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Re: [rue] pratiques amateures d'excellence


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  • Subject: Re: [rue] pratiques amateures d'excellence
  • Date: Wed, 31 Oct 2012 10:15:58 -0400 (EDT)
  • Full-name: Racontart

Merci  d'avoir fait tourner.
J'aime beaucoup le côté rusé de Lepage : "Dans la bouche d'un poujadiste d'extrême gauche" ...
très réjouissant en tout cas !
 
Bel après-midi
Marie
 
 
 
Le 30/10/2012 21:03, Somoza Alec a écrit :
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salut la rue,

Voici ci- dessous une demande qui a été faite à Franck Lepage pour intervenir dans une table ronde, mi-octobre, sur "les pratiques amateures d'excellence" et la réponse par mail qu'il a faite.
Il l'a transmise à quelques personnes de son entourage pro mais ça n'avait pas vocation à être diffusé hors de ce "cercle".
Comme je la trouve très pertinente, et que personnellement elle me provoque pas mal de questionnements, je voulais la partager car je pense qu'elle peut nourrir la réflexion personnelle, collective.

J'ai changé les prénoms par des lettres, et enlevé tout élément d'identification, à la demande bien compréhensible de Franck, puisqu'à la base c'est un échange privé et l'objectif pour moi, et pour lui en m'autorisant à vous la transférer n'est pas de viser des personnes en particulier sinon de partager le point de vue de Franck avec vous.

Bonne lecture,

Alec
nouveau venu sur la liste, électron libre, clown en éprouvette, conférencier gesticulant à mes heures.


Bonjour,
Comme D. vous en a informé, nous serions très heureux que vous puissiez vous joindre à ces rencontres et particulièrement au débat du vendredi 19 octobre à 15h sur la thématique “Construire son théâtre, s’inscrire dans un territoire”, aux côtés de D. et de M. directeur de la scène nationale de la ville de C.
Je sais que vous êtes très occupé par une tournée et des ateliers dans la région à ces dates, mais nous avons pensé qu’en raison de la proximité géographique, nous aurions peut-être la chance de vous avoir parmi nous le vendredi ?
Dans l’attente de votre réponse, je reste bien entendu à votre disposition pour toute information complémentaire.
Bien cordialement,
B.

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Chère B.
chère la dame du ministère,
bonjour D.,
Je vous remercie pour votre sollicitude appuyée qui me touche sincèrement. Pardon D. d'avoir laissé trois messages sans réponse (sans compter celui de la dame du ministère).
Je ne viendrai pas pour trois raisons :
- Mon emploi du temps, certes - (mais c'est une fausse raison, plutôt un vrai prétexte). C'est celui que je vous suggère d'utiliser par courtoisie pour la salle.
- la forme de la table ronde. voilà bien longtemps déjà que j'ai refusé définitivement d'intervenir dans les tables rondes et je m'y tiens. La forme du colloque n'étant déjà pas une forme de travail, la modalité table-ronde en est pour moi la pire _expression_. je n'interviens que dans des séminaires où on me donne le temps d'expliquer ce que l'on pense que je peux apporter d'intéressant si l'on m'invite. je trouve qu'il y a une forme d'indécence à proposer 10 minutes d'_expression_. S'il ne s'agit que de vous apporter la caution de ma présence, voilà qui est fait dans le programme et c'est amplement suffisant. Je cède donc mes dix minutes à D. et M. , ce qui leur en fera quinze, dont ils sauront tirer profit, car ils ont des choses bien plus importantes à dire que moi notamment sur les enjeux locaux. Etant donné le type de positions que je suis amené à prendre, dix minutes me laissent juste le temps d'installer une incompréhension généralisée, un quiproquo et un malaise maximums avec les participants.
Pour prendre des exemples simples, je refuse d'expliquer "en dix minutes" pourquoi la gauche devrait combattre et dénoncer explicitement l'art contemporain, ou d'expliquer "en dix minutes" pourquoi la gauche s'est piégée durablement dans la culture et pourquoi je pense qu'il faudrait mettre fin au ministère du même nom, ou encore d'expliquer ""en dix minutes" pourquoi à gauche nous devrions combattre de toutes nos forces le droit de vote et le remplacer par le tirage au sort, de même que tous ceux qui ont essayé de débattre en dix minutes avec le Front National sur la question de l'immigration se sont plantés. Parce que ces problèmes nécessitent du temps d'explication pour sortir de la fausse évidence et du sens commun (trois millions d'Arabes et trois millions de chômeurs). Je ne viendrai donc pas dix minutes pour expliquer ce qui m'apparaît comme l'obscénité du concept de "pratiques amateurs d'excellence", intitulé sur lequel la dame du ministère - en toute bonne foi - m'a invité. Je ne lui en veux pas, mais je n'ai pas l'intention d'en discuter avec elle. Tenteriez vous d'expliquer à un curé "en dix minutes" que dieu n'existe pas ? Moi non.
- Quant au fond du colloque, qui concerne les pratiques "amateur" d'excellence. Je pense que le terme d'amateurs est le piège dans lequel l'institution culturelle (institution droitière depuis cinquante ans) a enfermé la question de la pratique qui reste la seule question subversive. En ajoutant le mot amateur à la question de la pratique, vous videz toute la force subversive du concept de pratique pour vous aligner sur la norme de domination qu'est devenu le professionnel dans un champ devenu une simple sous-catégorie des loisirs. Il ne faut pas être un marxiste avancé pour savoir que le professionnel est la condition de la marchandise. Pour le dire plus brièvement (que dans le rapport que j'avais déjà publié en 1994 à l'INJEP sur cette question des pratiques d"éducation populaire à jeunesse et sports), c'est la pratique d'une forme d'_expression_ par toute une population qui est subversive, c'est à dire précisément le refus de la professionnalisation, laquelle assèche le politique pour le transformer en culturel. Il n'y a rien de moins politique que d'aller s'asseoir dans un théâtre professionnel pour contempler en spectateur un spectacle. Le theâtre ne crée aucun espace public et c'est pourquoi je n'en fais plus. (espace public : réunion en un public de personnes privées faisant un usage public de leur raison critique politique - Habermas). Si je réinvestis la convention scénique, en revanche la question du théâtre ne m'intéresse plus. Je suis passé dans autre chose - sauf à mettre tout et son contraire sous ce terme.
Abolir la séparation entre professionnel et amateur, rendre cette distinction inopérante, infondée et impensable, est la condition d'une pensée de gauche. C'est vous dire si on en est loin. Il n'y a rien de plus dépolitisant que de prétendre - au nom d'une aberrante excellence - que seuls les "vrais" artistes professionnels - des spécialistes - sont légitimes à exciper de la chose théâtrale. Il n'y a rien de moins dangereux ni de moins dérangeant pour le capitalisme ou pour la domination, qu'un spectacle politique dans une scène - fût-elle nationale, montée par des artistes. Relisez Debord. Et c'est pourquoi nous invitons des assistantes sociales à monter sur scène (quelle horreur) pour nous dire le vrai...cela peut être nullissime de votre point de vue du théâtre" - littéralement à chier selon les critères professionnels, mais c'est un moment politique inouï et bouleversant de force et c'est dangereux pour le système. Cherchez l'erreur. Ce qui est politique, c'est un dossier CAF, ce n'est pas Antigone !!! Mais curieusement, Edward Bond n'écrit pas sur les dossiers CAF !!! Prétendre faire du théâtre politique en montant une énième Antigone est obscène. Antigone est le faux nez qu'utilisent les professionnels pour ne pas faire de politique, pour tuer et empêcher le politique (relisez Brossat. 2005). Et c'est normal. Ils n'ont rien à dire car ils n'ont rien vécu. Ils veulent être artistes. Un ministère de gauche, un jour peut-être, financera massivement la pratique, abandonnera le terme imbécile d'excellence, et laissera les professionnels se débrouiller avec le marché. Je vous entends déjà me dire (version Cassandre) que ce serait encore plus fort si c'était traité avec de "vrais" artistes dans une "vraie" démarche artistique. C'est la posture idéologique du ministère et je n'ai pas l'intention de vous prouver le contraire en dix minutes. L'artistique est là pour tuer et empêcher le politique, et c'est bien pour ça que cela fait l'objet d'un ministère. La culture est ce qui sert à empêcher l'énonciation du conflit social (Ritaine 1985)
Quant à l'idiotie du concept d'excellence, dont le management néo libéral fait un usage permanent, je ne cesse de m'émerveiller chaque fois qu'il m'arrive encore d'aller à Avignon, de l'inanité généralisée du "IN" et de la vitalité subversive du "OFF" : On y trouve le pire comme le meilleur, quand on ne trouve que le pire dans le "IN", c'est à dire un esthétique d'Etat, bourgeoise, pompière et parfaitement interchangeable. Rien ne ressemble plus à un spectacle dans une scène nationale qu'un autre spectacle dans une autre scène nationale - Pas de surprise de ce côté là. Je laisse M. me contredire.
Le ministère de la culture fait comme si le bon théâtre était professionnel et le mauvais théâtre était amateur. Et il tend un piège sémantique en consentant un strapontin aux amateurs qui tentent de singer l'affligeante esthétique officielle des professionnels au nom de l'excellence (D., que vas tu faire dans cette galère ?). Mais pourquoi ne pas parler du mauvais théâtre professionnel ? la distinction ne se ferait plus alors entre professionnels et amateurs mais entre bon et mauvais théâtre. Tout deviendrait plus simple. Personnellement ce que j'ai vu de plus mauvais au théâtre était signé Planchon. Surjoué, criard, pompier, sans nécessité, ennuyeux....tout ce que l'on est supposé reprocher en somme au théâtre amateur ! J'ai vu personnellement des spectateurs dormir à la quasi totalité de Quai Ouest (Chéreau/Peduzzi/Koltes/Amandiers) et applaudir à tout rompre en criant des Bravos...mais qu'applaudissaient ils en réalité quand ils avaient dormi, sinon une esthétique d'Etat, sinon le simple fait d'y être ? J'ai vu Martinelli tuer Brecht à Chaillot et réussir le tour de force d'enlever toute force subversive au brave soldat Schweig et réussir à faire mourir d'ennui une salle entière : un exploit
Pour finir cette réflexion d'un inspecteur NATIONAL du théâtre rue de Valois (ils étaient seulement trois de ce niveau), qui avait connu les années d'éducation populaire, Christiane Faure, etc...et qui pour cette seule raison que je connaissais aussi cette histoire m'avait pris en sympathie et confié : "TOUT ce que je vais voir au théâtre aujourd'hui m'ennuie, tout est nul, rien n'a aucune nécessité". Devant mon étonnement étant donnée sa fonction et l'énormité de cette remarque que l'on aurait plutôt placée dans la bouche d'un poujadiste d'extrême gauche comme moi, je lui demandai à mon tour : "et que faites vous par rapport à cela ?"...il me regarda avec amusement et me répondit : "mais rien ? pourquoi voulez vous que je fasse quelque chose ? Et d'ailleurs que voulez vous que je fasse ? retirer une subvention à Planchon pour avoir le lendemain matin le député maire dans le bureau du ministre" ?
En faisant semblant de en pas intervenir sur les "choix artistiques" l'Etat républicain fait semblant de s'interdire de porter un jugement esthétique et installe de cette façon une esthétique d'Etat plus sûrement que ne le ferait le plus totalitaire des pays totalitaires : une esthétique de la fausse démocratie, faite de transgression en lieu et place de la subversion. Ou pour empêcher la subversion. Esthétique d'Etat : les pipis de Jan Fabre ou les cacas de Castelluci font trembler le MEDEF sur ses bases, c'est évident.
Confisquer la pratique du peuple, c'est le mettre en demeure de ressembler à l'esthétique d'Etat, c'est cette fonction que remplit le terme d'amateur.
derrière toute esthétique il y a une éthique (Benedetto)
Je vous laisse discuter vendredi de pratiques amateurs d'excellence, et vous souhaite un bon colloque.
Amicalement
Franck Lepage.
 

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