Stéphane BLANCHARD - Cie PICTO FACTO
Petite contribution à l'Université
Buissonnière
Je suis passé ce matin avec l’intention de
prendre la parole, dans le but de poser 2 ou 3 questions.
Contribuer, quoi.
N’étant ni un tribun ni un polémiste, j’ai
guetté une fenêtre pour intervenir.
Pas facile.
Première partie familiale, remerciements,
congratulations, et c’est bien normal.
Deuxième partie unitaire sur
l’intermittence, le syndicaliste en moi applaudit des deux
mains.
Troisième partie consumériste, collecte
d’infos pratiques, les conventions, ceci, cela, on en a
besoin.
Une quatrième partie plus politique avec
Luc de la Fédé normande et Jean Digne:
« pas LA
culture, mais la diversité des cultures ».
Tout le
monde est d’accord. Moi aussi. Quel grand consensus mou. Parce
que je ne suis pas sûr que tout le monde y mette le même sens.
En effet, si chacun dans la salle adhère à cette idée, ceux
qui sont en charge de financer LA culture ne financeront que
« les » cultures qui correspondent aux valeurs de LA culture.
Celle du ministère. Malraux, sort de ces corps.
Ça manque de concret tout ça. Mais si on
rentre dans le dur, ça va être moins lisse.
Est-ce qu’on arrivera encore à travailler
ensemble si on s’engueule ? Vous avez raison de vous méfier.
Avec les vieux fondateurs braillards, un coup de rouge, un
pétard, et ça repartait !
La génération suivante m'a l'air moins
souple. C'est comme ça les élites, ça supporte pas trop quand
on comprend que la dernière fois qu'ils étaient d'accord avec
nous, c'est parce qu'on étaient trop cons ( pardonne moi,
Stéphane, tu devais être distrait ) pour apprécier la
subtilité. Et encore moins qu'on le leur fasse savoir.
Toujours est-il que je vous ai écrit une
petite contribution avec du concret pas toujours très lisse .
Je vous la livre, telle quelle.
Chers camarades, chers amis, chers
collègues et les autres aussi,
Quand Raymond GABRIEL des « Commandos
Percus » m'a contacté pour me signaler cette réunion, je suis
tombé des nues.
M'étant éloigné de la Fédé nationale
depuis le sabordage de la Fédé Midi Pyrénées dont j'étais le
président, je me suis désinscrit des listes et n'ai plus
participé au débat que de manière anecdotique.
Rassurez vous, c'est sans aigreur que je
viens vers vous aujourd'hui. D'abord parce que la compagnie a
très bien supporté cet éloignement des sphères dites
culturelles, ce qui n'est pas rien. Ensuite parce que le
Maalox est un emplâtre stomacal très efficace.
Mais d'abord un petit rappel, extrait de
ma lettre de démission, histoire de contextualiser:
« Bla, bla, bla...Mais plutôt
que de parler de divergences, je m'orienterais vers l'idée
d'une différence dans nos réalités, donc dans nos urgences
et par le fait dans nos priorités.
En effet, quand une partie d'entre nous aurait besoin de
voir s'élargir son champs d'activité (la multiplication
des points de diffusion garantirait un meilleur équilibre
économique des compagnies et par là même une plus grande
autonomie - plus de marges permet plus d'indépendance en
matière de création -, une plus large diversité, plus de
démocratie), l'autre a plus d'intérêt (le mot n'est pas
malveillant) à voir se renforcer les circuits existants,
même s'ils sont insuffisants (huit lieux spécifiquement
dédiés à la diffusion des arts de la rue en Midi-Pyrénées
pour quarante compagnies).
Des urgences différentes donc, mais dont je ne comprends
toujours pas pourquoi nous n'aurions pas pu les traiter
parallèlement. A moins que quelque chose ne m'ait échappé?
D'autant plus que l'idée était d'aller chercher les moyens
au-delà des plates-bandes des budgets culturels (cf ordre
du jour du C.A . du 14 mai 2008 disponible sur le site de
la Fédération Nationale), de diversifier les sources.
Après tant d'attente (d'inertie?), la réponse obtenue fut
qu'il serait temps que les compagnies se prennent en
charge...bla, bla, bla....
Alors l'usure, la lassitude... bla,bla...
Quoiqu'il en soit je vous
invite à un C.A. le mercredi 17 mars à 10h, au cours
duquel je vous remettrais ma démission de président. Par
ailleurs, je reste adhérent, car j'ai la faiblesse de
croire que se fédérer a, entre autres, pour but "d'appuyer
ensemble sur les leviers politiques".
Encore faudrait-il avoir la capacité ou la volonté
d'appuyer sur plusieurs leviers à la fois.
Et comme il ne me paraît pas abusif d'avancer qu'il
n'existe pas qu'une vision de ce qu'ont été, ce que sont
ou ce que pourraient être les arts de la rue, je
continuerai avec plaisir à confronter mes positions
théoriques avec les vôtres... »
Parmi les réponses qui précédèrent un
silence édifiant aux convocations qui suivirent, la plus
savoureuse fut un appel à patienter 6 mois avant de nous
revoir, la période électorale (Régionales 2009) n'étant pas
propice à la revendication (sic).
Le quorum n'étant pas atteint, je ne pus
même pas démissionner.
Il eut fallu convoquer une AG
extraordinaire, mais quoi qu'il soit en vente libre, il ne
faut pas abuser du Maalox.
Fermez le ban.
Alors oui, je suis tombé des nues.
Que c'est-il passé en 3 ans qui justifie
un rapprochement de l'Usine avec la Fédé?
L'intérêt général qui, la main sur le
cœur, ne saurait être la somme de certains intérêts
particuliers va-t-il être ressorti d'une vieille malle à
costume poussiéreuse?
Faut-il restructurer les structures
structurantes des arts de la rue en Midi Pyrénées?Aurions-nous
besoin d'un 2ème CNAR? Oups.
Là je vous arrête, enfin je m'arrête.
On peut en supporter un, mais de là à
faire un élevage...
Non j'déconne. Mais ça fait du bien, ça
évacue les tensions.
Ceci étant dit, je suis venu vous poser
les questions que je me pose depuis. Les questions que nous
nous posons lorsque nous nous croisons, dans les loges, les
hôtels, les restos.
La première a la forme d'une devinette et
sera précédée de l'extrait d'un texte publié par l'Usine en
2012 et signé par Philippe SAUNIER BORELL (co-directeur du
CNAR Midi Pyrénées).
« ...L'évidence s'imposait
entre l'Usine et Pronomade(s), tant leurs lieux de
création sont complémentaires, dans leur savoir-faire et
leurs espaces. C'est ainsi que des projets coproduits par
l'un sont diffusés par l'autre, qu'une création est
accueillie sur un temps de fabrique chez l'un et un temps
de répétition chez l'autre ou qu'ensemble les deux
structures diffusent, sur l'agglomération toulousaine et
dans le Comminges, la même compagnie... »
La devinette d'ordre sémantique qui brûle
les lèvres après l'estomac est :
Existe-t-il une différence entre
complémentarité et consanguinité?
Passée au Maalox, cela donne :
Est-il souhaitable qu'un lieu de
production cumule des fonctions de diffusion et inversement?
Cela ne nuit-il pas à la diversité de la
production et/ou de la diffusion?
Et d'une.
Pour la seconde, je ferai appel aux
compétences de Doc Kasimir Bisou (qui n'est pas le pseudo d'un
artiste de rue mais celui de Jean Michel LUCAS ex DRAC, ex
Conseiller du ministre et docteur ès sciences économiques).
Un extrait de son propos :
La qualité artistique est un
secret
« ...La troisième « fiction
nécessaire », à éliminer très vite, prétend que la
politique culturelle, de l'Etat comme des collectivités, a
légitimité pour dire au peuple, et à l'histoire, ce qui
est « art » et ce qui ne l'est pas. L'argent public exige
une sélection de projets sur la base de leur qualité
artistique définie par des experts spécialisés, choisis
dans la discrétion et choisissant eux mêmes, dans le
« secret absolu des délibérations », comme on dit dans les
circulaires.
En énonçant ce dogme, la
politique culturelle a refermé le nœud coulant qu'elle
s'était mise autour du cou. Elle propose, en effet, à
l'assemblée de citoyens des objets d'art avec valeur
estampillée. Le citoyen n'a plus rien à dire. Il n'existe
plus dans sa parole publique. S'il est satisfait des choix
faits en son nom, il devient « public » des œuvres d'art
et garde son plaisir pour l'intimité de son être. (Il lui
arrive aussi de bailler mais il ne dit rien car il sait
que l'art épanouit les êtres, ce qui ne prévoit pas le
bâillement!!)
Ou alors, il ne devient pas
public. Il faut alors le rattraper et, nous dit le
syndéac, c'est « la tentation utilitariste e la
culture, pouvant se décliner dans un populisme avoué ».
Pas de pardon, si vous ne choisissez pas le cercle de mes
valeurs, vous tombez la tête la première dans le
populisme. La « fiction nécessaire » connaît le poids des
mots. Dur à avaler pour une démocratie où les « publics »
tout incultes qu'ils soient, ont la responsabilité de
choisir régulièrement leurs élus!! Faudrait-il supprimer
la démocratie, dès qu'on parle de culture!... »
Le secret des délibérations, ça vaut ce
que ça vaut. Tout finit par se savoir. Et quand l'experte arts
de la rue au Conseil Régional écarte négligemment le dossier
d'une compagnie en disant « Ah non, ça c'est pas du
spectacle », forcément on se pose des questions. Ils sont pas
bien malins les plus de 1000 organisateurs du monde entier
qui, depuis 20 ans ont cru accueillir des spectacles en
programmant cette compagnie. Pas malins Pierre et Quentin, pas
malin Pedro. Y aurait-il une concentration de crétins à
Chalon-sur-Saône, capitale des arts de la rue. Excusez moi de
vous citer les gars, mais pour certains vous êtes plus
crédibles, plus légitimes que les simples citoyens du comité
des fêtes de Mazères du Salat. Et malgré toute l'affection que
je vous porte, croyez bien que je le regrette.
Bref, s'agit-il réellement d'une
expertise?
Non, c'est pas ça la question que je
voulais poser.
La question c'est :
Peut-on à la fois être juge et parti?
Qu'en est-il de la notion de conflit d'intérêt?
Mais non, la vraie question c'est Doc
Kasimir Bisou qui l'a posée tout à l'heure.
Pour la troisième et dernière question, je
m'appuierai à nouveau sur le verbe réjouissant de mon camarade
Philippe SAUNIER BORELL. Il y a une vingtaine d'années, je
venais de quitter les Plasticiens Volants pour créer Picto
Facto, nous sortions d'une réunion de préfiguration d'un
collectif régional (déjà) et il m'avait dit « Tu sais, j'aime
pas les ballons alors on ne travaillera jamais ensemble ». Ce
qui fut dit fut fait. Je n'y vis à l'époque aucun problème.
C'est vrai, il a le droit de ne pas aimer les ballons ce
garçon, en plus il fait du bon boulot. Depuis j'ai appris à
décortiquer les arguments, les classer par catégorie, les
confronter. Celui (libertaire) de la liberté de choix
artistique est béton. Jusqu'au moment où on se demande qui
finance cette liberté. Et qu'en est-il de celle du joyeux
contribuable qui vit dans le Comminges et adore les ballons.
Rien de personnel là dedans, aucune remise
en question de la qualité de son travail, une simple
introduction à la question suivante :
Est-il souhaitable que le mandat d'un même
décideur sur un même territoire n'ait pas de limite dans le
temps?
Au delà de ces anecdotes, de ces petites
problématiques un peu techniques, une question plus politique
me taraude (si, si) :
En calquant notre fonctionnement sur
d'autres secteurs plus traditionnels (scènes nationales, CDN
…), nous avons renoncé à exister différemment.
Est-il encore possible d'inventer d'autres
voies?
Et surtout, sommes nous encore assez
nombreux à le souhaiter?