Bonjour la liste

les evenements me poussent raconter ca … un besoin d'etre solidaire, aussi.

Juste une pierre à la réflexion… un vécu à partager :-)

parce que j’ai passé un mois dans le bande de Gaza en 2000, lors d’une expédition de 5 clowns

en lien avec « Enfants réfugiés du monde » et « Clowns sans frontières » 

Le but était de jouer des spectacles gratuits dans les villes et villages et de mener des stages de formation à l’animation socio-culturelle pour de jeunes adultes de Gaza.

Nous avions en charge une trentaine de stagiaires, des jeunes vivants depuis toujours dans un pays en guerre, avec un manque total d’accès au monde extérieur.

Leur premier merci a été pour notre présence, rien que pour la présence, parce que personne ne vient ici !. 

Ils étaient les enfants de l’Intifada, ils avaient jetés des pierres toute leur enfance et encore à l’époque, sur les colonies à mirador installées dans le bande de Gaza, 

et contre parfois les militaires israéliens des check points. Ils ne connaissaient que les bombes, les morts, la destruction, la misère.

Notre équipe de 6 personnes a vécu, au coeur de leur quotidien, celui de la bande de Gaza de l’an 2000, le jour, la nuit avec toutes les difficultés

liées a la gestion de ce quotidien par le régime israélien: Coupures d’eau, d’électricité, difficultés d’approvisionnement de tout, 

limite et pression sur les déplacements…toute chose que les palestiniens paraissaient supporter avec une grande fatalité.

Chaque jour nous tentions d’aller jouer quelque part, sur une place, dans une prison (il y a des prisons dans la prison) un orphelinat.

Les complications furent nombreuses et souvent dues aux extrémistes musulmans qui nous voyaient d’un sale oeil, et nous chassaient parfois.

Nous menions egalement des ateliers artistiques avec ces jeunes palestiniens.

En ce qui me concerne : enseignement de la réalisation de masque en papier mâché, et improvisation théâtrale avec ces masques ensuite.

Et me revient cette improvisation menée par deux stagiaires, parce qu’elle fut magnifique et très émouvante pour tout le public et qu’elle peut se relier 

à aujourd’hui et à toujours dans l’histoire israélo- palestinienne.

Ayant réaliser pour l’un, un masque de boeuf, pour l’autre un masque de rat, ils mimèrent ces deux personnages traversant une planche au sol, comme un pont.

Se retrouvant face à face au milieu, après de classiques tentatives de se pousser, l’un l’autre dans le vide, le boeuf étant un très grand et costaud animateur, 

souleva le rat plus frêle, le déposa de l’autre coté du pont et chacun pu poursuivre son chemin.

Dans le débat qui suivi, que j’aimais mener avec eux après chaque improvisation, tout le monde avaient vu la même chose:

Le boeuf était Israel, et le rat était La Palestine. Les comédiens palestiniens résolurent leur proposition, par cette solution pacifique.

Ils comparaient aussi par là, dans tout le débat, à leur situation de rats misérables pris au piège a contrario de la puissance et de la force du boeuf du régime israélien.

Mais tous, rêvaient de solution pacifique, d’avenir possible, si "Le boeuf" voulait bien aider.

Voila que tout cela résonne aujourd’hui. Ces jeunes de 20 ans à l’époque, ont aujourd’hui 40 ans et plus et je me demande ce qu’ils sont, ce qu’ils font aujourd’hui.

23 ans de plus sans passeport, sans sortir de Gaza, si petit, si misérable...

Je sais ceci de l’un d’eux un soir dans le désert près d’une chicha: 

"Je sais que la bas en Europe, vous nous voyez avec des barbes et des couteaux entre les dents, mais tu sais aujourd’hui, tout ce qu’on veut, c’est un passeport, 

et pouvoir aller voir le monde. Je ne suis jamais sorti d’ici, je n’ai pas le droit de voyager, j’ai 20 ans, je n’ai vécu que la guerre, 

je suis bien loin de vouloir défendre avant tout une religion.

Je te remercie d’être venu car tu nous prouves qu’on existe et je n'oublierai pas ce que tu m‘as enseigné, tu m’as montré un autre monde que j’ignorais mais

mais je t’en veux aussi, car tu vas partir, et oublier nos souffrances, oublier les Gazaouis comme tous. »

Anis Gandeel de l’organisation « Enfants réfugiés du monde » palestinien qui participait a l’organisation de ces moments, 

m’a donné sa pochette de passeport palestinien, le jour de mon départ.

(qu’ils impriment eux même alors qu’il n’existe pas, pour ranger leur document de voyage pour les quelques uns qui peuvent aller en Israel) 

et il m’a dit : "Met ça a ton passeport et va dire au monde que mon pays existe »

Je l’ai fait, je ne l’ai jamais retiré par solidarité et respect de ce grand monsieur.

Et ca m’a valu bon lot d’histoires douanières au cours de mes voyages, bonnes et mauvaises, qui pourraient etre racontée un jour,

tant elles suivent de près les evenements historiques et politiques. 

Je dois être le seul a faire le tour du monde depuis 23 ans, avec un passeport palestinien.

Que m’arrivera t il a mon prochain passage de frontière dans ce monde qui vieillit si mal ?