Ce matin, alors que j'avais le nez dans mon bol de Ricoré, en
attente de reconnexion avec le reste de la planète, une chose
pas banale m'est arrivée.
Pensez-donc: alors que je trempais ma tartine de beurre salé,
celle-ci m'a glissé des doigts.
Schplip !!! Direction le carrelage. Mais au lieu de s'étaler
comme une chose flasque et molle, elle s'est posée au ralenti et
s'est agrandie tout doucement. Doublée, triplée, quadruplée de
volume... Tu penses que j'avais les yeux tout ronds !!!
Quand elle est arrivé à sa taille adulte, environ la taille de
ma cuisine, elle s'est légèrement cabrée. Un peu ébrouée, pour
me faire signe de m'asseoir dessus. Comme on s'assoirait sur un
tapis volant. Bon, j'avais une journée super intéressante à
vivre, haletante même: démarcher à la sécu, passer aux impôts,
fournir des explications au banquier, un rendez-vous chez Paul
Lamproie... Pas-sion-nant ! Mais tant pis, je montais sur la
tartine, laquelle a décollé dans la foulée....
Je me réveille à peine... Il fait frais... J'ai les fesses dans
le beurre, avec un peu confiture autour. Inhabituel mais pas
désagréable... Faut juste se laisser aller..
Faut dire qu'avec le beurre salé, pas de problème. J'ai toujours
pensé que le beurre doux, c'était non seulement une faute de
goût, mais plus encore une grave erreur de civilisation. Plus
exactement, c'était la non-civilisation. L'acculturation poussé
jusqu'à l'extrême. La barbarie (tu sais, là où vivent les
barbares, ceux qui ne parlent pas la langue, ceux qui font
Brrr-Brrr). Là bas, dans l'ouest, les seuls qui possèdent du
beurre doux dans leurs frigos s'en servent pour des pratiques
sexuelles spécifiques. Sinon, aucun intérêt.
J'en suis là de mes réflexion... Quoi ? je survole Aurillac! Je
reconnais la cité cantalouse depuis le ciel. Je tombe en plein
sur le festival... Hè, c'est septembre aujourd'hui !!! J'ai dû
faire une Flash-distortion dans le Back time du Globex.... Pas
d'autres explications. Classique !
Des centaines, des milliers de gens.. En colonne, en grappe, sur
des pôles et des itinéraires bien précis. Autour de ces axes,
c'est quasi le désert. On dirait un remake de la Nuit des morts
vivants, sauf que c'est le jour et en vista color vision. Et que
personne n'est vraiment mort... Du coup, j'ai envie de me
casser. Je n'ai pas envie de revoir mon triomphe devant des
centaines de spectateurs. Même vu du dessus. C'est énervant à la
fin...
Je ne saurai expliquer ni pourquoi ni comment, mais ma tartine a
du le comprendre. Elle s'est brusquement cabrée et à foncé tout
droit à la verticale vers de nouvelles altitudes. Une tartine
intelligente !! C'est assez rare pour être signalé.
Aïe aïe aïe, je n'ai pas mon costume de cosmonaute.
Souviens-toi, Armstrong, la panoplie qu'il portait sur ses gros
bras ! Avec son aquarium sur la tête.
Au passage, quel homme, quand même, cet Armstrong. Avoir posé
le premier pied d'homme sur la lune, avoir été l'un des plus
grands innovateurs du jazz et avoir gagné sept fois le tour de
France !!! Quelle classe.. Ceux qui l'accusent de s'être dopé ne
peuvent pas comprendre...
En tout cas, je flippe sec. Vais plus pouvoir respirer...
Hé bien, figurez-vous que non. Contrairement aux idées reçues,
on respire très bien dans la stratosphère, dans l'exosphère
jusque dans l'étrangeosphère. Pas de soucis. Et je trouve que
c'est plutôt agréable ici...
Mais la tartine semble vouloir rebrousser chemin... Alors je
passe aux choses sérieuses. Je ne vais pas me laisser mener en
bateau par une tartine volante, aussi intelligente soit elle.
Non mais. Je défais la ceinture de ma robe de chambre et
l'enfile entre les trous, au bord de la croûte. Et voilà des
rênes tout à fait présentables. Un tour mort autour de chaque
poignets, j'enfourche ma tranche qui se forme au galbe de mes
cuisses. Allez, hue! Bon dieu, la bête ! Direction la petite
étoile, là bas. Je serre les talons et, d'un coup sec des
charentaises, j'indique à ma monture de presser l'allure.
WahOO! La fusée... Cinq cent fois la vitesse de la lumière (à
peu de choses près). Je fais du slalom entre les poussières de
l'espace. Ca pourrait faire des trous dans mes chaussons. Ma
femme ne serait pas contente. J'évite aussi les trous noirs.. Se
faire avaler par un gros trou noir dans l'espace, pourquoi pas ?
Ca reste une expérience à tenter. Mais je ne suis pas là pour
ca. On verra plus tard. Zim, Zoum... Je fonce. Et j'arrive
devant mon étoile...
Vue de loin, elle n'avait pas l'air très grosse. Vue de près
elle n'est toujours pas très grosse. Un kilomètre de diamètre,
tout au plus. Elle tourne en cercle concentriques à une allure
folle. Autour de rien. Electron libre sans atome. Un tour toutes
les dix seconde en moyenne. Tu vois le truc ? J'essaie de monter
dessus à chaque passage. Impossible. Un peu comme la rame de
métro ou le bus qui ferme ses portes au moment où, harassé, ivre
de fatigue, noué par la peur de manquer ton ultime rendez-vous
chez Paul Lamproie, tu tends les bras pour empêcher
l'inéluctable, je reste planté là comme une aubergine abandonnée
pas ses parents dans le jardin d'à côté. De quoi s'énerver !
Bon, je cogite un brin, et je m'élance à la poursuite de
l'étoile. Je prend de la vitesse. Elle me double, me redouble
mais de moins en moins fréquemment. Au moment ou je me sens
prêt, tel John Wayne dans Rio grande ou dans la charge Héroïque
(à moins que ce ne soit dans Franck Alamo, me souviens plus), je
saute de ma monture en plein vol. Tant pis pour la tartine, elle
se débrouillera bien pour me retrouver.
Je suis littéralement aspiré. Zut, et si c'était un trou noir ?
Ca tourbillonne. Je suis en train de me casser la gueule. Je
tombe, je virevolte...
J'entre dans une atmosphère. Bon, déjà, fait chaud. Puis, pas
le temps d'anticiper, Plouf!!! J'ai alacqui (alacquir: verbe
intransitif; atterrir dans un lac).
Je remonte vite car, du coup, je ne peux plus respirer. C'est
la surface.. Ouaouff! Grande inspiration. Je me débarrasse de
mes charentaises. Tant pis pour ma femme. Elle va encore
m'engueuler. Je conserve ma robe de chambre: elle me servira de
bouée.
Je flotte au milieu d'un grande mare, un grand trou d'eau
surplombé par des falaises d'où dégringole une cascade sauvage.
Autour, sur les rives, plein de gens et d'animaux à poils. Des
chevaux, des chiens, des éléphants, des renards et des lapins,
des humains... A première vue plus de femmes que d'hommes. Ce
n'est pas pour me déplaire ! J'arrive sur un berge. Je me
hisse...
Ca vibre dans ma poche.. Zut, mon portable. Quel con! j'avais
acheté un Waterproof pour mes vacances à la Baule. Je regarde
d'où viens l'appel. A cette heure-ci ! C'est Pôle Lamproie... Tu
te rends compte le harcèlement... Ils me pistent jusque là...Ha,
les vaches, rien ne les arrête!!
Ni une ni deux, j'éclate mon mobile contre un rocher. L'est
costaud le salopard ! Après une douzaine de ramponneaux bien
placés, il respire encore par le combiné. Je suis obligé de le
finir à coup de lattes. En miettes... Ha haha, alors t'as l'air
malin sale mouchard! Et re-tiens, prends encore ça dans ta
tronche....
Une jeune fille (environ la cinquantaine, grosso modo)
s'approche. Un regard très doux, très enveloppant. Elle ne parle
pas. Ses yeux, d'un gris profond, semblent vouloir m'apaiser. Je
me dis "tiens! je suis arrivé chez des babas cool". Elle me
retire mon peignoir, tout collé de beurre. J'étais tout nu
dessous. elle s'approche de moi je sens son souffle sur ma
bouche.. Et elle me roule une grosse pelle. Direck! Bon, je me
laisse faire.. Un de ses copains s'approche, un homme jeune,
svelte, corps d'athlète... La démarche flottante. Il me colle
lui aussi et, pareil! Il me roule un gros patin.... Il y a de
quoi être surpris.
"-Heu n'allez-pas trop loin jeune homme! Attention! On a pas
gardé nos mob ensemble."
Pas de réponse. Ils me prennent tous les deux par la main.
Doucement. Je les suis. J'ai l'impression de jouer dans un film
de Coline Serrault. Nous marchons un peu. Un petit bois. Une
clairière. Et nous entrons dans une sorte de Tipi dont la toile
est faite de goëmon tissé. En tout cas ça y ressemble. J'en
avais vu lors d'une expo sur les vêtements des marins
traditionnels en Bretagne. Ca sent un peu la marée, mais c'est
une odeur qui ne me dérange pas. L'odeur des jardins potagers de
mon enfance, sur la côte Atlantique...
A suivre (ou Fin ??)
Fred. R
Baladin, peintre de chansons,
Chanteur de rue et des bistrots
Tel: 06 79 25 67 00
Retrouvez-moi sur:
http://fanclub-fredr.over-blog.com/
http://www.myspace.com/fred.r