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[rue] Bordel !


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  • From: Franck Halimi < >
  • To: Liste Rue < >
  • Subject: [rue] Bordel !
  • Date: Fri, 27 Nov 2015 21:32:50 +0100

Salut, c'est Franck de Bourgogne.

Je ne connais pas la teneur des propos échangés durant l'Université Buissonnière de Rennes.

Mais, j'aimerais attirer votre attention sur une question qui a certainement traversé vos réflexions, par le truchement d'un texte de l'un de mes amis, musicien de rue et de couloir.

Malgré son caractère désespérant, ce texte de Dogman s'avère être formidablement juste (voir ci-dessous).

Ou comment, dans un calamiteux grand écart schizophrénique (amer) et paranoïaque, ce gouverne-ment "manie pue l'acteur" en arrive (dans ses intentions) à prôner la vitalité de l'Art et de la Culture (pourquoi ces mots au singulier-majuscule et pas au pluriel-minuscule, les arts et les cultures ?) comme mode de "résistance" (mot ô combien dévoyé depuis 2 semaines), tout en empêchant (dans les actes) ces cultures et ces arts de s'exprimer librement dans la cité.

Bref, ces mauvais marionnettistes qui président à nos destinées sont en train de renforcer les fils qui nous entravent au lieu de donner au plus grand nombre les moyens de s'émanciper : ils sont donc en train de commettre un crime abject pour répondre à des crimes innommables.

Le gouvernement est un mauvais médecin en train de renier son serment d'Hypocrate : et c'est nous, les (trop) patients, qui allons payer les pots qu'il a cassés => honte à lui !

Je formule ici le souhait qu'une réponse collective puisse émerger face à cet état d'urgence...

Voili.

Ami calmant.

@+ Franck de B.
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QUAND ON N'A PAS QUE L'AMOUR

Aujourd'hui, les musiciens du métro ont reçu une petite lettre, pour leur indiquer qu'il était dorénavant interdit d'y jouer, et ce jusqu'à nouvel ordre .

Ils seraient en droit de réclamer le remboursement de leur badge au service consommateur, s'ils ne craignaient pas de mordre la main de celui qui les nourrit déjà si mal. Le service courrier de la RATP ne devrait pas être trop submergé...

On ne peut plus jouer dehors.
On ne peut plus jouer dedans.
On est mort !

Les derniers temps étaient déjà difficiles, à cause de la fameuse crise qui s'abat sur toutes  les populations, surtout les moins riches.

Les musiciens de rue, eux aussi, comme les banques, vivent sur le dos des plus pauvres.

Depuis le vendredi 13, nous n'avons plus pu jouer.
Pour nous, ça signifie la mort 

Youmi et moi ne sommes pas intermittents.
Nous ne jouons que dehors et vivons dans l'absolu, au jour le jour.
Nous sommes des Buskers, des "musiciens ambulants ".

L'hiver n'est pas notre saison favorite.
Et l'état d'urgence voudrait bien nous donner le coup de grâce.

Braver l'interdiction se résumerait à nous retrouver tout seuls, comme deux cons, sur le pont pendant la tempête, avec le risque de prendre un coup de Tonfa sur la tête.

Dehors, il n'y a personne.
Les gens du vendredi 13 ont anesthésié Paris.

Malgré les slogans de résistance mercantile aboyés par des commerçants fragiles, les rues restent vides.

Tout en haut de la pyramide, dans les jardins du Louvres (qui en ont vu d'autres), on chante poliment  "Quand on n'a que l'amour ".

Devant un parterre trié autour d'un président qui a 5 minutes pour écouter une p'tite chanson, le message est clair : "Résistons en chanson !"

Je ne fais pas de politique.
Ceci n'est pas une critique à l'encontre de telle ou telle clique.

Mais si, comme d'ordinaire, le message est clair, les actes, eux, nous racontent tout le contraire.

Depuis bien avant Vendredi 13, il était interdit de jouer de la musique dans la rue sous peine de confiscation de matériel, d'amende , de procès au tribunal... et ce, depuis la nuit des temps.

Ce n'est pas un sujet qui intéresse grand monde.

Dans la rue, je joue et, surtout, j'échange.
Avec des touristes venus de partout.
Qui viennent parfois à Paris depuis de nombreuses années.
Et qui me racontent souvent la même histoire.
Que c'était mieux avant.
Qu'il y avait des saltimbanques, des artistes de qualité.

Maintenant les rues sont mornes, parsemées de statues plus ou moins humaines, sous lesquelles se cachent quelques Bulgares, qui ont atterri là par hasard, au milieu des accords de Schengen.

Mais que fait la Police ?
Elle fait ce qu'on lui demande...

Depuis de nombreuses années et une  palanquée de maires de Paris pleins de promesses, le dossier des artistes de rue n'a pas avancé d'un iota.

Dans le cadre d'une démarche individuelle, j'ai rencontré à plusieurs reprises les services concernés de la Mairie de Paris, qui m'ont, à chaque fois, aimablement renvoyé vers la Préfecture.
Qui, elle, me renvoyait (toujours aussi gentiment) vers la Mairie de Paris.

Il y a des caméras partout, la Préfecture veille au grain et mobilise un petit escadron au moindre stationnement artistique.
Soi-disant à cause des pickpockets.
Moi, je ne me plains pas des pickpockets, qui ne m'ont jamais rien volé.
Peut-être parce qu'il n'y a rien à me voler ou parce que je suis malin.
Malgré les attroupements que l'on crée, j'en vois rarement qui pourraient pourtant être attirés.

Oui il y a des pickpockets dans la rue.
Ce n'est pas nouveau.
C'est un art ancestral.
Il vaut mieux fermer son sac Vuitton.

Pour jouer dans la rue, il existe une dérogation-mystère.
Il n'y en a qu'une.
C'est un type qui l'a, un type qui gratte des chansonniers décédés,  depuis des années, vers Notre-Dame.

Il a le droit de jouer ici.
La police ne l'inquiète jamais : il a le fameux papier.
Il est le seul.

Avec Youmi, on en ferait bien une photocopie .

Au même titre que son humeur, sa prestation reste très discutable.
Néanmoins, c'est bien lui le dernier de nos Mohicans.

Jour après jour, je vois mes collègues de l'intermittence se plaindre des annulations.

Parfois, même en plein concert (comme Sonia Rékis hier soir, au bout de la deuxième chanson), on voit une salle -déjà peu remplie- se vider, sous la menace d'un attentat qui n'existait pas.

Un peu comme dans les westerns , quand le vilain cowboy tire sur les pieds d'un gueux pour le faire danser, les artistes continuent de gesticuler frénétiquement sachant qu'ils n'ont pas une longueur d'avance.

Alors, pour nous, c'est terminé la rue ?...

Peut-être bien.
Notre sort à tous est entre nos mains...

En conclusion, pour défendre une culture, il faut déjà en avoir une.
La question se pose là.
Mais, est-ce bien nécessaire ?
Le changement, c'est maintenant ?
Non.
Le changement, c'est dans très très longtemps...

Et c'est où ?

C'est dehors.
Et c'est surtout dedans…

En attendant, si tu veux sauver notre peau, mets des sous dans le chapeau.

Mais, si tu préfères qu'on meurt, alors il faut laisser parler ton coeur.

À bon entendeur...

Dogman

PS : N'oubliez pas de nous envoyer un paquet de chips et un sac de croquettes pour Noël.
Parce que, comme nous, les Restos du coeur sont privés d'exercices extérieurs.
Et ce, jusqu'à nouvel ordre...
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  • [rue] Bordel !, Franck Halimi, 27/11/2015

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