L'expérience a commencé dès la sortie du métro, puisque se tenaient en
haut de l'escalier 3 CRS.
Arrivée en haut de l'escalier, je découvre le paysage : une dizaine de cars
et de paniers à salade, des robocops et des flics en civil partout.
Tout ça pour que je puisse aller au théâtre. Dingue !
Comme j'avais
prévu de distribuer des flyers L'Art est Public ! j'étais largement en avance.
Je m'attèle à la distribution en terrain conquis : un bon nombre de
personnes avaient déjà entendu parler de notre rassemblement de samedi.
C'était tout de même étrange de soupçonner tout un chacun et de le voir
comme un potentiel extrémiste religieux.
Mais contrairement à ce qu'on nous montre à la télé, ce n'étaient pas les
barbus les plus suspects mais les rasés de près et les trop bien coiffés qui
étaient soupçonnés. Moi, à qui ma mère demande toujours pourquoi jamais je ne me
coiffe, houuuu, ce que j'ai trouvé ça bon !
Les tracts bien flashy font
leur petit buzz, limite si les flics et les CRS ne se les arrachaient pas.
Bon évidement, pas par excès d'enthousiame mais plutôt avec le souci de
savoir si c'est un tract pro ou anti-cathos.
Ayant accompli ma mission de distribution, quelle ne fût pas ma surprise de
voir qu'il fallait montrer sa place pour accéder au large morceau de trottoir
devant le theatre. Les cathos de Renouveau Français et d'Action Directe étaient
déjà là massés sur la place du châtelet, cernés par les CRS. Il fallait montrer
patte blanche. ça fait quand même bizarre de savoir que, pour une fois, t'es du même côté
que les condés. Presque tu les trouverais sympathiques.
Voir même on dirait que ça leur fait plaisir à eux aussi d'être de ce côté
là. Dingue !
Je passe le cordon, et me voilà à montrer encore ma place aux portes du
théâtre.
Fouilles de sac en règle, ils vont même jusqu'à ouvrir ma trousse et mon
paquet de clopes à la recherche de boules puantes.
Puis direction les palpations corporelles par une charmante jeune
femme.
C'est l'occasion d'apprendre que le recrutement des femmes dans le secteur
de la sécurité se développe et que c'est très bien payé.
J'ai l'impression d'être à l'aéroport et que je vais prendre l'avion.
Je suis sympa je vous passe l'étape vestiaire et nous voilà directement
dans la salle.
Nous avons le droit au directeur himself, Emmanuel Demarcy-Mota qui vient
s'excuser personnellement de tout ce dispositif sécuritaire, qui nous remercie
pour notre patience, qui, ne perdant pas le nord, nous demande d'éteindre nos
téléphones portables, de ne pas envoyer "trop" de sms pendant le spectcale (!!!)
et qui nous prie en cas d'interruption de les laisser faire dans le calme et
sans violences. Il ajoute qu'il reste des places, qu'il faut qu'on en parle à
nos amis comme à nos ennemis, vous connaissez la chanson.
Pour être sûrs que la représentation se passe bien, les gars de la société
de sécurité nous ont rejoint dans la salle. Ils sont massés des deux côtés de la
scène, très discrètement et, tout comme au Stade de France, ils résistent à la
tentation de tourner les yeux vers le spectacle, restent le regard bien droit
sur les spectateurs. Chaque grincement, chaque bruit de projecteur est suspect.
Pendant le spectacle, 2 personnes se lèvent pour quitter la salle, légère
tension...puis l'attention se porte à nouveau vers la scène.
Ce soir là, tout se passe bien.
En sortant, un comité de 2 à 300 personnes (selon les CRS) attend les
spectateurs en brandissant des pancartes "Non au blasphème" et autres conneries
du même genre.
Tous les spectateurs qui n'avaient pas de place ont réussi à avoir des places. Fait plutôt rare pour Castellucci à Paris, qui plus est au
Théâtre de la Ville.
A croire, que toute cette histoire a découragé certains spectateurs.
La fille de la billetterie m'a dit que c'était quasi un acte militant de
venir voir le spectacle.
Je me demande d'ailleurs comment ils vont s'en tirer la semaine prochaine
au 104, et si les intégristes cathos vont venir oser mettre les pieds jusqu'à
Stalingrad et la rue Curial.
Là ça peut être un vrai acte militant d'y aller parce que le 104 bin c'est
pas comme le Théâtre de la Ville en plein coeur de Paris.
Et là les mecs du quartier, je pense en particulier aux quelques barbus,
qui vont voir débouler les CRS et les cathos intégristes, ils vont bien se
marrer !
Moi, ça ne me viendrait pas à l'esprit d'aller manifester devant la masse
de brutasses cathos samedi après l'action Place de l'Art est Public !
Cette confrontation-là ne m'intéresse pas.
Par contre, je pense sérieusement à prendre des places pour Golgota Picnic
de Rodrigo Garcia, qui en met plein à dans la gueule du Christ qu'il appelle "El
puto diablo" (vous trouvez plein d'infos sur le spectacle sur le site de
christianophie.fr ;0)
Je ne tiens pas à me battre contre des crétins chrétiens qui sont des cons
vaincus par leur connerie.
Par contre, je rejoins Laura et d'autres : me battre pour faire valoir mon droit d'aller au théâtre voir
ce que je veux, pour la liberté d'_expression_, alors là oui, je veux bien en découdre.
A ce soir pour ceux qui sont déjà là.
A demain pour les autres.
L*