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[rue] Qui a de la merde dans les yeux?


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  • Subject: [rue] Qui a de la merde dans les yeux?
  • Date: Mon, 24 Oct 2011 20:54:43 +0200

Nul n'est besoin de revenir sur la progression de l' offensive en cours des catholiques conservateurs: 
après le vandalisme orchestré de  la photo " Piss Christ "en Avignon,
la demande de retrait des livres de SVT de 1ère parlant d' homosexualité, la théorie du "genre" ,
la campagne contre un marchand de chaussures qui détournait la phrase "La famille , c'est sacré", 
ils s'attaquent maintenant, 
comme  annoncé,
à la pièce de théâtre de Castellucci,
en prologue à la manif du 19 octobre.
Au programme à venir, en novembre, l'attaque de  "Golgota picnic", pièce de Rodrigo Garcia.

***
Alors pour commencer,
peut être est-il bon de rappeler avec La Croix,  (19-10-2011) que "L’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne (Agrif), du catholique traditionaliste Bernard Antony, a été déboutée, lundi 17 octobre, de son action en référé contre la pièce Sur le concept du visage du Fils de Dieu , qui se jouera du 20 au 30 octobre au Théâtre de la Ville de Paris. L’Agrif, qui a en outre été condamnée à payer 1200 € au Théâtre de la Ville de Paris, espérait obtenir la déprogrammation de cette pièce « blasphématoire », tentait de faire valoir « le droit des chrétiens au respect de leur foi ».

Puis pour continuer,
on rappellera que Fabienne Pascaud, critique" chrétienne" à Télérama (20-7-2011), trouva  "sublime" Sul concetto di volto nel Figlio di Dio (Sur le concept du visage du Fils de Dieu) et qu'il "n'a rien d'une œuvre sacrilège. C'est une prière."  
Ce qui n'est  probablement pas le cas de "Golgota Picnic" , dénoncé, fin septembre, par le porte-parole de la Conférence des évêques de France.

***
Et oui, le Théâtre de la Ville connaît des incidents comme aucun théâtre  à Paris n'en a connu depuis 1966, date de la création des Paravents de Jean Genet, à L'Odéon. En 2011,  les CRS  viennent sur scène au secours des artistes : à l'extérieur, ils pratiquent la fouille au corps des spectateurs. Peut-être installera-t-on bientôt un portique de sécurité?

***

Enfin,
on s'interrogera sur certaines déclarations de journalistes  concernant l'interprétation de l'image finale du spectacle.
"Puis le spectacle bascule. C'est le visage du Christ qui est au centre de l'action  (...) Des enfants lui  balancent des grenades à la gueule  puis le vieillard lui-même déverse sur sa face ses propres excréments." Joëlle Gayot,  France -Culture,  juillet 2011,  
"Le Christ finit par être saccagé, à coups de grenades et d'excréments."  Thomas Schlesser, journaliste, historien de l'art, Rue 89, 22-10-2011
"Comment expliquer un tel acharnement contre la pièce ? Celle-ci met en scène un vieillard incontinent qui balance ses excréments en direction du visage du Christ, le Salvador Mundi peint au XV e siècle par Antonello da Messina. " Albert Montagne, 22 -10-2011

***
Faut-il rappeler ce qu'écrivait  Fabienne Darge dans Le Monde,  22.07.11, cet été  lors du Festival d'Avignon? ("Castellucci arrête le Christ à Avignon"  22.07.11 )
"Puis le spectacle passe à une tout autre dimension. Comme le dit Castellucci lui-même dans le programme, "on passe de la scatologie à l'eschatologie". Le visage du Christ disparaît dans l'ombre, avant de réapparaître. Arrivent un, deux, puis une dizaine d'enfants - il y a des enfants dans quasiment tous les spectacles, dans ce Festival d'Avignon. Ils sortent de leurs cartables des petits jouets qui imitent les grenades, et bombardent le tableau à qui mieux mieux, sans que sa surface en soit altérée. Le visage du Christ d'Antonello de Messine reste impénétrable, inatteignable.
C'est sous la surface, derrière la toile, qu'il va se passer quelque chose, en une série d'images fascinantes. Castellucci, en grand plasticien qu'il est, attaque le visage de l'intérieur. Il est d'abord trituré, déformé comme par des mains et des pieds qui pousseraient la fine peau de surface. Puis on dirait qu'un grand couteau l'entaille, et de grandes coulures brun-rouge, évoquant plus les matières fécales de la scène précédente que le sang, se répandent sur lui, avant qu'un voile noir ne recouvre le portrait du fils de Dieu.
La toile est finalement déchirée, et découvre un grand panneau noir. Dessus, on croit d'abord lire, en grandes lettres découpées : "You are my shepherd" ("Tu es mon berger"). Avant de se rendre compte que la phrase entière est, en fait : "You are not my shepherd" ("Tu n'es pas mon berger")."


Faut-il rappeler ce que, 3 mois après, le  22-10-2011, écrit Romeo Castellucci dans un communiqué:
" (...) Ce spectacle est une réflexion sur la déchéance de la beauté, sur le mystère de la fin. Les excréments dont le vieux père incontinent se souille ne sont que la métaphore du martyre humain comme condition ultime et réelle. Le visage du Christ illumine tout ceci par la puissance de son regard et interroge chaque spectateur en profondeur. C'est ce regard qui dérange et met à nu ; certainement pas la couleur marron dont l'artifice évident représente les matières fécales. En même temps - et je dois le dire avec clarté - il est complètement faux qu'on salisse le visage du Christ avec les excréments dans le spectacle.
Ceux qui ont assisté à la représentation ont pu voir la coulée finale d'un voile d'encre noir, descendant sur le tableau tel un suaire nocturne."

***
Entre Avignon et Paris, le spectacle aurait-il changé ? Castellucci se serait-il  autocensuré?
Armelle Helliot,  critique du " seul journal au monde dont le titre soit le nom d’un héros de théâtre",  écrit (23-10-2011):
"Romeo Castellucci lui-même a transformé profondément le spectacle après les représentations d'Avignon qui se sont déroulées sans incident majeur. On peut témoigner de quelques personnes quittant la salle de "Opéra-Théâtre" de la ville et de quelques personnes criant : "c'est nul !".
Sur le concept du visage du fils de Dieu est présenté dans une version différente et on regrette que le Théâtre de la Ville n'ait absolument rien fait pour le faire savoir. On aurait épargné au public, aux artistes, ces agressions inadmissibles."

 Qui a de la merde dans les yeux ?

Georges Perpes










  • [rue] Qui a de la merde dans les yeux?, Orphéon-theatreinterieur, 24/10/2011

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