ou de réussite en réussite que nous notions jusqu'où on pouvait aller,
les fautes qu'il ne fallait pas commettre.
A l'époque il n'y avait que Jérôme savary qui avait fait quelques
parades, le palais des merveilles, le Bred and puppet, théâtre de
manif, Eugénio Barba, l'odin teater, Crespin et son théâtre acide et
ceux que j'oublie, nous étions une petite douzaine.
Ce que nous avons mls dix ans à comrpendre sur certaines règles à
respecter, eh bien nous sommes capables de le transmettre en cinq
minutes.
Alors on s'est dit, la FAIAR c'est pour faire gagner du temps, mais
ayant dirigé des fondamentaux de la FAIAR, j'ai pu alors constater
qu'être un artiste ça s'apprend pas, là on n'y peut rien, c'est
profond et personnel, ça vient de blessures intimes, mais donner à
celui qui se sent une invincible envie de créer une sorte de boîte à
outils et quelques règles de base. Ah ça oui.
Tu me diras , alors pourquoi, les apprentis ayant appris en 18 mois
quantité de trucs, ne nous font pas tous des reflets époustouflants,
C'est que justement la boîte à outils est une condition nécessaire
mais pas suffisante.
Vous savez tous comme moi que le théâtre de rue se forge au contact du
public et que la première représentation a en fait lieu après vingt
crash tests. Tous les spectacles sont remaniés pendant au moins vingt
représentations sinon plus.
Et la Faiar est justement le lieu où on a le droit de se tromper, de
tenter, d'essayer.
Il est hyper dur de donner un avis sur une soupe à moitié cuite,
même si parfois on peut se dire qu'elle a des chances d'être
succulente.
Nadège a le courage de dire qu'elle n'est pas contente de sa
prestation, et moi je ne suis pas capable de lui dire si c'est une
bonne idée ou une mauvaise idée qu'elle a eue.
A l'Unité, il n'y a jamais de bonne idée. On dit " c'est le plateau
qui décide". On essaye, et on voit. Par exemple cette règle que je
viens d'énoncer, j'ai mis dix ans avant d'en être sûr.
Pas besoin de s'engueuler pendant des heures sur une idée, on
l'essaye, c'est tou,t et le plateau donne immédiatement son verdict.
Mais c'est toujours pas gagné, même si le plateau dit oui, le
directeur de festival peut avoir un avis différent.
La Faiar c'est un formidable lieu de rencontres, or on sait bien que
le théâtre de rue ne se fabrique pas dans sa chambre devant une
feuille A4 ou un écran, il naît dans des rencontres, et pas les
rencontres dans les festivals à la terrasse des cafés ou au bar à
champagne, non, des rencontres longues et profondes, où on ne discute
pas de nos dates.
Les rencontres de la FAIAR sont précieuses, et c'est un magnifique
luxe de rester 18 mois ensemble à 15, et pendant ces 18 mois
rencontrer un tas d'artistes.
Les retombées positives, ce n'est pas le soir du panorama , c'est
deux, trois ans, ou cinq ans plus tard.
Emeline a très bien su exprimer que ce qu'elle a fait, sans la FAIAR,
elle n'aurait jamais pu le faire, mais ce qu'elle a fait n'est encore
que la racine de ce qu'elle va développer.
Voilà, c'était une petite divagation que m'inspirent Nadège et
Enrique, un petit témoignage avant de m'énerver contre Ruquier et
Zemmour
Jacques Livchine
Metteur en songes
le théâtre de l'Unité, c'est toujours autre chose...
Blog + site h
http://www.theatredelunite.com
- [rue] un petit mot encore, Jacques Livchine, 03/04/2011
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