C'est bien cela que je déplore,
et c'est ici que je partage mes interrogations. J'essaye de sauvegarder ma
demi-heure d'écriture par jour, mais, bien souvent, au lieu d'être dans la
poésie, je croupis dans la prose (demande de résidence, de co-production,
dossier de diffusion, bilan d'activité, évaluation d'action et réflexions
à partager sur le blog et avec la liste rue).
De quoi pouvait bien
vivre Rimbaud ? Sans cachets ni régime d'assurance chômage. Il est mort à
37 ans et a certainement passé plus de temps à écrire de la poésie que
nous, et même que toi Jacques. Tu imagines qu'à mon âge il avait déjà
. Sans compter que nous avons
arrété l'opium depuis quelques années... Comme disait Boby Lapointe :
ps
: Mon père vient de m'appeler. A la lecture de mon article, il croyait que
je déprimais, pour la simple raison qu'il me pensait pleinement épanoui
par notre nouvelle création ("
" dit il)
et espérait que je me pose moins de questions, que cet accomplissement
avait assourdi ma colère. Comme quoi, même nos proche s'inquiète quand on
est trop honnête. Alors je lui est dis
, ce qui est
presque vrai.
>
Message du 05/10/12 09:25
> De : "Jacques Livchine"
> A :
"Liste Liste rue"
> Copie à :
> Objet : [rue] spécial
Boueb
>
> Un jour j'ai assis la beauté sur mes genoux ,
je l'ai trouvée amère et je l'ai injuriée
>
je
ne sais pas pourquoi cette phrase de Rimbaud me vient en lisant
Boueb.
>
Est
ce que la rue n'est pas en train de tourner au communautarisme ?
J'entends Boueb qui parle de 1600 personnes inscrites sur cette
liste ? On a nos codes, nos valeurs, notre uniforme, et éventuellement
une petite boucle d'oreille discrète. Nous sommes une petite
communauté, avec ses qualités, et ses défauts.
>
Boueb
s'attaque discrètement au "pourquoi on fait du théâtre" ?
>
Boueb
a des bonnes notes partout pour la grève du crime : il a
une histoire, un esprit, une dramaturgie, son propos fait réfléchir, il
est un tantinet absurde, mais pas tant que ça, c'est une écriture
contemporaine, il a des vrais comédiens, j'entends "vrais" car
capable de créer des personnages et de dire des textes, donc des pros du
théâtre, il gère l'espace public, pour de vrai, on voit , on
entend, il arrive à faire rire un conseiller -théâtre, il note
sur son site toutes les bonnes appréciations, il garde le
public jusqu'au bout, il se sert des fenêtres de la rue, il fait des
changements de personnages assez sophistiqués , parfois il fait même une
scénographie tour de France. ( le public en longueur des deux côtés de
la rue, rarement utilisé. ).
>
Il
met comme nous tous son "travail" sur le marché, et il
attend.
>
Faire
du théâtre ce serait donc créer, trouver les résidences, le financement
, puis présenter à ceux qui peuvent t'acheter, et puis
vendre.
>
Les
Grooms , j'entends dire ça, n'ont jamais autant vendu. C'est mon fils
Christophe qui fait ça. Il a son bureau dans la cave de
sa
maison de Malakoff, il a un super fichier, il sort un dépliant,
une carte postale par an avec ses dates, Et les demandes affluent. "La
bonheur est dans le chant" n'est pas évident à vendre, il faut un
repérage assez pointu, squatter des fenêtres, avoir le calme, il
faut une chorale locale avec des répétitions, un gros 4X4,
une chambre single par acteur, ils sont dix je
crois.
Il
y a du texte, de la musique, du contenu. Ils ont des solides
chanteurs, des cuivres aguerris, ils jouent par coeur des musiques
complexes, ils ont Pierre Samuel, excellent acteur, ils ont un auteur,
Eugène Durif, ils n'ont quasiment rien gardé du texte, mais il a
été utile pour la structure, il y a au moins huit séquences.
A l'étranger, ils jouent en Anglais. Ils ont fait des
tournées internationales à nous faire baver d'envie.
>
Mais
voilà, je cherche le sens de tout ça. J'ai souvent l'impression que nous
ne sommes que des prostituées, nous faisons des passes, certains
beaucoup d'autres moins.
Les
contacts avec les lieux d'accueil sont souvent sommaires, notre enjeu
est mince. Faut que ça marche, que l'organisateur soit content que le
public soit content ,que chaque représentation génère de nouvelles
dates, que chaque acteur renouvelle son statut. Et puis comme ça
c'est bien, sauf que j'ai l'impression de tourner en rond.
>
Alors
un jour à l'Unité on en a eu marre. On avait la sensation de
s'appauvrir en jouant trop, les contacts étaient trop brefs, donc on
s'est mis à assortir nos représentations de stages pour rencontrer les
gens de la ville, pour ne pas rester qu'une seule journée. Donc
notre spectacle était précédé de brigades de rue à mains nues.
>
Et
puis même ça, cela ne nous suffisait plus, alors a commencé l'ère du
"bottom up" . Partir du bas et monter. On avait besoin de
rencontrer les habitants, les gens et de construire des opérations et
des pièces à partir de leurs paroles. On s'est lancé dans "les rues
extraordinaires" ou "les 80 ans de ma mère". Cela nous a
passionné.
>
>
Je
ne vais pas raconter toute ma vie. J'ai besoin des tournées, ça aère, ça
nous fait parcourir le pays, mais j'ai besoin en même temps d'opérations
plus importantes qui s'adressent à la ville toute entière ou de grands
défis, comme l'étaient les réveillons des boulons, ou la caravane passe
en A.
>
La
Franc- comtoise -de -rue, fabriquer un repas utopiste à douze
compagnies, ça a été une belle expérience, sauf qu'on a oublié de
vendre nos spectacles à Chalon
>
Pourquoi
je dis ça à Boueb, parce que j'ai une sensation bizarre, comme si on
perdait trop de temps à nous interroger sur les bonnes recettes pour
trouver des dates de jeu, et que nous devrions développer ensemble nos
aptitudes au rêve, à rêver le théâtre autrement.
>
Sans
arrêt je m'interroge sur mes objectifs. Les festivals c'est bien, mais
j'ai besoin d'un autre chantier en même temps. Macbeth en forêt, c'est
excitant, on fonce tête en avant, on n'a pas encore la production,
mais le désir est si fort que personne ne pourra nous arrêter. Nous
voulions faire un spectacle sans s'enfermer dans les pages d'un dossier
de vente A 4, cela ne sera pas possible. sans A 4 , pas d'argent. A 4
c'est le format, puis on choisit spirales ou agrafes. On s'en
fout, on le jouera, on 1 date le 31 mai et 3 lieux intéressés.
>
Je
sais , je déblatère, je divague, c'est ma manière d'avancer, de perdre
du temps, alors que je dois faire un flyer pour les cours de théâtre
d'Hervée, que je dois aller chercher du combustible de chauffage pour
Vania pour la séance de Cergy, que je dois remplir une demande
d'aide à la production, un plan d'auto- évaluation pour ma Drac, porter
les poubelles et conclure.
>
>
Alors,
je termine : dans la vie, il y a la prose et la poésie, mais
si on ne reste que dans la prose, on ne vit plus, on
croupit..
>
>
>
Jacques
Livchine
metteur
en songes
>
Le
théâtre de l'Unité c'est toujours autre chose
>
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