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[rue] Intox à domicile


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  • From: François Mary < >
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  • Subject: [rue] Intox à domicile
  • Date: Thu, 3 May 2018 08:32:21 +0200

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« Menace d'ultra-gauche » : histoire d'une intoxication médiatique et
politique

La dégradation d'un fast-food est décrite comme l’Apocalypse. Macron
évoquait récemment, dans un discours très officiel, une terrifiante «mouvance
organisée, structurée et engagée dans une démarche insurrectionnelle ». Son
ministre de l'intérieur appelle à présent à pourchasser « ceux qui prônent
l'insurrection ». Pas un jour ne passe sans qu'un reportage anxiogène sur «
la menace d'ultra-gauche » ou un article à charge sur les mouvements sociaux
ne soit diffusé. Ces dernières années, pourtant, nous avons surtout assisté à
un durcissement considérable des répressions. Des dizaines de mutilations,
voire de morts, causées par les armes de la police. Des assignations à
résidence d’écologistes. Des procès de militants accusés sans preuve de «
tentatives d'homicide » voir de « terrorisme ». Finalement, en agitant le
spectre d'une «menace d'ultra-gauche », le gouvernement justifie et légitime
à postériori les attaques qu'il porte à celles et ceux qui lui résistent. Pas
l'inverse.

Venons en aux faits. Pour justifier la fuite en avant sécuritaire actuelle,
les médias nous répètent à longueur de journée qu'il y aurait une « montée de
la radicalité » de la contestation, une « augmentation des violences en
manifestation ». Un tableau effrayant. Mais, même s'ils sont répétés mille
fois, ces mensonges ne constitueront jamais des vérités.

Alors, augmentation de la violence ou pas ? Rapide retour historique sur
quelques épisodes de luttes en France contemporaine.

- A la fin du 19ème siècle des mouvements insurrectionnels émergent partout
en France alors que les premiers syndicats, fondés par les anarchistes,
prônent l'abolition du capitalisme. Dans la première décennie du 20ème
siècle, des affrontements très durs ont lieu un peu partout, notamment à
Paris, Limoge, Lille ou Nantes, avec des barricades, échanges de coups de feu
et incendies de maisons patronales. Quelques années plus tôt, une partie du
mouvement anarchiste s'illustrait par des actions particulièrement
déterminées, avec des attaques armées contre le Parlement, la police et les
patrons. Les émeutes et les attentats font alors la une de l'actualité de
l'époque.

- Dans l'entre-deux guerres, le mouvement social se restructure, galvanisé
par la Révolution russe. La solidarité internationale est forte. En 1925 par
exemple, deux anarchistes américains, Sacco et Vanzetti, sont condamnés à
mort. Des manifestations de soutien réunissent des dizaines de milliers de
personnes en France. Des émeutes éclatent dans plusieurs villes, dont Nantes,
où la préfecture reçoit des tirs d'armes à feu. En 1936, un mouvement de
grève puissant arrache de nouveaux droits en France, alors que des groupes de
militants de toute l'Europe partent en Espagne lutter les armes aux poings
contre le fascisme.

- Après guerre. Dès la Libération, des conflits sociaux extrêmement
déterminés éclatent pour réclamer de meilleures conditions pour les
travailleurs. En 1947, des grèves insurrectionnelles partent de Paris et du
Nord de la France pour s'étendre à tout le pays. Entre autres exemples, un
avocat est défenestré du tribunal de Marseille par les grévistes qui
réclament la libération de manifestants arrêtés. A Saint-Étienne, 30 000
mineurs affrontent les CRS – qui viennent d'être créés par le gouvernement –
et les mettent en déroute. Ils vont jusqu'à capturer certaines compagnies et
voler leurs armes ! Dans le Nord, les grévistes font dérailler un train et
sabotent des machines, l'armée est envoyée. En 1955, d'autres grèves
insurrectionnelles éclatent à Nantes et Saint-Nazaire, avec des affrontements
particulièrement violents entre ouvriers métallos et CRS, et l'attaque de la
prison et du tribunal de Nantes.

- Est-il utile de revenir sur Mai 68 ? Des millions de grévistes, une pénurie
d'essence et de matières premières, des centaines de barricades, des
véhicules incendiés, des milliers de policiers blessés. A Nantes, la
préfecture est prise d'assaut et incendiée, à Lyon, un policier trouve la
mort, à Paris, des émeutes réunissent des dizaines de milliers d'étudiants
dans le quartier latin. Partout, des usines et des bâtiments publics sont
occupés. Une secousse sociale considérable.

- Dans les années 1970 et 1980, les luttes anti-nucléaires s'illustrent par
leur détermination particulièrement élevée. Des chantiers de centrales
nucléaires sont attaqués à l'explosif. En Bretagne, le projet de centrale de
Plogoff est abandonné après des années d'affrontements quasi-militaires. Des
équipements d'EDF sont sabotés ou incendiés dans toute la France. Une péniche
accueillant une exposition pro-nucléaire est coulée à Toulouse par une charge
explosive. Des manifestations réunissant des dizaines de milliers de
personnes se transforment en émeutes géantes.

- A la même époque, plusieurs manifestations marquent les esprits. Par
exemple l'attaque d'un meeting d'extrême droite à coups de cocktails molotov
par une manifestation antifasciste – en 1973 – et une manifestation nationale
de sidérurgistes lorrains à Paris marquée par des affrontements très durs et
même des braquages, en 1979 !

- Dans les années 1990, la conflictualité de faiblit pas. En 1994, un
mouvement spontané part de la jeunesse. Blocus lycéens et manifestations
sauvages. Des émeutes éclatent dans plusieurs métropoles, notamment Lyon,
Paris et Nantes, où une armurerie est pillée et des barricades allumées sur
le cours des 50 Otages. Les syndicats soutiennent les lycéens inculpés jusque
devant les tribunaux. L'année suivante, les grèves de 1995 réunissent des
millions de personnes. La gare routière de Nantes est incendiée. A chaque
fois, le gouvernement doit reculer et retirer ses projets de lois sous la
pression de la rue !

Ces quelques exemples ne sont qu'un court aperçu - très incomplet - de la
constellation d'agitations diverses de ces dernières décennies. Comme vous
pourrez le constater, en réalité, le mouvement social n'a jamais été aussi
faible que ces dernières années. Les médias, qui décrivent une « montée de la
violence » mentent sciemment, et fabriquent un discours parfaitement inverse
à la réalité. A la lumière du passé récent, faire croire qu'une poignée
d'affrontements ritualisés pendant la Loi Travail et un Mac Donalds esquinté
représenteraient une « nouvelle menace d'ultra-gauche » est une vaste blague.
Ce qui est une réalité de l'époque actuelle, en revanche, c'est la
remilitarisation du maintien de l'ordre. Avec ses nouvelles armes, la police
tire à nouveau dans la foule. L'état d'urgence permet à présent aux forces de
l'ordre de garder leurs armes à feu en permanence, des manifestants sont très
gravement mutilés voire tués, des peines de prison exorbitantes sont
distribuées.

Ce qui est tout aussi réel, ce sont les attaques sans précédent du
gouvernement Macron, avec une gouvernance ultra-libérale et violente qui
ponctionne directement l'argent public pour le redistribuer aux riches, et
qui met méthodiquement à sac l'intégralité des conquêtes sociales.
Ce qui est réel enfin, c'est la destruction généralisée de la nature et la
catastrophe qui arrive, avec l’extinction des espèces, l'empoisonnement des
mers et le bétonnage des terres.

Mais évidemment, le vrai danger semble venir de « l'ultra-gauche ».

« A une époque de supercherie universelle, dire la vérité est un acte
révolutionnaire ». Georges Orwell

> Nantes révoltée



  • [rue] Intox à domicile, François Mary, 03/05/2018

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