En attendant les bilans...
12h30. Le matos de Vente Aggravée est
plié. Ca fait du bien de jouer enfin devant des vrais gens. Les 3
précédentes c'étaient une poignée de copains et de pros. Faut
dire qu'en matinale, avec notre proposition plutôt pour les adultes
on ne fait pas le poids face au spectacle de Cartilage, les gosses
sont fans, ma fille serait là, elle y retournerait tous les jours !
Le vent est passé Sud. Toujours pas
de net pour la météo, je file au ciel. Sur la passerelle au dessus
de l'A7 qui me sert de vigie, le plafond profond semble ouvrir le
dernier acte de la canicule. Ca s'annonce puissant, sévère.
Penser à vérifier encore une fois
les voiles déployées au dessus du catering. Sinon la restauration
"produits locaux" risque d'avoir un goût crousti-fondant
de Sahara mouillé...
Pas de grain en vue. On va pouvoir
envoyer Créamine et Roser Rosette. Ceux là ne savent pas encore
qu'ils sont à deux heures de leur meilleure.
Si ça tombe ce soir, d'évolution(s)
sous le chap avec l'orage, ça sera juste dantesque, en plein dans le
thème ! Un moment dont on se souvient toute la vie. Quand à
Radiations Durables et leurs 276 cartons 1/2 ils ont choisi de monter
quoi qu'il arrive à ciel (c)ouvert. Pas de souci, on a au moins 20
paires de bras briefés prêts à dégainer une chaîne humaine
instantannée pour finir à l'abri. Je sais d'avance que le public
suivra; ce spectacle, quand on y goûte, on peut plus décrocher.
Quand à l'Epistolaire, à la même
heure, elle a le coffre pour fermer sa gueule au ronflement du
déluge; même avec ses lettres d'amour trempées de larmes célestes.
Reste en début de soirée le Fil à
retordre. Ces deux là, ils sont tellement forts avec leurs
circonneries; qu'il peut tout leur arriver ils garderont le sourire.
Reste l'Ecrin, un petit joyau de bois
et d'acier sur lequel on a trois intimités musicales, drôles et
poétiques à sauver (Gros Câlin, le concert de Poche et les Noces
de Figaro). Visiblement, malgré ce qui menace, ils sont détendus.
La dernière fois que la sauce s'en est mêlée, ils ont déroulé la
bâche de leur décor sur leur espace et le public, vu ce qui
s'allume dans leurs yeux quand ils racontent, ça sent le gros
souvenir de jeu !
Du côté de la yourte, je ne m'en
fais pas. Elle en a vu d'autres. Et puis la danse Buto de la Cie
Transit, quand tu la reçois, c'est déjà l'orage en dedans...
...
Miss Bazzoka moins 1h. Carton
Plein est passé au travers. Ces deux là, c'est des pénibles: non
seulement ils cartonnent, mais en plus ils font le plein. 2 jours de
festoche et on se retrouve obligés de les sortir du chap ! Trop
fastoche: les 4 cies concernées par le changement de programme se
brieffent avec le sourire et c'est calé. On n'a plus qu'à rédiger
un énième programme pour être à jour demain. Au bureau, les
filles des Vertébrées en seront quittes pour encore moins dormir ce
soir qu'hier.
...
C'est quoi cette embrouille ? On est
en plein casting de Solidad, la lumière en facade monte en intensité
alors qu'il n'y a pas de grada sur la ligne et que tous les copains
sont occupés ailleurs...
Mazette, c'est pas les ampoules qui
suivent la montée en pression de Faut pas Poucet, c'est le ciel qui
a trouvé le moyen de prendre encore de l'épaisseur. J'aurais dû
percuter: le patchwork de pendrillons apportés par les cies qui nous
sert de fond de scène sur ce site a cessé de voler depuis un moment
déjà: le vent a tourné Est.
Je me précipite en direction de la
vigie; déjà les premières gouttes. Putain, c'est pas des gouttes
c'est des zeppellins ! Heureusement qu'elles voyagent en solo ! Pas
de ventre noir au dessus du site mais le vent qui a glissé du SE
vers l'Est et forcit. Putain de sort ! Au Sud Est de l'école, à
moins de 5km, y a un machin obèse posé sur un mur de pluie avec une
étiquette "carnage" écrite en volutes sur son gros bide.
Pas moyen de lire les vents. Partout les nuages s'empilent et pas un
étage qui va dans le même sens. Si le Père Ubu passe au dessus du
site, on a moins de 20' devant nous.
J'ai une pensée pour Miss Liddl; elle
est chouette cette chanteuse raconteuse. Cet été elle a enchaîné
Montréal, Avignon... et chez nous elle commence ses journées par le
nettoyage des chiottes. A capella sous le chap, ça va être
difficile.
En cas de cata, on est pas trop mal.
L'équipe a le sourire, les électros désignés d'office ont préparé
le scénario inondations. En guise de Loyal Tom le GPS humain a tout
le métier qu'il faut pour gèrer les changements de programme en
direct. Au pire, l'orgue barbarythmique de Jean Lezar a des cartons
pour faire chanter toute la durée du déluge s'il le faut. Et on a
l'atout Triviale Poursuite: Un couple en slip qui se cherche sous la
pluie ça peut être grandiose.
Sous mes yeux, Ubu change de cap. Il
vire vers l'Ouest pour aller ravager l'Ardèche. En face ils vont
recevoir.
Retour au site. V'la les Ïyelos.
Ceux là c'est un peuple à part. Ils débalent leurs flûtes, leurs
tambours, leur gouaille, leurs chansons et le temps de rassembler un
public hilare, ils posent leur ballade en pleine éclaircie ! D'où
ils l'on sortie cette trouée dans le ciel en plein dans l'axe du
soleil ? Mystère. Je me demande si les gars d'Hypocampe Théâtre
n'y sont pas pour rien. J'ai cru comprendre qu'entre deux passages de
leur cirque de marionettes à l'indienne ils occupaient leur temps au
service du collectif à des soins énergétiques pas conventionnels.
Vu l'air béat de ceux qui sortent de la yourte, y a du power.
Fin de Miss Bazzoka, elle n'a
toujours pas trouvé l'amour mais les gens adorent ça. Le grain est
passé par l'Ouest, viré Nord le long du site puis retraversé le
Rhône pour karchériser en Drôme. Un bénévole (merci les
bénévoles, vous êtes le sang de nos rêves impossibles) arrivé en
renfort pour le week-end raconte les 40 cm d'eau dans les rues à
moins de 10 km. Il a coupé ses essuie glace en quittant l'autoroute,
1km au Nord.
...
Sieste plus quinze. Une ultime
grimpette à la vigie dévoile un ciel de traîne. Ubu s'éloigne
vers le Nord Est, on n'entend déjà plus ses éclairs. Quelques
traînards arrosent gentiment au SE, SO et NO du site. 7 ans de mer,
et je ne comprends toujours pas ce qui ne nous est pas arrivé. A
Dehors aujourd'hui, le IN c'est le ciel. Tout le monde en parle, y a
des moyens gigantesques qu'on regarde passer de loin avec un respect
craintif devant les quelques miettes qui échouent dans notre
école... et pendant qu'il passe encore à côté, c'est chez nous
que ça se passe: Dehors !
Le jour baisse, je quitte soulagé la
passerelle, je rejoins la vie chamboulée du quartier, longe les
facades sinistres piquées des mots utopiques de la Droguerie Moderne
en plein chantier, salue la brochette de vieux menhirs de la coinche
installés contre vents et marées face à notre espace 'accueil
pro'. Les diffuseuses sont en pleine conversation.
Mon téléphone vibre encore.
C'estTonton Ballons, qui nous a quitté pour cause de vrai contrat ce
samedi. Lui est aux anges. Les premiers jours du festoche ont chauffé
le diesel et le show a tout arraché cet aprem. Il est inquiet pour
ses nouveaux copains d'aventure; Le temps de le rassurer et je
m'asseois sur le gradin de mon chap préféré épaule à épaule
avec un ado du quartier qui a déchaussé ses oreillettes débordantes
de rap depuis hier pour assister à la naissance d'une paire de
clowns à surveiller de près: Les 2 Murrays.
Embarquer pour cette aventure, c'est
la vie comme on l'aime: intense à épuiser le corps et l'esprit.
Avec ce sentiment qu'aucun appareil à mémoire ne saura jamais
figer: l'urgence de chaque instant en mouvement.
A la prochaine !
Tof
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mon I-Doudou
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