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[rue] Re : Re: L'artiste, le tyran et l'atrabilaire arbitraire


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  • Subject: [rue] Re : Re: L'artiste, le tyran et l'atrabilaire arbitraire
  • Date: Wed, 13 Apr 2011 10:18:33 +0200
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Le théâtre de la démocratie, victime de procédés fort peu démocratiques

LE MONDE | 12.04.11 |

Depuis sa nomination à la direction de l'Odéon-Théâtre de l'Europe, il y a
quatre ans, Olivier Py a profondément changé cette institution mondialement
reconnue pour en faire un lieu, non seulement de théâtre, mais du théâtre
dans la ville et dans la vie.

Il s'est attaché, dans le projet qu'il a élaboré lors de sa candidature, à
définir une nouvelle conception, à actualiser le rôle d'un théâtre européen :
ne plus tenir compte de la frontière entre Français et "autres Européens".

Le Théâtre de l'Europe, aujourd'hui, c'est essentiellement une plate-forme de
production et de rencontre aspirant à abolir les frontières artistiques et à
proposer aux plus grands auteurs et metteurs en scène européens de notre
époque la possibilité de travailler et de confronter leur art avec des
artistes d'autres nationalités.

Au-delà, et pour demain, le projet Villes en scène/Cities on stage, imaginé
avec cinq autres partenaires européens et soutenu, pour la première fois dans
l'histoire de ce théâtre, par l'Union européenne, poursuit et amplifie cette
idée d'une réunion, par le théâtre et la pensée, d'artistes venus de l'Europe
tout entière autour des questions qui se posent à elle.

Cette fin des frontières, l'actuelle direction l'a aussi favorisée en
partageant l'outil et en offrant aux nouvelles générations un véritable
tremplin : que ce soit celle d'Olivier Py lui-même, Joël Pommerat, artiste
associé, Stéphane Braunschweig, Giorgio Barberio Corsetti, Krzysztof
Warlikowski, Thomas Ostermeier et bien d'autres, qu'elle a montrée et
directement associée à ce théâtre, que ce soit celle, surtout, des plus
jeunes gens, avec le festival Impatience, offrant une grande scène aux
nouvelles compagnies qui peuvent écrire l'histoire du théâtre aux côtés de
Peter Stein, Claude Régy, Tamas Asher, Jean-Pierre Vincent, Amos Gitaï,
Christoph Marthaler, Matthias Langhoff...

Cette ouverture, c'est celle, au fond, d'un théâtre dans la vie : d'un
théâtre qui est aussi, et peut-être surtout, lieu de littérature, de pensée
et de recherche. Là où George Steiner, Giorgio Agamben, Slavoj Zizek, Peter
Sloterdijk vont s'exprimer. Là où Mahmoud Darwich, pour la dernière fois, se
présente à ses lecteurs dans la vie de son corps. Là où le meilleur de chaque
rentrée littéraire est lu, théâtralisé, dans un dialogue entre l'acteur et
l'auteur. Là où des colloques célèbrent et étudient Genet ou la tragédie
grecque.

Un théâtre dans la vie, un théâtre dans l'espace public : de là proviennent
tant des décisions originales du directeur qui font que l'Odéon respire
aujourd'hui. Car s'il est dans la vie, il est dans la ville : est-il besoin
de mentionner les nombreux partenariats qui ont permis au théâtre d'être
ouvert entre Noël et le Jour de l'an, avec des spectacles de jeunesse pour
les enfants qui ne partaient pas en vacances ? besoin de mentionner les
associations avec des lycées, qui ont permis à un théâtre que d'aucuns
considéreraient comme expérimental de trouver dans les adolescents ses
spectateurs les plus passionnés ?

SUCCÈS

Enfin, est-il encore nécessaire d'évoquer les productions hors les murs, par
lesquelles Olivier Py a innervé de théâtre, du texte d'Eschyle, les espaces
les plus inattendus, afin d'aller chercher les plus défavorisés dans les
angles morts de la politique culturelle ?

Succès critique. Succès public - avec des taux de remplissage considérables.
Succès politique, enfin. Ou plutôt, et surtout, succès démocratique, succès
de l'espoir en l'intelligence du plus grand nombre.

La décision qui semble avoir été prise, loin de tout débat, de tout espace
public, est à l'opposé de la vision du théâtre que défend, à ce jour,
l'Odéon. Elle se fait dans une méconnaissance du temps nécessaire à tout
développement d'un projet d'envergure et par là même l'anéantit. Dans le même
mouvement, cette décision fragilise l'ensemble des partenaires qui y sont
associés.

Ironie suprême et terrible : remplacer une direction qui oeuvre avec passion
pour une démocratie du théâtre, dans ces conditions particulières, apparaît
de fait bien peu démocratique.

De tels procédés doivent-ils être acceptés ?

Etel Adnan, poétesse ; Daniel Auteuil, comédien ; Jeanne Balibar, comédienne
; Jeanne Benameur, écrivaine ; Dominique Besnehard, producteur ; Tom Bishop,
écrivain ; Nicolas Bouchaud, Pierre Boulez, compositeur ; Philippe Caubère,
comédien ; Patrice Chéreau, metteur en scène ; Jean-Louis Colinet, directeur
du Théâtre national de Belgique ; Pascal Dusapin, compositeur ; Emmanuel
Ethis, président de l'université d'Avignon ; Alain Françon, Tristan Garcia,
Laurent Gaudé, Eugène Green, cinéaste et dramaturge ; Raphaël Enthoven,
philosophe ; Isabelle Huppert, comédienne ; Régis Jauffret, Daniel
Mendelsohn, écrivain ; Yann Moix, Valère Novarina, écrivain et metteur en
scène ; Ernest Pignon-Ernest, artiste plasticien ; Thomas Ostermeier, Joël
Pommerat, auteur et metteur en scène ; Mathieu Potte Boneville, philosophe ;
Claude Régy, Elias Sanbar, historien et poète ; Christian Schiaretti,
Jean-François Sivadier, comédien et metteur en scène ; Krzysztof Warlikowski,
metteur en scène.
Collectif Article paru dans l'édition du 13.04.11



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