En fait tout Aurillac est dans le bouquin de Pierre Prévost je ne fais que répéter ce qu’il dit . Que personne ne meure ça s’appelle et il signe Pierprevo, c’est ridicule de signer comme ça. Pierre il est Pierre.
Auto -entretien avec moi -même
Vous avez dit que vous étiez en overdose et vous êtes revenu pour un cinquième jour
C’est un spectacle du In qui m’a détruit . Cela m’est tragiquement nuisible quand c’est trop raté. Je me mets à ne plus croire du tout dans le théâtre. Cela me fâche et me démoralise, et je m’interroge : suis je aussi mauvais qu’eux ? Parce qu’il faut dire que les gens applaudissent et semblent contents etc. alors je me sens en dehors, je doute . Je me mets en jachère, je fais une pause dans mes sorties le temps de me reconstituer. Si je suis revenu , c’est que je devais accompagner Edith.
Qu’est ce qui vous a plus marqué cette année ?
En fait, je ne suis quasiment jamais allé à Aurillac en tant que public sauf en 2003 l’année de la grève. Quand on joue, on est dans une autre dynamique, on n’a pas envie de trainer. Mais là, 2019 je découvrais quasiment le festival et ce que c’est que d’être un spectateur de théâtre de rue. Ce qui m’a carrément marqué, c’est l ‘appétit, l’avidité, la passion du public. Ils envahissent les aires de jeu plus d’une heure avant. Ils sont dans un état de désir pas possible. J’avais l’impression à la cour de l’école Tivoli en attendant Chtou, que c’est Johnny qui allait rentrer. Il devait commencer à 14 H 50, il était 14 H 56, et la fébrilité montait. Il y avait environ 800 personnes, dont 300 en plein soleil. Et t’imagines pas les gens après, les remerciements à n’en plus finir. Et des phrases du style : j’ai eu des frissons, les poils qui se levaient. Et Chtou flegmatique, merci merci. Pour certains il est comme une idole vivante. Cela fait 23 ans qu’il revient dans cette cour, alors il est connu. Dans la Cour des alouettes, c’était pareil pour le Chiche Kapon, Patrick de Valette, une heure d’attente en plein soleil et des accolades à la fin à n’en plus finir. Mais évidemment ceux qui ne sont pas dans les cours ont plus de problème, et rament un peu. . Voyez- vous quelque chose de changé depuis votre première année ici en 1986 ?
Arrête, on est passé de 1000 spectateurs à 120 000 spectateurs, de 5 lieux de spectacles à 114 lieux , de 10 compagnies à 700 compagnies. Mais pour moi le plus grand changement, la vraie mutation profonde : on est passé du théâtre de rue au théâtre de cour. Tout Aurillac ou presque se joue dans les cours. Chaque cour est autogérée, avec bar, cuisine et des spectacles qui s’enchainent de 11 H du matin à minuit. Et puis, on ne se fait pas chier avec des tickets, des réservations , des : c’est complet, il n’y a plus de place, repassez demain. Soit tu arrives assez tôt, soit t’es tout derrière et tu ne vois rien, et tu t’en vas, donc le problème des sur- jauges n’existe pas. Il y a régulation naturelle des flux. C’est génial.
D’ailleurs je rêve qu’on applique la même règle pour les migrants, tant qu’il y a de la place , ils rentrent et un jour quand tous les villages abandonnés de Lozère de la Creuse du Gers seront occupés, on n’aura pas besoin de les expulser, ils iront voir ailleurs.
Ça fait un bout de temps que l’on vit dans l’illusion du théâtre de rue, le théâtre de rue de papa est mort. Oui Monsieur Cacahuètes,
Le théâtre du Globe, c’était aussi une sorte de cour à ciel ouvert.
Il reste quelques spécimen de l’ancien temps, ce sont des espèces en voie de disparition.
Encore dix ans, on couvrira les cours comme le court de Roland Garros. C’est l’évolution. Et le cycle recommencera, places payantes numérotées Jusqu’à ce que des fous disent en 2070 : envahissons l’espace public etc
Avez vous vu des spectacles exceptionnels ?
Les paradigmes ont changé. On est dans le solo ou dans les petites distributions. Longtemps j’ai dit : le théâtre, à part Caubère, ce n’est pas du solo. Je suis obligé de réviser mes positions. Il y a de bons solos.
Un spectacle exceptionnel, c’est tous les 20 ou 50 ans que cela arrive, ça a été le TNP de Vilar qui était une vraie révolution, Pina Bausch et Kantor découverts à Nancy, Béjart dans la Cour d’honneur, puis le regard du Sourd à la Gaité lyrique, Ronconi est ses chariots mobiles. En théâtre de rue, c’était Histoire de France par Royal de Luxe, et puis Carabosse, je ne sais même pas s’ils sont passés à Aurillac, puis les grues de Transexpress, et enfin les historiques dont je suis avec Generik ilotopie, etc Notre guillotine place des Carmes, c’était énorme.
Là nous sommes sur un faux plat, il n’y a plus d’actes poétiques radicaux extraordinaires, c’est du théâtre de survie, car il faut rentrer dans la boucle du marché. Le marché c’est moins de 2000 €. Les formats 8000 € ++ , avec zéro recette derrière, il n’y a plus que les idiots qui qui font ça et se prennent pour des résistants.
Je ne vois rien de nouveau à l’horizon à part Burning Man, ce festival génial dans un désert américain . Freslon de la Cie Off y est allé avec ses Roues. D’ailleurs cela doit être éventé maintenant que tout le monde connaît.
Avez vous repéré une dominante cette année ?
Ah ça oui, il y a une sensibilité et une réactivité incroyables au monde qui nous entoure. La terre la planète, la naissance de la vie Toujours sauvé par l’humour dans ce que j’ai vu, sauf la fois où je suis sorti déprimé alors que cela aurait pu être un vrai meeting théâtral démontant vraiment le monde de l’argent.
Et le public ?
Prévost en parle parfaitement. Rien à rajouter. Trente ans en moyenne, et des familles, et beaucoup viennent en bande. Il y a un public de badauds,
eux ils viennent boire un coup, ne regardent pas les programmes, mais forment des cercles quand il se passe quelque chose sur leur
chemin. Et puis les chiens bien sûr.
Vous avez un mot à dire aux compagnies
Oui, des redites que j’ai déjà consignées dans mon bouquin. Il y a toujours quelqu’un qui va venir vous féliciter chaleureusement, mais intéressez- vous plutôt à ceux qui partent sans dire un mot. Plaire au public, c’est un objectif insuffisant Il faut aussi plaire aux pros ou aux autres compagnies. Notre cote à nous autres, c’est bien sûr d’être attractif pour les gens mais aussi il faut que nos pairs et les pros nous apprécient. C’est très difficile.
Y a t-il quelque chose qui vous choque ?
Oui, le système. Ceux qui sont payés et ceux qui ne le sont pas, à qualité égale.
Mais c’est comme le capitalisme, on est contre, on est contre, mais quand on dit qu’il faut le remplacer par un éjaculat communiste, on devient très réticent.
A la base de tout, il y a une envie de jouer, de se montrer. C’est un problème de survie. Si pas un pro ne te voit ce ne sont pas des coups de téléphone aux structures ou tes dossiers qui vont déclencher quoi que ce soit.
Du public pour la rue, hors festival, il n’y en a quasiment pas. D’ailleurs dans les villes, les hypermarchés aspirent la clientèle, les rues sont désespérément vides et jouer devant le Géant Casino, c’est l’échec assuré.
Alors t’as Chalon Aurillac etc pour remplir ton calendrier de l’année. C’est le marché aux bestiaux.
Et je me demande même si nos meilleurs acheteurs potentiels, les Cnars étaient présents, ils paient des repéreurs à mon avis.
Et puis je t’ai fait le calcul dix fois Il y a une création en France toutes les deux heures ( mes chiffres sont faux ) En rue, on dit qu’il y a 2000 compagnies qui voudraient bien faire 40 dates. Soit 80 000 représentations à caser Or il n’y a que 400 lieux d’accueil qui achètent 60 représentations chacun par an soit 24 000 représentations Moralité : 56 OOO représentations moisissent dans nos dépôts de décor
Pour montrer notre Nuit Unique on a perdu 20 000 € à Avignon et pour ne pas faire faillite, notre salaire à Hervée et à moi même a été baissé de 1000 € par mois. ( là c’est un vrai chiffre). Elle est géniale cette nuit,
oui – da, tout le monde nous le dit, mais six dates pour l’instant dans mon calendrier ! Le compteur est à 27 .
. Que pensez vous des choix du IN ?
Un peu riquiqui Il faudrait de l’international. Et puis j’avais vu ça quelque part, il y a 40 ans à St Jean de Bray, un festival de rue avec des quatuors classiques en pleine nature, c’était désaltérant Et puis les arts plastiques monumentaux, là il y avait cette baraque volante, mais on ne savait pas où ? La rue aux parapluies c’était déjà un effort mais ça manque de visuel un peu partout. Freddy, viens à la foire de Basel, mais tu vas dire que c’est du pognon que t’enlèves aux compagnies J’aime bien l’idée que l’on ne rompe pas avec l’autre monde du théâtre, qu’il y ait quelque chose au théâtre ou au cinéma le Cristal, cela ne me gêne pas, c’est aussi leur parler et leur dire : on vous prend dans nos festivals , alors vous aussi faites l’effort de diversifier vos programmations. Le théâtre de rue c’est quand même avant tout du théâtre.
Avez vous quelque chose à rajouter ?
Trop tard, mais j’avais trouvé de quoi rentrer dans le festival sans être fouillé,. La rue Caylus. Juste pousser la tôle de fer. Très agréable. Mais oui Bruno, la sécurité on prend ça dans la gueule pour 20 ans, mais que veux tu, l’opinion publique en général ne bronche pas, et est même satisfaite des plots en béton etc. Et nous théâtre de rue, on doit savoir contourner les contraintes. Quand je joue Macbeth en forêt profonde, personne ne m’emmerde sur la sécurité.
Et bien sûr, la mairie d’Aurillac a deux millions d’Euros de retombées et est incapable de régler le problème des sanitaires. C’est l’incompétence maximale. Quand le pape vient parler dans une prairie pour 100 000 personnes, il y a des sanitaires à la hauteur. (5000 sanitaires). Moins de sécurité, plus de sanitaires !
Jacques tu nous emmerdes avec ta littérature, dis- nous ce que t’a aimé, c’est ça que l’on veut savoir ?
Mais non, je ne suis pas un spectateur normal, ni un inspecteur. Je ne vais au théâtre que pour trouver un élan supplémentaire, de nouvelles pistes, j’aime voler aux autres. Je veux être étonné et surpris.
Je peux apprécier un spectacle raté quand cela m’ouvre l’appétit .
Là, Je ne suis allé voir que des compagnies qui ont un peu mûri chez nous, je voulais voir si on servait à quelque chose. J’ai noté que ne viennent chez nous à Audincourt que des compagnies qui ont quelque chose à dire et cela s’est bien confirmé.
Edith a fait des résumés, mais une pièce cela ne se raconte que très mal.
www.journaldeborduneaccro.wordpress.com
ou
www.theatredublog.unblog.fr pour le IN avec le sévère Du Vignal.
Et comme d’habitude ma phrase de fin
Je ne suis pas toujours de mon avis
Tu l’auras remarqué j’espère.
Jacques Livchine Metteur en songe
76 ans de vie 70 créations 51 ans de théâtre
L'Unité, c'est toujours autre chose...
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