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[rue] La nouvelle infraction d’outrage au drapeau s’arrête là où commence la liberté d’expression politique, philosophique et artistique


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  • Subject: [rue] La nouvelle infraction d’outrage au drapeau s’arrête là où commence la liberté d’expression politique, philosophique et artistique
  • Date: Fri, 29 Jul 2011 13:29:02 +0200


Bonjour
Mon avis: le Conseil d'Etat avait la tâche de protéger deux libertés publiques: l'ordre public (la possibilité d'agir paisiblement) et la liberté d'_expression_, deux libertés publiques de niveau constitutionnel. Il a donc, sans surprise, suivi le gouvernement en renvoyant à chaque fois à l'appréciation du juge pénal; mais il a limité cette pénalisation (le droit de poursuite pénale) en protégeant la liberté d'_expression_ politique, philosophique et artistique, ce qui est considérable. On verra ce que produira la jurisprudence; mais les artistes qui piétineront le drapeau dans le cadre d'une action artistique ou même d'une action politique seront protégé par l'arrêt du conseil d'Etat. A mes yeux, cet arrêt est un échec pour le gouvernement et une avancée pour la liberté d'_expression_ et la liberté artistique. Les artistes de rue pourront posséder avantageusement la copie de l'arrêt du conseil d'Etat.
Amicalement
JJDelfour


CREDOF

Centre de Recherches et d’Études sur les Droits Fondamentaux – Université Paris Ouest Nanterre La Défense

Actualités Droits-Libertés du 29 juillet 2011 par Cédric Roulhac

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I – LIBERTÉ D’_expression_ ET ORDRE PUBLIC (Art. 10 et 11 DDHC et Art. 10 CEDH) : La nouvelle infraction d’outrage au drapeau s’arrête là où commence la liberté d’_expression_ politique, philosophique et artistique

 

      A la suite d’une affaire largement médiatisée en 2010 au sujet d’une photographie récompensée dans le cadre d’un concours organisé sur le thème du « politiquement incorrect », le ministre de la justice de l’époque avait annoncé son souhait de renforcer la législation relative à l’outrage au drapeau tricolore (déjà constitutif depuis 2003 d’un délit codifié à l’art. L. 433-5-1 du Code pénal lorsqu’il est commis publiquement durant une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques). A cette fin, fût adopté le décret n° 2010-835 du 21 juillet 2010 relatif à l'incrimination de l'outrage au drapeau tricolore aujourd’hui codifié à l’article R 645-5-1 du Code pénal. Ce dernier sanctionne de l’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe le fait de détruire, détériorer ou utiliser de manière dégradante le drapeau tricolore, dans un lieu public ou ouvert au public (al. 1), ou de diffuser ou faire diffuser l’enregistrement d’images relatives à de tels faits, mêmes commis dans un lieu privé (al. 2).

 

      Saisi par la Ligue des droits de l’homme d’un recours pour excès de pouvoir, le Conseil d’État relève la « généralité de la définition des actes incriminés » mais conclut à la légalité du décret. Il valide ainsi la nouvelle infraction au terme d’un raisonnement ou les considérations relatives aux exigences de l’ordre public jouent un rôle déterminant.

 

      Sur le plan de la répartition des compétences entre la loi et le pouvoir réglementaire tout d’abord, le fait que la pénalisation du comportement incriminé vise à sauvegarder l’ordre public justifie pour le Conseil d‘État la compétence du pouvoir réglementaire. La Haute juridiction admet que cette incrimination peut avoir « pour effet de limiter l’exercice d’une liberté publique garantie par des dispositions constitutionnelles ». Mais, nuance infime, elle juge que ceci ne signifie pas nécessairement que ladite incrimination aura « pour objet de réglementer l’exercice de cette liberté », cette dernière tâche relevant de la compétence du seul législateur en vertu de l’article 34. Or en l’espèce, le Conseil d’État estime que l’infraction litigieuse vise « seulement [à] apporter [à une liberté constitutionnelle] les limitations nécessaires à la sauvegarde de l’ordre public ». Un tel raisonnement avait déjà été adopté à propos décret n° 2009-724 du 19 juin 2009 relatif à l’incrimination de dissimulation illicite du visage à l'occasion de manifestations sur la voie publique (CE 23 février 2011, 10ème et 9ème SSR, Syndicat national des enseignements de second degré et a., N° 329477 ADL du 27 février 2011).

 

      En ce qui concerne les effets de l’incrimination sur l’exercice de la liberté d’_expression_ (Art. 10 DDHC et CEDH) et de la liberté de communiquer ses opinions (Art. 11 de la DDHC), le juge administration relève que les deux comportements visés ne sont sanctionnés que lorsqu’ils sont « commis dans des conditions de nature à troubler l’ordre public et dans l’intention d’outrager le drapeau tricolore ». Il en déduit que le pouvoir réglementaire n’a entendu incriminer « que les dégradations physiques ou symboliques du drapeau susceptibles d’entrainer des troubles graves à la tranquillité et à la sécurité publiques et commises dans la seule intention de détruire, abîmer ou avilir le drapeau ». Cette interprétation de l’intention des auteurs du texte et de son objet aboutit logiquement à restreindre l’impact de l’incrimination sur l’exercice des libertés. En effet, ne tombent plus sous le coup de l’infraction les actes concernés qui reposeraient « sur la volonté de communiquer (…) des idées politiques ou philosophiques ou feraient œuvre de création artistique, sauf à ce que ce mode d’_expression_ ne puisse, sous le contrôle du juge pénal, être regardé comme une œuvre de l’esprit » (sur la protection de la liberté d’_expression_ politique, v. Cour EDH, 5e Sect. Déc. 7 juin 2011, Bruno Gollnisch c. France, Req. n° 48135/08 – ADL du 24 juillet 2011 ; Cour EDH, 3e Sect. 15 mars 2011, Otegi Mondragon c. Espagne, Req. no 2034/07 – ADL du 16 mars 2011 ; sur la protection de la liberté d’_expression_ artistique, v. Cour EDH, 2e Sect. 16 février 2010, Akdaş c. Turquie, Req. n° 41056/04 – ADL du 16 février 2010 ; sur la liberté de critiquer des éléments touchant aux « valeurs nationales » : Cour EDH, 2e Sect. 19 juillet 2011, Uj c. Hongrie, Req. n° 23954/10 – ADL du 19 juillet 2011). Partant et « compte tenu de ces précisions », il peut estimer qu’une juste conciliation a été opérée dans la mesure où le décret ne porte pas une atteinte excessive aux libertés concernées.  

 

CE, 19 juillet 2011, 10ème et 9ème SSR, Ligue des droits de l’homme, N° 343430


  • [rue] La nouvelle infraction d’outrage au drapeau s’arrête là où commence la liberté d’expression politique, philosophique et artistique, Delfour Jean-Jacques, 29/07/2011

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