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[rue] Re: entre auto chomeurs


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  • From: Nicolas SOLOY < >
  • To: Liste Rue < >
  • Subject: [rue] Re: entre auto chomeurs
  • Date: Thu, 24 Nov 2011 17:23:05 +0100

Mon cher Dany,

Je suis sensible à une certaine détresse qui sourd de tes propos. Je
comprends bien que l'emprunt sur 25 ans que tu viens de contracter pour
acheter ta maison, s'accomode mal de la loterie moins qu'annuelle, puisque le
tirage a lieu tous les 10 mois, que constitue le pari en quelque sorte, de
dénicher les employeurs qui te déclareront 507h de taf.

Tu es tout excusé de t'être laissé prendre par le miroir aux alouettes de
l'auto-entreprise. D'autres y ont donné comme toi, mais le jour où ils ont
été en mauvaise santé, puis sans contrat suite à leur absence, ils ont vite
déchanté. Même les États- Unis reviennent d'un fonctionnement analogue pour
tendre vers un modèle plus social, auquel la France est habituée depuis le
milieu du 20e siècle. Rien ne remplace en effet la solidarité
interprofessionnelle que constituent les organismes sociaux, car elle donne
la chance à chacun de continuer à faire partie du corps social, d'être
soutenu quand il est faible et de soutenir en retour quand il va bien.

Et l'intermittence fait partie de ce dispositif. Mais elle t'oblige à cette
courte vue à 10 mois, qui te sembles la panacée mais est surtout bien
pratique pour tes employeurs: la liberté que tu goûtes de pouvoir changer de
projets, de collègues, n'est-elle pas au bout du compte une illusion de
liberté? La qualité de ton travail aujourd'hui, fruit de longues années de
labeur, t'est-il rémunéré à sa juste valeur? Parce que je connais hélas pas
mal de tes collègues artistes ou techniciens, dont le salaire brut horaire
n'a pas augmenté depuis plusieurs années, quand il n'a pas baissé. Autre
exemple, avec combien d'employeurs travailles-tu chaque année? En réalité, ne
serais-tu pas complètement aliéné, et à un petit nombre d'employeurs et au
système, tant tu ne peux te permettre de perdre tes précieuses allocations
chômage? Ce n'est pas un hasard si
parmi les intermittents on rencontre si peu de syndiqués. Seuls des emplois
de permanents au final, permettent une vue sur le moyen voire le long terme,
et de se projeter dans l'avenir, de ménager son épanouissement professionnel
et sa vie privée. Et question formation, qui a le temps depuis la réforme
d'en suivre une quand il peine à trouver suffisamment de dates rémunérées?

Mon cher Dany, je propose donc plusieurs remèdes à ta situation:
1)- Tu deviens ton propre patron:
a)- structure utopique 1: tu montes une structure à plusieurs, où chacun des
partenaires investit une certaine somme d'argent et de temps, est rétribué au
prorata et a son mot à dire sur chaque projet;
b)- structure utopique 2: tu deviens PDG de ta propre SARL, et apte à
embaucher du monde pour réaliser tes projets. Vends bien, fais-toi
subventionner, voire sponsoriser. Tu as du pain sur la planche, parce que tes
salariés auront des exigences liées à leur convention collective. Il y a pas
mal de mois où ce sera ton propre salaire qui fera tampon, car le secteur du
spectacle vivant est l'un des seuls qui vend à perte.
c)- structure utopique 3: tu montes une asso que tu diriges, en faisant
croire que d'autres le font; tu embauches des collègues en leur disant que tu
les aimes beaucoup, ce qui te permet de les arnaquer en ne les payant pas
systématiquement chaque fois qu'ils bossent pour toi (et de toutes façon ils
ne peuvent même pas t'envoyer aux prudhommes vu que tu n'es pas
officiellement leur employeur, les cons!).

NB: Points communs pour toutes ces utopies:
- malgré tes beaux idéaux, il y a des chances que tu sois parfois obligé de
vendre de la merde, mais faut bouffer...
- ou alors tu quittes femme et enfants pour militer pour un monde où le BIB
remplace le PIB et où la culture est le premier budget, loin devant
l'éducation et la santé, et où la spéculation est sévèrement taxée et les
hauts salaires dûment plafonnés.

2)- Tu es salarié:
a)- emploi utopique 1: tu quittes l'intermittence et tu deviens hélas
permanent. 169h par mois, 15€ bruts de l'heure, soit environ 2500€ bruts par
mois. Les heures sup' sont payées. Evolution du salaire suivant grille; tu
vois tes gosses le soir et le week-end. Contrepartie: tu bosses avec les
mêmes têtes de cons tous les jours au même sinistre endroit (auquel tu peux
te rendre à pied en 20' ou en vélo en 5'). Précision: tu quittes ce job quand
tu veux et en accord, avec ton employeur. Il suffit de faire un contrat de
rupture conventionnelle. Pire: tu touches les Assedic auxquels tu as cotisés.
b)- emploi utopique 2: tu quittes femme et enfants pour militer pour un monde
où chaque individu bénéficie d'un revenu minimum d'humanité, qui te permet de
vivre chichement sans rien faire, où de gagner un poil plus en bossant
uniquement sur des beaux projets qui te tiennent à cœur
c)- emploi utopique 3: tu restes intermittent et tu bosses dans plusieurs
structures utopiques de type 3 (voir plus haut).

NB : tu peux aussi continuer à fumer ta beuh, tu peux même rajouter un ou
deux verres de pif, et tu rêves que tu vis dans le monde décrit dans l'emploi
utopique 2; mais tu dois quitter femme et enfants à plus ou moins long terme
(enfin, si tu ne les quittes pas, eux te quitteront, ne te fais pas de
souci); un conseil en passant: dès l'instant où tu commences, n'arrête
surtout jamais la beuh, car tu te retrouverais immédiatement plongé dans
l'emploi utopique 3 lié structures utopiques 3.

C'est chtou ce que j'ai à te proposer pour l'instant. Bon, après tu peux
aussi changer de métier. Y en a plusieurs autour de moi, c'est ce qu'ils font.

Bon courage mon cher Dany, et choisis bien celui pour qui tu ne votes pas aux
prochaines élections, de manière à ce que son adversaire politique qui aura
le pouvoir par soustraction de ta voix, soit le plus à même d'écouter le
modèle social dont tu rêves.

Bien à toi,
Antoine Hervé
Utopiste debout


Le 24 nov. 2011 à 13:44, Chtou
< >
a écrit :

> Mes doigts tremblent de rage quand j'émiette la boulette pour m'en faire un
> vraiment corsé, cherchant le calme au régime habituel: gros spliff et grand
> café.
> La lettre de Pôle Emploi est là, sur la table basse.
> J'ai beau refaire mes calculs, rien à faire. Je suis dans la merde jusqu'au
> coup, et toute la famille avec.
> Il pleut. C'est bon, la prépa de la presta de ce soir est à l'abri sous la
> scène bâchée. Reste les fuites dans le mobil-home ou par manque de place
> j'ai dû stocker pas mal de matos.
> Et la toupie, et le sable qui va mouiller. Putain, il finira jamais, ce
> chantier.
> En plus sans les assedic, pour rembourser ce putain de prêt ....
>
> Je me suis toujours méfié de l'intermittence. J'ai toujours entendu une
> majorité de gens me raconter trop de galères, et quelques-uns ravis me dire
> combien ils palpaient.
> J'ai longtemps été technicien permanent dans un petit théâtre, j'y ai
> appris le métier. Ca gagnait pas beaucoup, mais fixe.
> Et puis je me suis mis à bosser de plus en plus. L'été, un festival ici, un
> autre là, une compagnie de rue tout le temps, puis un centre culturel qui
> m'a proposé de bosser intermittent.
> J'ai franchi le pas. Et putain c'est vrai, j'ai jamais gagné autant. Sans
> déconner quand tu es un bon technicien, que tu es bien implanté près d'une
> ville où ça brasse, tu te ballades à l'aise avec un taux entre 60 et 70
> euros jour. Pour le net, entre le centre culturel, la compagnie et le reste
> je fais mille heures par an les doigts dans le pif.
> Mais ce statut m'a toujours emmerdé. Ce pointage, ce statut de chômeur ...
> je pense que dans la vie, y'a que le business de viable et de totalement en
> accord avec la marche du monde.
> Et en plus, je le dis clairement, moi le business j'aime ça.
>
> Depuis des années je fonctionne au black pour de la location, j'ai
> plusieurs kits son, selon les besoins, je suis équipé en élec pour
> alimenter un festival de l'armoire aux sabots, j'ai du pont, de la gamelle,
> tout ce que je gagne je le réinvesti. Alors quand j'ai vu se pointer le
> statut d'auto-entreprise, je me suis dit ça, ç'est pour toi.
> J'ai appelé tout le monde! Pour être vraiment sûr que ça ne frotte pas avec
> le statut, tous les organismes, je dis bien tous, ces bâtards, ils m'ont
> dit que ça ne poserait aucun problème.
> Et voilà qu'ils me demandent de reporter mes indemnités de tant de jours
> chaque mois en fonction d'un calcul hallucinant, basé sur mon chiffre
> d'affaires...
> Mais c'est pas parce que j'ai un grand chiffre d'affaires que j'ai un grand
> bénéfice!!
> Tu peux vendre une installation de grill pour une mairie 9000 euros, et en
> toucher que 500!
> Avec leur calcul à la con, mes 10 dates par mois, et le chiffre d'affaires
> de mes ventes et locations, mes allocations sont repoussées de 450 jours
> par an.
> Je ne devrais toucher mes prochaines assedic que dans un an et demi!!!
>
> Ils m'ont baisé. Tu ne peux pas être intermittent et auto-entrepreneur.
> Quand tu es intermittent, faut accepter: tu ne remues jamais rien, tu pries
> pour que ça dure, tu coches oui oui oui monsieur, tu n'es dans aucune asso,
> tu n'as rien à dire, pas d'interlocuteur, tu n'es pas un travailleur, tu es
> un chômeur et tu fermes ta gueule.
> Et si la machine coince, tu peux en avoir pour un moment avant que ça ne
> revienne dans l'ordre.
> Je suis dégouté. Alors c'est ça qu'ils veulent? Des chômeurs? Quand est-ce
> que les gros bosseurs intermittents pourront passer à un statut honnête?
> On m'a dit qu'en Angleterre, c'est beaucoup plus simple, t'a quasi pas de
> charges, qu'un mec qui turbine, il ramasse.
> Mais c'est trop tard. J'ai fait ma vie ici, et j'ai cette baraque à
> rembourser.
>
> J'écrase le spliff. Tiens, ça me fait penser que j'en connais un autre, de
> business florissant...
>
> Ils peuvent toujours crever avant que j'aille voter.
>
>
> Dany
>
>
>
>
>
>
>
>
>
>
> Pour acceder aux archives, a l'aide, a la conversion de mail, a la page de
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