Salut, c'est Franck de Bourgogne.
Pour une fois, je vais faire court : merci Fabrice pour cette lecture-là des choses. Si le point de vue vient d'ailleurs (que de ma petite lorgnette ou de celle, plus grande, de Thierry D.), il n'en est que d'autant plus appréciable => apprécié car il démontre bien et démonte bien l'arsenal déployé par ceux qui nous régissent pour réduire le champ d'application de nos métiers => nous mettre à mal (voire pire, si antagonisme...). Je partage donc pour l'essentiel la vision de Fabrice, tant sur les symptômes que sur les remèdes car, ne nous le cachons plus, nous sommes bien malades... Voili.
@+ Franck de B. ---------- "Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs." DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN - 1793 Article 35. ------------------------------ Date: Sat, 6 Aug 2011 14:52:35 +0200 From: To: CC: Subject: [rue] re: Re: convention collective et cassoulet Bonjour madame monsieur de la liste rue, Je te lis depuis longtemps et n’ai que peu le temps de participer aux débats qui t’animent…. Mais le sujet autour des conventions collectives et des usages dans les entreprises qui participent aux festivals me pousse à vous faire part de certaines de mes réflexions. Ne liront que ceux qui souhaitent prendre le temps, pour les autres, c’est histoire de choix… Oui, prendre le temps aujourd’hui avant de demain, disparaître ; parce que continuer de travailler dans l’environnement qui est le nôtre, devient chaque jour plus difficile …. Peut-être est-ce du au manque de discernement dont témoigne l'époque ; peut-être est-ce parce que nous sommes sur une voie où les lanternes s’éteignent au fur et à mesure que nous avançons et dont, au final, nous risquons de pas revenir ! Mais, tout semble se complexifier terriblement et les cadres dans lesquels nous envisageons la création et la diffusion de nos œuvres se resserrent autour de nous, parfois jusqu’à l’étouffement… Il n’y a rien de nouveau sous le soleil disait l’Ecclésiaste ; relisez le Rapport Bilan sur la Professionnalisation et de structuration du spectacle vivant et enregistré publié en novembre 2008 ! Vous le verrez, ce qui nous arrive aujourd’hui, le resserrement de l’étau législatif (et répressif) était prévu ou prévisible ; qu’ils fassent de la communication sur leurs interventions à Avignon, ne change rien au fond de l’affaire ; les entreprises du spectacle (et par extension leurs salariés) sont devenus les suspects permanents de fraudes diverses et variées. Travail dissimulé, évasion fiscale ou sociale, j’en oublie certainement ! Alors qu’elles se battent pour réunir les moyens de leurs ambitions, pour créer de l’emploi et payer des salaires, et surtout mettre en relation leurs œuvres et les publics, ces structures se retrouvent au cœur de la tourmente…. C’est dans un système globalement inadapté à l’épanouissement des recherches et œuvres artistiques que nous devons nous frayer un chemin… C’est un secteur ou les périmètres entre amateurs, en voie de professionnalisation et professionnels n’ont jamais été définis ; c’est un secteur sans réel outil d’accompagnement des démarches, c’est un secteur ou 10% des entreprises absorbent 80% des ressources. Il faut le dire, ils avaient le sens du calendrier ; depuis 2003, c’est un film en plusieurs temps qui s’est joué. On ne pouvait pas changer les règles de l’intermittence, on allait changer le cadre. En parallèle, les esprits ont été formaté par les outils d’éducation et de communication. Les nouvelles générations seront prêtes à accepter le discours d’une culture mondialisée et libérale. Ce formatage a déjà commencé de détruire le symbolique et mis « sur le marché » de nombreux volontaires ; chaque année formés à l’administration culturelle ou au « jeu d’acteur », sortent des écoles (universitaires, écoles d’art, conservatoires, écoles supérieures…) de nombreux étudiants qui ne veulent que « travailler ». Leurs études les ont préparés, ils le savent, ils sont les meilleurs et les institutions devraient les recruter. Malheureusement les institutions ne prennent pas de risque quand il s’agit d’emploi ; les places sont trop chères ! Elles laissent le soin aux plus petites entreprises de faire les premières insertions professionnelles et quant la formation aura atteint le niveau de qualité et de réseau que nécessite l’Institution on débauchera… Attention, même dans ces premiers contrats, les places sont comptées et de nombreux postulants ne trouveront pas structure à leur pied… Mais je cesse de digresser et reprend sur ce qui motivait mon e-courrier, les conventions collectives ces normes qui nous encerclent…. En 2005, le rapport Guillot insistait sur la structuration du secteur par la négociation conventionnelle ; dans sa droite suite, l’Etat a voulu que le secteur se dote de deux conventions uniques…. 2 conventions qui permettent aux usages de trouver des cadres « Privé » et « Publique » Si les conventions collectives doivent améliorer le droit du travail, on peut aujourd’hui regretter qu'elles ne soient pas conscientes ni représentatives des usages et réalités des plus petites structures du secteur. Cela en serait comique, si cela n'était pas dramatique, ce sont toujours à partir des usages des plus grosses entreprises que se définissent les règles du jeu ; et cela est vrai dans l’ensemble des secteurs professionnels. En 2006 (aujourd’hui le pourcentage ne doit pas être différent) 80% entreprises recensés avaient des effectifs inférieurs à 5 personnes tandis que 20% avaient des effectifs supérieurs… Si je l’écris brutalement, c’est comme ça que ça sort : avec des textes qui ne prennent pas en compte la diversité d’un milieu, c’est la diversité qu’on veut détruire…. Plus ça va, moins ça va ; demain, les quelques entreprises qui auront les moyens d'employer auront devant elles des dizaines de milliers de candidats à l'embauche. Le coup de couteau est venu de l'intérieur. Oui, pour ma part, j’en suis persuadé, les conventions ne prennent pas en comptes les réalités de métiers (parfois très anciens), leurs diversités et leurs nécessaires adaptations aux contraintes de territoire et d’époque dans lesquelles ils s’épanouissent… Avec ces conventions étriquées, de nombreuses niches (lieu douillet où toutes les parois sont à distance raisonnable de la main) dans lesquelles nous pouvions faire apparaître nos projets vont disparaître, emportées par ces textes et un arsenal législatif (répressif) de plus en plus déconnecté de la réalité d’un secteur. Des textes qui ont une focale très resserrée sur ce qu’est la création, de comment elle doit être menée ou présentée au public, diffusée…. Des textes qui ne voient la création que sur "un plateau", le reste n'est rien ; le reste, des métiers qui se pratiquent dans des salles des fêtes, des jardins, des espaces publics, et parfois aussi sur des plateaux de théâtre, ce reste là n’est rien... Prenons l'exemple de la Poly-compétence ; cet art de faire un peu tout, un art tellement utile à l'émergence de projets et parfois longtemps encore après le temps de l'émergence quand on ne bénéficie pas des moyens nécessaires pour payer en plus des postes principaux, ceux de l'assistant et encore de l'assistant de l'assistant et bien cette poly-compétence va de fait être interdite par l'extension des conventions collectives « Privé » et « Publique ». Demain il vous faudra le concepteur d’une communication, puis les réalisateurs (graphistes, sérigraphes…) puis les petites mains nécessaires à leur diffusion… il faudra le concepteur, le constructeur et l’utilisateur final ; celui qui pense la lumière n’est pas celui qui règle le projecteur ; celui qui écrit un texte, ne peut ni le mettre en scène ou en scénographie ni le dire…. les écoles participent aujourd’hui à ce mouvement de vente à la découpe de métiers. Essayez donc de chercher une formation à spectre large que le temps et la pratique (seuls outils de légitimation) vous permettront d’approfondir…. Les conventions sont des textes qui dans le droit français ont valeur de lois... Vous pensez pouvoir y échapper ? Lorsqu’elles sont étendus, toutes les entreprises entrant dans leur champ d'application doivent les appliquer. Vous créez, produisez ou diffusez du spectacle, vous appliquez et c’est tout ! Vous pensez ne pas relever de la convention publique, un salarié aura beau jeu de solliciter "l'arbitrage" d'une chambre civile.... Vous pensez ne pas relever de la convention "publique" ? Vous recevez des financements publiques, vous cotisez au FCAP, au FNAS, vous payez la complémentaire santé d'AUDIENS pour les personnels permanents... Vous ne pensez toujours pas relever de la convention publique ? Vous dites appliquer le code du travail ? Les subtilités que recèlent ces conventions (la dite "publique" et la dite "Privé" en cours de refonte composée des textes pour partie étendus "Théâtre privé, tourneur, chanson...) vous échappent ? Vous n’avez pas été sollicité pour leur rédaction ? On n’a pas interrogé vos usages pour écrire ces joyaux législatifs ? L’insécurité juridique va aller en grandissant et le salarié qui vous a accompagné dans le off du festival prestigieux, acceptant « d’oublier » une partie de son salaire pour que soit reconnue la qualité de la création, celui la qui a partagé avec vous et accepté oralement les « conditions limites » aura beau jeu de solliciter l’appui d’un syndicat et de vous faire condamner auprès d’une chambre prud’hommale ; requalification en CDI, indemnités de tournées, de conduite, de déchargement… vous pensez que votre usage est norme mais la norme de votre structure ne peut être inférieure à la loi…. Et la confiance n’y fera rien, la parole encore moins, le contrat même ne peut revenir sur un avantage acquis… Je le répète, je ne veux pas ici remettre en question le droit social du salarié, mais, ne trouvez vous pas que cela manque un peu de discernement de demander à une épicerie d’appliquer les lois des temples de la consommation surtout lorsque l’on sait que les lois applicables aux deux (les épiciers et les temples) sont définis par les temples de la consommation qui s’appuient sur la réalité des épiceries pour négocier au rabais ; un rabais souvent bien trop élevé pour les épiceries qui se trouvent de fait « hors la loi » lorsque le texte est étendu… Alors si il faut rêver, rêvons que les épiciers négocient avec les salariés des accords qui leurs soient propres (au niveau de l’entreprise…) et qui ne confondent pas leurs usages avec ceux des temples…. Pour finir, je voulais te dire, Madame la liste rue, que les épiceries continueront de fermer… sauf si elles réussissent à donner à leurs usages la force de lois. Mais cela les épiceries n’en ont pas les moyens juridiques (le juridique coûte cher) alors les temples pourront occuper les espaces ainsi laissés vacants… Bonne journée à toi Madame la liste rue et à une autre fois….
Fabrice Levy-Hadida Cie Les Mille et une Vies – Théâtre de Marionnettes Itinérant BP 70342 - 59020 LILLE CEDEX T 03 20 88 44 78 - F 03 20 88 45 69 > Message du 02/08/11 à 21h01 Vous êtes célibataires ? Découvrez nos 10 destinations de vacances tendances sur Voila.fr |
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