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[rue] populaire or not populaire


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  • From: Jacques LIVCHINE < >
  • To: Liste Liste rue < >
  • Subject: [rue] populaire or not populaire
  • Date: Mon, 22 Dec 2014 14:34:42 +0100

Chers et chères polémistes,

Le problème du “populaire” est fondamental.
je passe ma vie à m’y perdre.
Parce qu’un jour j’ai croisé Patrick Sébastien, qui avait entrevu les grooms,
et qui criait “c’est génial ça “ je les veux pour mon émission du 31
décembre, “ah putain, que c’est génial".
Mais c’est qui ce groupe ? Mais qui a fait ça ce truc génial ?
A l’époque les grooms c’était encore l’Unité, alors je dis timidement “oui
c’est un peu moi “
-Mon camarade, c’est trop génial.
Allez on fonce au restaurant causer de ça…
il hurle : moi Patrick Sébastien, je leur tire un tapis rouge pour mon
émission…
Alors le 31, on était tous là avec les belles mères, les grands mères, les
pères, tous devant la télévision,
les grooms sur TF1 ! à l’époque c’était TF1, le soir du 31, la gloire…
La suite vous la devinez…
On s’est tapé deux heures, sans trace des grooms, et sur la fin, sans une
photo, sans un film, il a dit
“ si vous croisez un jour dans une de vos rues les grooms, vous verrez,
c’est génial”.
La baiser de la mort. Rideau.

Et encore une autre fois, nous avons été approchés par TF1, nous avons
tourné toute une journée pour eux, pour un faux sondage sur l’ouverture d’un
Eros center pour personnes âgées.
C’était assez drôle, mais au final, ils avaient tout édulcoré, c’était
lamentable et honteux.

Il y a un populaire avilissant et dégradant, un populaire abrutissant, telle
a été notre première conclusion, non plus jamais, ce populaire-là,

Notre “populaire à nous” il n’abaisse pas, il élève l’âme même d’un
millimètre. Il s’adresse à l’hémisphère gauche du cerveau, à la conscience
humaine.
Nous le formulons comme ça “nos spectacles doivent intéresser en même temps
une femme de ménage et un professeur de faculté. En même temps la caissière
du super U et le professionnel de théâtre.

Nous n’allons pas nous vanter de réussir à tous les coups. Mais tout de même…

Nous avons quelques réussites. Oui au Kapouchnik nous avons la postière, le
flic municipal, le vendeur de bricoman, la caissière de la pompe à essence,
le syndicaliste de Peugeot, le candidat du Front de gauche, un conseiller
municipal de droite, quelques jeunes à casquette, et aussi la conseillère
théâtre de la Drac, la présidente de région, quelques pros.
Nous avons fait attention que notre lieu ne s’appelle pas “théâtre” , parce
que rien que le mot “théâtre “ça fait fuir, c’est le studio des 3 oranges,
on dit chez nous “tu vas aux 3 oranges au Kapouchnik” ? C’est toujours
bondé.
Ça cause des nouvelles locales, et du national. Pour certains c’est leur seul
journal.
Question excellence théâtrale, hmm, discutable, mais ça exerce la conscience
critique. Nous sommes dans une petite ville ouvrière, il fallait trouver le
point G du public. Nous l’avons trouvé, nous avons des fidèles, et 10% de
gens nouveaux par séance, on le sait, on leur demande de lever la main.
Nous nous auto-estimons “populaire”.

Un autre exemple instructif que raconte Nicolas Frize, compositeur
contemporain.
Si une des ses créations était jouée salle Pleyel, scène nue, rideaux
noirs, atmosphère musique classique, elle n’engendrerait qu’ennui mortel,
mais la même oeuvre avec des chanteuses aux fenêtres d’un immeuble, oeuvre
savante, devient accessible à tout le quartier.
Où tu joues, c’est important.
Et là j’applique la règle à Pernette, Pernette dans la rue c’est une
merveille de ludisme et de précision, et c’est du régal, c’est populaire
mais à l’intérieur d’un théâtre, on assiste à une oeuvre, c’est plus
solennel, c’est tout de suite de la culture avec un grand C, c’est de la
danse contemporaine, alors certains qui ont les repères de la danse classique
commencent leur litanie “ j’y comprends rien” etc.

Boulez a déclaré “ les oeuvres accessibles sont toujours mineures”. je lui ai
écrit pour dire que je n’ étais pas d’accord. Car nous sommes au coeur du
problème du théâtre de rue, nous qui tenons à être accessibles à tous, nous
sommes considérés comme de l’art mineur.

Je termine par une de mes sentences. “le peuple peut se passer de théâtre,
mais le théâtre ne peut pas se passer du peuple”. C’est pour moi une
certitude absolue.
L’absence totale du peuple dans tous nos lieux institutionnels est une
catastrophe.
Ça dessèche les représentations.


Faut pas que je rate Timbouctou à 15 H 10


Jacques Livchine




















Jacques LIVCHINE

Metteur en songe

06 76 02 08 81

Le théâtre de l’Unité, c’est toujours autre chose…





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