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[rue] rédhibitoire


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  • From: boueb < >
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  • Subject: [rue] rédhibitoire
  • Date: Tue, 11 Sep 2012 12:05:43 +0200

Salut la rue !

Une aventure qui date de presque six mois, mais qui mérite d'être publiée aujourd'hui parce qu'avec la durée, elle devient mésaventure. Je tairais pour le moment le nom du lieu concerné. Et mieux, je lance les paris !

Nous étions accueillis en résidence, une équipe de huit personnes sur 12 jours. Beaucoup d'entre nous enchainions sans arrêt les périodes de création avec plusieurs compagnies, dans tout les coins de France, et même en Allemagne. Seul un n'a pas d'enfant. En amont, nous demandons alors s'il est possible d'accueillir par moment des bouts de familles, pour ne pas qu'elles craquent, et que les courts temps de relâche puissent être consacrés aux sensibles liens familiaux. "Oui, il faut prévenir à l'avance pour les repas et les payer." "Super !". Sur les 12 jours de résidence, nous nous accordons une seule journée de libre.

Jusqu'ici, tout va bien. Nous ne sommes pas les "Sex Pistols", ni "La Famille Adams".

Nous bossons avec appétit. Nos pièces rapportées s'occupent de nos petites pièces rapportées. La cuisine devient par moment une salle d'activité juvénile, et la cuisinière passe aussi du temps "d'occupation éducative", et ce, avec son accord. Nous prenons finalement notre temps de liberté dans la soirée qui précède la journée libre. Nous décompressons merveilleusement bien et nous réjouissons de faire aussi bien la fête que nous travaillons ! L'espace subit le contre temps : la salle commune ne sera propre qu'un peu tard pour une préparation optimale du déjeuner. Là, on a merdé un peu, nous aurions dû anticiper et donner aussi du temps libre à la cuisinière.

Trois jours avant notre départ nous ponctuons notre résidence par une Avant-Première en "sortie de fabrique". Que nous arrosons de bulles, qui nous enchantent et que nous dansons.

Alors que nous "débriefons" en équipe, la bouche un peu sableuse d'un lendemain de veille qui chante, notre hôte nous fait 10 minutes de cadrage, de remontage de bretelle, de leçon infantilisante, 10 minutes pénibles sous un flot accusateur. En résumé : la cuisinière est fatiguée, il faut payer les repas, ne pas faire la fête, ne pas sembler être en vacances, ne pas faire de bruit, il faut être respectueux et impeccables, il faut espérer que les chambres soient nickelles...

Plus tard, en "bon" directeur artistique, je "nous" explique avec notre hôte. Je comprends très bien, qu'il n'est pas facile pour lui de défendre des actions culturelles en immersion face au conseil municipal. Et il semble comprendre très bien les points suivants :
- Personne n'est censé travailler 12 jours sans interruption, ni plus de 12h dans la journée.
- La décompression est nécessaire et positive, et peut passer par la fête, qui constituent un bon terreau de liens professionnels : le processus de travail est comme un moteur à quatre temps (pour les nuls en mécanique, demander à Sud-Side).
- Les ouvriers du spectacle n'ont pas à être contraint de tirer un trait sur toute construction familiale.
- Les enfants, compagnes et compagnons des ouvriers du spectacle ont le droit et le besoin d'avoir une vie ensemble.
- Être vivant et sembler être heureux de travailler ne doit en rien être gênant pour ceux qui vieillissent et sont malheureux de ne plus travailler.
- Accueillir des équipes artistiques comportent des risques mineurs pour le voisinage : un brin de folie, un chouïa de bruit, un peu d'improvisation, une pincée de perturbation, une bonne dose de rigolade... et mille autres petites choses de la vie. Car c'est bien de cela qu'il s'agit, nous ne sommes pas des militaires de carrière, malgré l'exigence et la persévérance que nous mettons dans notre travail. Nous pouvons et voulons travailler et continuer à vivre. C'est ce qui fait, j'y crois encore, tout l'intérêt des résidences.

Après notre départ, mes mails et coups de téléphone sont restés sans réponse. Nous savons, par d'autres oreilles, que c'est rédhibitoire, notre comportement nous grille là bas pour des millions d'années.

Alors, grillé pour grillé, je pourrais tout balancer, et coller des coups de tête... Mais non, ce qui me semble intéressant dans cette expérience, c'est qu'elle montre que nous avons encore beaucoup à faire pour être compris. Il n'y a rien sur les bienfaits de l'apéro après le boulot dans les conventions collectives ? Existe-t-il des études sur les relations familiales qu'entretiennent les ouvriers du spectacle vivant ?





  • [rue] rédhibitoire, boueb, 17/09/2012

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