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[rue] Les NER ?


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  • From: Franck Halimi < >
  • To: Liste Rue < >
  • Subject: [rue] Les NER ?
  • Date: Wed, 3 Aug 2011 11:41:54 +0000
  • Importance: Normal

Salut, c'est (encore) Franck de Bourgogne.

Nous sommes sur la Liste Rue et il arrive donc encore parfois que la liste rue...

Il a donc fallu un message maladroit pour que la goutte d'eau mette le feu aux poudres.

Je suis (une fois encore) globalement de l'avis de Thierry : certains enjeux valent une mobilisation générale quand d'autres ne valent qu'une réponse de deux lignes.

Et le problème, c'est que, à l'instar des journaux des communicants dominants (les mass-médiocres), qu'ils soient télévisés, radiophoniques, de presse écrite ou sur Internénette, on ne sait plus séparer le bon grain de l'ivraie et hiérarchiser l'information comme il se devrait.

Si tel était le cas, on pourrait alors choisir entre ce qui est essentiel et ce qui est accessoire, entre ce qui préside à nos destinées et ce qui n'a qu'un impact minime sur celles-ci : bref, nous sommes baladés et, à ce titre, ne sommes plus à-mêmes de nous réunir sur ce qui en vaudrait réellement la peine.

[Petite parenthèse pendant que j'y pense : mes messages ont suscité des réactions envoyées en perso => j'ai commencé à répondre à certaines d'entre-elles mais, dans la mesure où je ne peux pas passer tout mon temps à militer et que je ne suis ni un organisateur de spectacles ni un catalogue de festivals ni autre chose qu'un chanteur/metteur en zen lui même ô combien précaire, je me dois de préciser que je ne saurais donner des solutions miracles à des collègues en difficulté => veuillez comprendre que je comprends vos soucis et galères car je partage les mêmes, que je viendrais volontiers en aide (avec d'autres militants bénévoles de la Coordination des Intermittents et Précaires) à des copines et copains en butte à des blocages Pôle Emploi injustifiés, mais que je ne suis en aucun cas qualifié pour trouver du boulot à ceux qui en manquent. Pardon d'être aussi direct en la matière, mais je ne voudrais pas laisser planer le doute sur mes compétences et possibilités d'action.]

Mais, revenons à nos moutons.

Oui, nous sommes nombreux.
Mais, nous pensons de façon individuelle.

Oui, nous avons une influence sur les autres.
Mais, nous l'utilisons rarement à bon escient.

Oui, l'art est un vecteur essentiel de la société.
Mais, nous n'y croyons plus comme tel.

Oui, nous coûtons de l'argent.
Mais, nous avons un prix.

Oui, nous avons un pouvoir de nuisance.

Mais, nous faisons comme si nous ne le savions pas.


Oui, nous pourrions être les fers de lance d'un changement de mentalité de par notre position.

Mais, nous n'avons plus conscience de la portée politique possible de notre travail.


Oui, nous pourrions faire beaucoup.

Mais, nous faisons si peu.


Oui, mais...

Oui, mais...

Oui, mais...

Oui, mais...

Oui, mais...

Oui, mais...

Oui, mais...


Notre responsabilité est engagée, mais peu engageante => appliquons-nous à rassembler nos frères humains autour de nos belles idées et de nos projets fédérateurs en recréant du collectif.


C'est cela, les NER (Non Economiquement Rentables) : une façon de faire une révolution, c'est-à-dire, au sens premier du terme, un tour de nous-mêmes et sur nous-mêmes pour envisager une autre société.


Et, au point de perdition où nous en sommes, la question n'est pas d'avoir un programme ou un projet politique digne de ce nom : elle est de se débarrasser de ceux qui, au mépris de toutes les protections sociales mises en place au cours des deux derniers siècles, bafouent les droits du plus grand nombre.


Selon moi, ce qui nous perd, nous (la majorité des humains et citoyens de cette société au bord de la crise de nerfs), au même titre que toutes les organisations politiques et entités (genre ATTAC) dites de gauche, c'est que nous avançons nos pions comme sur un jeu d'échecs en pensant qu'il y aurait une stratégie de la victoire en alignant de belles idées sur un programme englobant un maximum des questions posées par la société.

Il n'y a qu'à voir les organigrammes de ces structures pour comprendre le sérieux avec lequel chacune d'entre-elle s'applique à prouver aux yeux du monde combien elle est responsable et cohérente.


Malheureusement, nous n'en sommes plus là depuis belle lurette et il faudrait (toujours selon ma modeste théorie) devenir nettement plus pragmatiques.


Avec une morgue revendiquée, nos adversaires détissent un à un (et à toute vitesse), toute une batterie de droits sociaux gagnés de haute lutte par nos prédécesseurs.


Et (pardon, Fabien, d'y revenir) ce n'est pas en adoptant une position théorique (que, selon que l'on soit côté face ou côté pile, l'on pourrait qualifier d'humaniste ou d'éthérée) que l'on empêchera ces régressions sociales, lesquelles, quoi qu'on en pense, affecteront un jour ou l'autre l'ensemble de nos professions => de nos vies.


Je sais bien que le Footsbarn est parvenu à un mode de vie qui lui est propre et qui lui convient en matière de fonctionnement et d'éthique et que ça, ça n'a rien de théorique.


Mais, pour autant, force est de constater que si ce type d'expérience fonctionne, ce ne peut être que parce qu'il existe un contexte social avec un cadre et des repères. Aussi, si ce cadre et ces repères sautent et disparaissent, tu pourras toujours essayer de continuer comme vous le faites, mais, face à vous, il n'y aura plus grand-monde pour vous accueillir et vous apprécier...


Il y a un rapport de force à remettre en place si on ne veut pas disparaître en n'ayant rien tenté d'efficace.


On peut (doit) le déplorer, mais le constat est clair : nous évoluons (je choisis le terme à dessein) dans une société dans laquelle la sauvagerie gagne chaque jour un peu plus de terrain. Aussi, avec cette loi de la jungle imposée par l'ultra-libéralisme, chacunE doit marcher sur l'autre pour avoir une chance de ne pas de faire bouffer.


C'est, en tout cas, ce que ceux qui président à nos destinées ont réussi à nous faire croire grâce aux médias dominants (dont ils sont, rappelons-le, les propriétaires tout-puissants). En gagnant la bataille de "l'information", ils sont parvenus (là aussi le terme est utilisé à dessein) à détenir dans leurs mains à la fois les outils de production et ceux de communication. Pour être les "maîtres du monde", il ne leur reste plus qu'à détenir ceux de l'éducation : et c'est ce qu'ils s'attachent à faire en étouffant le système du fonctionnariat pour laisser place nette au "privé".


Une démocratie marche sur deux jambes qui sont l'éducation et l'information. En étant éduqué et informé, un citoyen peut s'affranchir, penser par lui-même et mettre son bulletin de vote dans l'urne en connaissance de cause. C'est bien parce qu'ils ont conscience de ça que nos dirigeants cherchent à contrôler ces secteurs.


Et, jusqu'à présent, dans l'histoire de nos sociétés récentes, s'il y a un secteur qui échappait un tant soit peu à tout ce merdier (tout du moins, une certaine frange de ce secteur), c'est bien celui des arts et de la culture (des cultures).


C'est aussi pour cette raison que nos dirigeants nous ont attaqué frontalement : nous avons la capacité de défricher et éclairer des sentiers autres que celui de l'autoroute de la pensée unique. Nous créons autant d'univers possibles que notre nombre nous l'autorise. Nous allons avec notre machette dans cette jungle contemporaine pour faire exister des chemins de traverse qui sont autant d'alternatives à la rentabilité économique à court terme qu'on cherche à nous imposer => NOUS SOMMES SUBVERSIFS => NOUS SOMMES DANGEREUX !


Enfin, quand je dis que nous sommes dangereux, je devrais plutôt écrire : "nous devrions être dangereux pour ce système". En effet, si nous, les artistes (j'utilise ce terme de façon générique), tombons dans les pièges et chausse-trapes tendus par nos adversaires (et ils sont vraiment nos adversaires puisqu'ils désirent voire disparaître nos côtés "éclairants" et "subversifs"), nous devenons alors des "moutons" comme les autres, faciles à guider et à tondre, puisque incapables d'échapper au système qu'ils ont mis en place.


Et c'est en cela que le message de la dame du cassoulet est instructif : il révèle qu'elle est manifestement de bonne volonté et de bonne foi, mais qu'elle est bel et bien tombée dans le piège tendu par nos adversaires.


Faire ce type de proposition, c'est admettre que les arts et cultures ne peuvent avoir que le prix que voudront bien leur mettre les spectateurs directs dans le chapeau, c'est à dire en aval => c'est admettre que la loi de la jungle de l'ultra-libéralisme préside aux destinées de ce secteur. Je sais bien que beaucoup sur cette liste fonctionnent de la sorte, que c'est une espèce de mode de vie recherché et je ne leur dénie en aucun cas le droit de le faire.


Mais, je suis un farouche défenseur d'une "vision politique" de l'Art (des arts) et de la Culture (des cultures). Je pense, en effet, que, en "sanctuarisant" un système comme celui de l'intermittence et en réservant un pourcentage conséquent du budget de l'Etat à ce secteur, on le "libère" d'un certain nombre de contingences matérielles pour qu'il puisse "vivre sa vie" et "impacter" la société à la hauteur de son immense pouvoir. En l'affranchissant ainsi, on lui permet d'exister en tant que tel, comme un phare qui éclaire et/ou un divertissement qui amuse et/ou un "secoueur de consciences" et/ou etc. Cette démarche en amont me paraît tellement plus "juste" (pas dans l'acception de "justice", mais dans celle de "justesse") que je la défends corps et âmes. Même si, derrière, on peut (doit) discuter de la façon dont ces subventions sont attribuées (mais, c'est une autre question)...


Et, aujourd'hui, il me semble que, pour défendre cette vision des choses, il est essentiel de réinstaurer le rapport de force dont je parlais plus haut. Et celui-ci ne pourra se concrétiser que sur une plateforme minimum qui pourrait être : "Dégagez !". Même si nous sommes à des années-lumière de l'état d'esprit de ceux qui ont allumé les révoltes arabes, le constat est bien le même : nous sommes régentés par des dirigeants qui ne cherchent pas le bien-être du plus grand nombre, mais qui, de par leur position dominante, favorisent les petits arrangements entre amis, au détriment de la plèbe.


Il "nous" appartient donc de les écarter de cette position pour pouvoir après, pas à pas, reconstruire quelque chose de plus juste.


Mais, qui est ce "nous" que j'évoque ?


Je crois que ce pourrait être tous ceux qui sont aujourd'hui stigmatisés par le pouvoir en place sous prétexte qu'ils "coûtent" plus qu'ils ne "rapportent" en matière économique. C'est à dire les fonctionnaires, les chômeurs, les sans-papiers, les étrangers,... en allant plus particulièrement piocher dans les secteurs d'activités dits "non rentables économiquement à court terme" : la Santé, l'Education, la Culture, le Social, la Justice, l'Environnement,...


En faisant cet inventaire, on se rend rapidement compte que nous sommes largement majoritaires en nombre. Il suffirait donc qu'on se mette d'accord sur un simple mot d'ordre commun pour envoyer valser dans les grandes largeurs la ploutocratie qui nous accable. Je sais que je me répète (pour ceux qui ont lu mes messages précédents), mais je veux juste dire qu'il est temps que les lignes de fracture se déplacent. Et je crois que nous sommes enfin prêts à vivre ce changement : il faut juste faire jaillir l'étincelle qui pourra allumer la mèche...


Voili.


@+ Franck de B.

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"Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple,
le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs."
DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN - 1793
Article 35.

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  • [rue] Les NER ?, Franck Halimi, 03/08/2011

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