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[rue] RE: Il faut bien vivre


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  • From: Ronald Brown Lee < >
  • To: Chtou < >, "Le Fourneau" < >
  • Subject: [rue] RE: Il faut bien vivre
  • Date: Fri, 6 May 2011 15:06:07 +0200
  • Importance: Normal

Hey, Mr Chtou.
J'aime vachement bien le ton de cette histoire...
Qui pose, me pose plein de question...
...me sens concerné.
Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai en tête l'image "D'effroyable Jardin", de Michel Quint .
Ce type qui fait le clown dans un des endroit les plus sordides qu'on puisse imaginer..
Est-ce bien en rapport ???

Question: ce que l'on fait est-il plus important que le contexte où on le fait, où le contraire ...

Combien de fois me suis-je retrouvé à faire le cake devant des politiques (Vaillant, Bonneau, Aubry, ...pour ne citer que ceux là)...
Combien de musiciens (comme moi) doivent justifier le compteur à chopine quand ils jouent dans les bistrots ?
Combien de jazzmen de grand talent font la potiche pour ces messieurs-dames friqués pendant leurs garden-parties ?
Combien de peintres doivent faire de la série (genre cartes postales) pour bouffer...
Combien de plasticiens, combien de capitaines....

Pour ma part, je m'accroche à l'idée que je suis là avec ma petite pelle entre les mains, à chanter, que c'est ça qui me rend heureux.
Que je pourrais être obligé de faire tout autre chose de bien plus coercitif pour bouffer (ce qui fut le cas dans d'autres vies, and for you too, I know that).
Il y a des endroits où je refuserai d'aller, sûr, genre FN ou UMP (pardon, "c'est" les mêmes!).

En attendant, je fais sans équivoque plus souvent l'animateur que l'artiste...
Des fois même, je ferme les yeux et je ne joue que pour moi (quel égoïste!).
Mais nombre de mes potes zicos connaissent ça comme quotidien.
J'ai juste la chance d'avoir choisi la rue comme terrain de jeu. Et d'y bosser seul...Je m'y sens plus libre...
Plus que mes potes baluchards, par exemple...
Plus que les copains qui ne font que du bistrot, qui doivent justifier leur salaire au nombre de fûts bus (le futbu, unité de mesure du musicien en bistrot:  en bar, à partir de 5 futsbus,  t'es un bon. A partir de10 futbus, t'es une star...Point. Nonobstant ce que tu propose. Quand tu le sais, tu fais en sorte de lier les deux ..)

Peut-être que tu as pu jusque là échapper à la nécessité absolue du cachet.
Ne te produire que dans des espaces valorisants...
Ce qui est au demeurant un belle performance...
(J'ai vu plusieurs de tes spectacles et ça m'a toujours botté -brosse à reluire !!!).

Mais on est jamais content de son sort, c'est livré avec..
J'ai passé un peu de temps avec un acteur assez connu cet hivers.
Je me suis rendu compte qu'il m'enviait un peu (moi par contre, je l'enviais carrément)...
Bizzarre, non ?
Comment l'étoile peut-elle envier quoique ce soit à l'humble vermisseau ???

Peut-être que votre intervention sur cet évènement, aura rendu les spectateurs et les organisateurs un peu moins cons, l'espace d'un moment...
Que vous aurez été Arte plutôt que Tf1, dans cette chapelle...
Et que l'expérience vaut toujours mieux que tous les attentismes...

Bon, voilà à quoi ton histoire me renvoie...
c'est peut-être hors sujet...
Ciao l'artiste.

Fred. R
Baladin, peintre de chansons,
Chanteur de rue et des bistrots
Tel: 06 79 25 67 00

Retrouvez-moi sur:
http://fanclub-fredr.over-blog.com/
 
http://www.myspace.com/fred.r







> To:
> From:
> Date: Fri, 6 May 2011 01:38:17 +0200
> Subject: [rue] Il faut bien vivre
>
> Je savais clairement où j'allais foutre les pieds.
> Un responsable d'une agence de com', ça ne ressemble pas à un
> programmateur culturel.
> Là où celui-ci a une tête de gauche dans des vêtements de droite,
> celui-là a une tête de droite dans des vêtements de droite.
> Il a les dents blanches, il est bien coiffé, il parle vite et bien,
> il est pressé, et toute sa tchache ne sert qu'un seul but: le sien.
> Deux caisses régionales d'une même banque fusionnent, une grande fête
> est organisée dans un château au parc prestigieux, dans le parc un
> grand jeu est organisé pour que les gens se rencontrent de manière
> conviviale, avec des codes couleur, un mélange entre interville et
> des spectacles de rue.
> Je dois faire le Mr Loyal, servir la soupe aux pontes au micro et
> faire les annonces et l'ambiance.
> Ce jour où j'ai acheté ma veste officier, croisement entre un look
> beattles et la fanfare de cirque, je ne soupçonnais pas à quel point
> j'amortirai les 400 balles...
> Il faut bien vivre.
>
> Le grand jour arrive et les compagnies de rue ont la queue basse.
> On se dit bonjour un peu gênés, complices de la même compromission.
> On est dans le pur événementiel.
> Chacun est là pour le chèque, et personne n'assume.
> A part Olive, hilare, avec sa voix rauque inimitable, qui me lâche
> "tu sais moi tu me files un cachet pour me déguiser en glace Miko
> avec un bâton dans le cul, je négocie juste la forme du bâton!!"
> avant d'éclater de rire.
> Il me remonte le moral.
> A midi, pas de rouge.
> Ca devient houleux pour tout ce qui dépasse la quarantaine.
> Mais comment se plaindre?
> On est à des années lumières de la rue, on est dans le privé, il
> n'est pas question d'accueil, ça la joue prestation de service.
> Et ça paye tout plein pot, rubis sur l'ongle, alors tu te tais.
>
> A l'hôtel trois étoiles d'à côté, j'ai même une copine payée en
> cachetons pour faire du baby-sitting.
> L'après-midi, on fait tous notre taf, un désastre au milieu de ces
> gens de bureau, des gens normaux qui se dépassent éberlués et qui
> suent par équipes, avec des gros culs et de grosses joues grises de
> grands bébés, que j'ai envie de claquer.
> Je tartine de miel les pontes, je suis une musique d'ascenseur, je
> suis le niveau Fip de la rébellion.
> Je concensue du glucose à grosses gouttes dans le micro...
> Le responsable de l'agence de com' est très content.
> La journée s'achève enfin par une grosse boum au son de daubes des
> années 80, les banquiers se déchaînent, transportés par tant de fête.
> Le responsable, plutôt que de me demander un service, conscient que
> l'horaire est dépassé contractuellement, me promet une rallonge pour
> que j'annonce les départs de car.
> Un sourire narquois aux lèvres, j'accepte.
> On ne soupçonne pas les sommes astronomiques d'argent qui circulent
> dans le privé.
> La culture est le parent miséreux de la vraie vie de ce pays.
>
> Au démontage, on voit que tout va à la benne.
> A Paris, impossible de stocker tout ce matos acheté pour la journée,
> un local coûterai plus cher à l'année que ces centaines de sacs, de
> kits de l'aventurier, de moquettes neuves, de chaises longues, de
> tables...
> Les potes remplissent les 508.
> Ce simili-pillage nous remet le sourire aux lèvres, on a au moins
> l'impression d'être à notre place, en ramassant ces miettes du
> festin, trésors une fois revenus chez nous.
>
> Complètement débile, cette date.
>
> Par la fenêtre, je regarde charger les camions.
> Combien d'entre nous survivent grâce à l'événementiel?...
> Combien pourraient ici prétendre ne jamais y mettre les pieds?
>
> J'enterre le nom des compagnies avec qui j'étais.
>
> Gardons cela sous le tapis, et vite, dansons dessus.
>
>
>
>
> Rod
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> http://histoiresderue.over-blog.com/
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