Pour ce qui est de nous, professionnels du secteur, c’est une
vieille histoire que de se faire dénigrer. Vous qui avez
fait des études
d’histoire, M. Wauquiez, vous devez savoir que dans le
temps, les comédiens qui
amusaient jusqu’aux cours royales, n’avaient même pas le
droit d’être enterrés
en terre consacrée. Et pourtant…
Et pourtant on se souvient encore de centaines
d’entre nous.
Et pourtant nous sommes là aujourd’hui encore…
Nous montons sur les planches, nous
fabriquons, nous écrivons, nous répétons, nous voyageons,
nous nous formons,
nous lisons, nous achetons et nous vendons. Eh oui, M.
Wauquiez, nous
TRAVAILLONS. Comme vous. Comme tout le monde.
M. Wauquiez, notre travail à nous aussi, c’est
de PRODUIRE. Des spectacles de marionnettes certes ou des
numéros de cirque,
mais aussi, plus largement, de produire de la richesse,
même si c’est une
richesse qui peut rarement se compter en monnaie sonnante
et trébuchante, tout
du moins pour nous !
Vous êtes maire de votre ville et certainement
je ne vous apprends rien quand je vous parle de retombées
économiques d’un
festival. Comme si nous étions là juste pour faire
travailler les bars, les
restaurants et les hôtels des villes qui nous accueillent…
M. Wauquiez, on ne compte plus en France et
dans le monde les villes qui, grâce à un pari ambitieux
sur la culture, ont su
redevenir attractives, dynamiques, créatrices. Elles ont
pu retrouver leur DIGNITÉ, M. Wauquiez. C’est cela que
j’appelle créer de la richesse.
Je pourrais
aussi m’étendre sur le fait que nous travaillons dans un
secteur, l’industrie
culturelle, dans lequel
“le taux de valeur
ajoutée est beaucoup plus élevé que dans l’ensemble des
secteurs marchands”, ceux
que vous appelez, si je vous comprends bien les vrais
jobs. Je pourrais aussi
vous assommer d’études sur l’économie, la sociologie et
l’emploi dans le
spectacle vivant. Mais je ne me sentirais pas à ma
place. Mon job à moi, M. Wauquier
c’est de faire des spectacles, et de le faire avec
dignité.
Pour finir, il y a une chose sur
laquelle vous avez certainement raison
M. Wauquiez, notre job n’est pas un job comme les
autres. Notre job à nous, les
marionnettistes et les circassiens, est de faire rêver
les gens. Cela demande
du savoir-faire, de l’abnégation, de la préparation, du
travail, et bien sûr de
la formation.
Mais surtout cela demande du
respect, de la générosité et de l’amour.
M. Wauquiez, par les temps qui
courent, j’ai envie de vous dire que si
les hommes politiques étaient capables de faire rêver
les citoyens comme nous
le faisons, notre vivre ensemble s’en porterait bien
mieux.
Je vous prie d’agréer, M.
Wauquiez, l’_expression_ de mes “fantaisistes”
salutations.
Jacopo
Faravelli - marionnettiste