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[rue] Le feu d'hier


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  • Subject: [rue] Le feu d'hier
  • Date: Tue, 7 Aug 2012 12:48:22 +0200


Nous étions plus de 300, dans les hauteurs de l'ariège, à applaudir gravement la dernière bombe.
Tandis que tous ces yeux acérés semblaient percer le ciel, je volais cet instant suspendu pour dévisager ces hommes et ces femmes, absorbés par la sombre beauté d'une langueur filandreuse, sous la fine pluie des cendres de Stephane Filoque.
Rien ne semblait les réunir à part cet air de défi, cette rébellion sauvage et l'inquiétante folie qu'elle laissait deviner.
Cette troupe bigarrée, revêche à toute cohésion, c'était ma famille.
Et comme moi elle avait bien vieilli.

Nos têtes grises, nos peaux parcheminées et nos yeux creusés trahissaient les années de fêtes, de route et d'émotions que tous nous avions traversés, nous étions marqués par ces vies de trop. 
Nous étions fatigués.
Pourtant parmis nous, nombreux étaient les jeunes loups, torses bombés et rouflaquettes buissonantes, qui partagaient le spectacle sans en saisir toute la profondeur.

Les rouflaquettes buissonantes... Foutue ridicule mode de ces années 2040. Ce devaient être les dernières recrues de son tentaculaire centre de formation à la connerie de combat.
Ce type était vraiment extraordinnaire. Sauter d'un avion à un autre en moto les yeux bandés à son âge...

Ces jeunes qui débarquaient aujourd'hui, sur ce qui était notre terrain de jeu, avec toute leur morgue, n'avaient pas connu notre âge d'or.
Le bon vieux temps des années 2000.

Nous avions été, à bien y réfléchir, la génération privilégiée des arts de la rue.
La deuxièmme génération. 
La première, on voyait ce qu'il en restait. Des cendres, ou pire, de vieux débris dégénérés ou obscènes comme Pascal, qui s'accrochait encore à la vie, et qui trouvait encore dieu sait où, l'énergie provocatrice de montrer sa bite aux jeunes circassiennes. Cette génération était celle d'avant le minitel, avant même les portables.
Pour eux la rue, ca avait du être la manche, au début!!
La misère...
Tandis que nous, nous volions de festivals en festivals, gagnant 3000 euros à chaque représ...
Inimaginable pour eux, pour cause, les festivals existaient à peine, quand ils tournaient, en 2cv...
Nous, nous avions connu la France regorgeant de festivals, un gigantesque marché, un monde à découvrir, des centaines de lieux nous tendant leurs bras, avec leurs loges fraîches et leurs public nombreux et averti.
Des tournées de malades.

Nos spectacles avaient pu être bien plus élaborés artistiquement que leurs balbutiements... Leur grande chance aura été de jouer avant l'arrivée de la vidéo, et de pouvoir réanchanter leurs exploits après coup...
Nous, nous avions connu un public attentif, connaisseur, et nous l'avions charmé.

Il en restait beaucoup, des notres, ici, autours de moi, qui avaient traversé brillament cette époque. Les kag, spectralex, Robert et moi, la cie de l'autre, les trois points de suspension, les bougrelas, les joe sature, the a la rue, les pilleurs d'epave, dirk et fien, fred touch, la liste était longue...

Et puis c'était l'époque de l'international. Tu déboulais à aurillac, tu avais 100 professionnels du monde entier prets à t'envoyer en corée, en inde, en équateur... Trop facile, à cette époque... Ca a bien changé.

Aujourd'hui tout part à volo.
C'est certain, c'était mieux hier, on a eu beaucoup de chance...

Philémon viens me voir, c'est le fils d'Agnès, qui fait un solo extraordinnaire parait-il.
Son regard brille et il me met une tape sur l'épaule, souriant de toutes ses dents:
"mortel, l'enterrement!!!"

Et il éclate de rire, rejoint par sa magnifique compagne, qui lui enlace tendrement la taille...

Moi, j'ai un petit peu mal à l'épaule...







  • [rue] Le feu d'hier, , 07/08/2012

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