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Re: [rue] populaire or not populaire


Chronologique Discussions 
  • From: SOLOY < >
  • To: le fourneau Le Fourneau < >
  • Cc: Jacques LIVCHINE < >
  • Subject: Re: [rue] populaire or not populaire
  • Date: Mon, 22 Dec 2014 19:59:01 +0100

C’est pas pour te passer de la pommade mon cher Jacques,
mais à chaque endroit de ce que tu écris, tu dis d’où tu parles.
C’est primordial.
Et je te rejoins complètement dans ce questionnement du lieu:
arts de la rue, arts dans l’espace public, c’est bien le point central de
notre démarche.

J’ai cependant du mal à comprendre pourquoi tu passes par la case télé pour
construire ta vision du populaire. Concernant l’image enregistrée, il serait
naïf de croire, notamment pour nous qui venons de la rue, que le contenu est
l’œuvre. C’est le discours entre le contenu et le public qui fait l’œuvre.
Dans le cadre de l’image enregistrée, seul celui qui maitrise le final cut
maitrise l’objet, pour le faire devenir anecdote, produit ou œuvre. Et
encore… À la télé, un super-cadre peut entourer un objet qui semble fini
(horaires, émissions qui bordent…).

En ce qui concerne les lieux et les disciplines, il y a, je crois moi aussi,
quelque chose à creuser. Trois des arts vivants officiels réfèrent à une
discipline (je dis arts officiels car décrits comme tels sur le site du
ministère de la Culture): danse, marionnette, musique.
Trois autres diffèrent, le lieu étant synonyme de la discipline: le cirque
(qui évoque l’ensemble des voitures, caravanes, chapiteaux…), le théâtre et
les arts de la rue: ces trois "arts" évoquent de manière directe leur espace
d’expression comme une primauté sur leur contenu.

Et ça raconte bien des choses sur l’intention première qui les sous-tend. Le
cirque t’invite au voyage entre les éléments qui le compose (ménagerie,
chapiteaux…), le théâtre t’invite dans ses murs, les arts de la rue, hors des
murs. D’un point de vue sémantique, il y a des arts sédentaires, d’autres
nomades, des lieux qui clivent, d’autres qui rassemblent. Le populaire
serait-il ce qui rassemble?

Bon, bah c’est tout pour ce soir, je passe à table.
BizàtouTEs,
Nicolas Soloy



> Le 22 déc. 2014 à 14:34, Jacques LIVCHINE
> < >
> a écrit :
>
> Chers et chères polémistes,
>
> Le problème du “populaire” est fondamental.
> je passe ma vie à m’y perdre.
> Parce qu’un jour j’ai croisé Patrick Sébastien, qui avait entrevu les
> grooms, et qui criait “c’est génial ça “ je les veux pour mon émission du
> 31 décembre, “ah putain, que c’est génial".
> Mais c’est qui ce groupe ? Mais qui a fait ça ce truc génial ?
> A l’époque les grooms c’était encore l’Unité, alors je dis timidement “oui
> c’est un peu moi “
> -Mon camarade, c’est trop génial.
> Allez on fonce au restaurant causer de ça…
> il hurle : moi Patrick Sébastien, je leur tire un tapis rouge pour mon
> émission…
> Alors le 31, on était tous là avec les belles mères, les grands mères, les
> pères, tous devant la télévision,
> les grooms sur TF1 ! à l’époque c’était TF1, le soir du 31, la gloire…
> La suite vous la devinez…
> On s’est tapé deux heures, sans trace des grooms, et sur la fin, sans une
> photo, sans un film, il a dit
> “ si vous croisez un jour dans une de vos rues les grooms, vous verrez,
> c’est génial”.
> La baiser de la mort. Rideau.
>
> Et encore une autre fois, nous avons été approchés par TF1, nous avons
> tourné toute une journée pour eux, pour un faux sondage sur l’ouverture
> d’un Eros center pour personnes âgées.
> C’était assez drôle, mais au final, ils avaient tout édulcoré, c’était
> lamentable et honteux.
>
> Il y a un populaire avilissant et dégradant, un populaire abrutissant,
> telle a été notre première conclusion, non plus jamais, ce populaire-là,
>
> Notre “populaire à nous” il n’abaisse pas, il élève l’âme même d’un
> millimètre. Il s’adresse à l’hémisphère gauche du cerveau, à la conscience
> humaine.
> Nous le formulons comme ça “nos spectacles doivent intéresser en même
> temps une femme de ménage et un professeur de faculté. En même temps la
> caissière du super U et le professionnel de théâtre.
>
> Nous n’allons pas nous vanter de réussir à tous les coups. Mais tout de
> même…
>
> Nous avons quelques réussites. Oui au Kapouchnik nous avons la postière, le
> flic municipal, le vendeur de bricoman, la caissière de la pompe à essence,
> le syndicaliste de Peugeot, le candidat du Front de gauche, un conseiller
> municipal de droite, quelques jeunes à casquette, et aussi la conseillère
> théâtre de la Drac, la présidente de région, quelques pros.
> Nous avons fait attention que notre lieu ne s’appelle pas “théâtre” , parce
> que rien que le mot “théâtre “ça fait fuir, c’est le studio des 3 oranges,
> on dit chez nous “tu vas aux 3 oranges au Kapouchnik” ? C’est toujours
> bondé.
> Ça cause des nouvelles locales, et du national. Pour certains c’est leur
> seul journal.
> Question excellence théâtrale, hmm, discutable, mais ça exerce la
> conscience critique. Nous sommes dans une petite ville ouvrière, il
> fallait trouver le point G du public. Nous l’avons trouvé, nous avons des
> fidèles, et 10% de gens nouveaux par séance, on le sait, on leur demande de
> lever la main.
> Nous nous auto-estimons “populaire”.
>
> Un autre exemple instructif que raconte Nicolas Frize, compositeur
> contemporain.
> Si une des ses créations était jouée salle Pleyel, scène nue, rideaux
> noirs, atmosphère musique classique, elle n’engendrerait qu’ennui mortel,
> mais la même oeuvre avec des chanteuses aux fenêtres d’un immeuble, oeuvre
> savante, devient accessible à tout le quartier.
> Où tu joues, c’est important.
> Et là j’applique la règle à Pernette, Pernette dans la rue c’est une
> merveille de ludisme et de précision, et c’est du régal, c’est populaire
> mais à l’intérieur d’un théâtre, on assiste à une oeuvre, c’est plus
> solennel, c’est tout de suite de la culture avec un grand C, c’est de la
> danse contemporaine, alors certains qui ont les repères de la danse
> classique commencent leur litanie “ j’y comprends rien” etc.
>
> Boulez a déclaré “ les oeuvres accessibles sont toujours mineures”. je lui
> ai écrit pour dire que je n’ étais pas d’accord. Car nous sommes au coeur
> du problème du théâtre de rue, nous qui tenons à être accessibles à tous,
> nous sommes considérés comme de l’art mineur.
>
> Je termine par une de mes sentences. “le peuple peut se passer de
> théâtre, mais le théâtre ne peut pas se passer du peuple”. C’est pour moi
> une certitude absolue.
> L’absence totale du peuple dans tous nos lieux institutionnels est une
> catastrophe.
> Ça dessèche les représentations.
>
>
> Faut pas que je rate Timbouctou à 15 H 10
>
>
> Jacques Livchine
>
>
>
>
>
>
>
>
>
>
>
>
>
>
>
>
>
>
>
>
> Jacques LIVCHINE
>
> Metteur en songe
>
> 06 76 02 08 81
>
> Le théâtre de l’Unité, c’est toujours autre chose…
>
>
>
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