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Re: [rue] du risque, par Hubert Colas


Chronologique Discussions 
  • From: solen briand < >
  • To: laurent driss < >
  • Cc:
  • Subject: Re: [rue] du risque, par Hubert Colas
  • Date: Wed, 10 Oct 2012 21:32:57 +0200

Avis d'equilibriste (c'est à dire ne provenant pas franchement d'un être intelligent puisqu'il passe sa vie à risquer ne plus la risquer): le risque n'existe pas dans l'absolu, contrairement à tout ce qu'en dit la création. Le seul risque c'est l'échec. Sans cible on ne peut rien échouer. (Raté raté encore raté toujours raté mieux. Pardon Jacques)
Le créateur prend un risque si et seulement si il a un objectif à créer, si il vise. Il n'y a pas de création risquée pour elle même, il n'y a que des cibles plus ou moins difficiles à atteindre.

Mais peut être que le fait de ne pas avoir d'objectif c'est le meilleurs moyen de pouvoir toucher une cible. Échouer à coup sûr pour que la question du risque ne se pose pas... et créer pour découvrir plutôt que pour accomplir.
Trouver les questions au lieu de poser des réponses.
Mais qu'est ce que je fais là ?

De la réponse renouvellée chaque pas à cette question découle la démarche. Se déplacer. Parler en poète au seul risque de se taire.
Chut ou chute.
(dé)marcher en poète au seul risque de glisser hors de sa propre démarche ou de s'arrêter de créer.

Un vieux prof de taichi me disait : il faut pratiquer aujourd'hui de façon à pouvoir pratiquer demain...

En revanche oui, ce que je trouve désespérément juste dans les propos de monsieur Colas : c'est au spectateur (et du coup au programmeur, mais quelle est dérisoire cette distinction) de prendre le seul risque. Regarder. Donner son attention.

Et aussi : je vous envoie des bises d'Islande
(mais qu'est ce que je fais là ? )

Le 10 oct. 2012 09:08, "laurent driss" < "> > a écrit :
Ci-après un peu de matière glanée dans Alternatives théâtrales autour de la notion de risque...
bien à vous

Hubert Colas
Je risque d’être ou je risque quoi à être
D’après un entretien avec Judith Martin

ON RISQUE OÙ? ( au théâtre?)
Dans l’action, dans l’engagement.
On risque quoi ? Le regard.
Le risque, c’est quoi, parler d’un temps, d’un espace,
d’un regard hors du commun.
Oser encore s’interroger. Pas pour y inscrire quelque
chose de spécifiquement nouveau.
Il y a risque peut-être pour inciter un déplacement,
un regard, une écoute. Risquer être en dehors des
frontières de l’ère du tout communicant.
La première sensation à cette question est qu’il
n’y a pas de risque à faire ce que je fais et la deuxième
c’est que cela ne va pas sans risque.
Ne pas prendre de risque ? C’est être là où ce qui est
représenté s’entend, se voit, se perçoit comme un élément
déjà connu. C’est être là où l’exercice d’être spectateur
n’est plus sollicité, mais conforté. C’est être là où rien
ne bouge. C’est voir de l’identique pour de l’identique.
Un lieu où ce que l’on voit nous fait croire à ce que nous
voulons qui soit, avec un zeste de «Il faut faire quelque
chose pour..., cela raconte ceci ou cela, j’ai vu ça
déjà et c’est vrai que...». Un conformisme ambiant
de la représentation. En ce lieu-là, le politique n’a
aucune crainte que son électorat ne se disperse, ne
se dissolve dans la réflexion d’un savoir autre.
La consommation demande des objets consommables
pour la consommation. Des objets sans risque qui
se mangent vite. Il faut que le théâtre ressemble au
théâtre. S’il ressemble à autre chose, à quoi peut-il bien
ressembler ? Quelqu’un en aurait-il peur ? Et de quoi
aurait-il peur ? Qui franchit le risque ? Quelque chose
aurait-il le pouvoir de changer quelque chose dans le
regard de certains... ? Mais le théâtre n’a rien à changer.
Il est ce qui change. Et pas pour changer mais pour être
à l’image de ce qui change en nous et de notre perception
du monde.
Il n’y a plus aucun risque. Le risque a été avalé par la
forme. Un risque bourgeois qui s’émoustille sur son siège
lorsque l’un d’entre nous, un artiste, s’est approché d’une
_expression_ où son corps est en jeu. Et si un peu de déchet
humain apparait ou fait croire en son apparition, le
scandale du bien séant se met à râler dans les rangs et
les téléphones se mettent à sonner dans les bureaux,
«Ça on ne peut pas». Et l’artiste a-il pris un risque?
Non. Pas vraiment. Il s’engage dans son acte, présent
à lui, ouvrant le champ des possibles et l’offrant aux
spectateurs. Le théâtre a sans doute des limites dans le
risque convenu qui est donné aux spectateurs.
D’autres formes d’_expression_ comme la performance
ou les arts plastiques engagent le corps des artistes
témoignant ou symbolisant par leurs actions certains
codes de représentations du monde. Dans ce cadre-là,
la plupart des expressions n’engendrent aucun scandale.
Y a t-il une règle acceptable de la représentation?
La révolte est-elle vraiment un risque aujourd’hui ?
Cela sent la bonne question.
La révolte est devenu une figure de style, elle porte
sa propre représentation et s’identifie comme telle.
Les révoltes se sont vidées de leurs sens. Mais une société
qui ne porte plus en elle de grande révolte, peut-être
parce qu’elle ne porte plus d’idéologie de vie, parce
qu’elle n’a plus de projet et d’idéal commun de vie,
ne peut plus regarder la révolte comme acte fondateur.
Aujourd’hui, la révolte a-t-elle encore un espace dans
l’espace public ? La révolte exclut. Quel est l’espace où
la révolte trouve encore une écoute?
Est-il encore possible dans son propre pays de
prendre le risque de la différence en étant semblable ?
Ne sommes-nous pas en train de demander à tous les
artistes d’Europe d’être pareils ? La scène Européenne
donne-t-elle le goût et la sensation du risque parce que
les us et coutumes des pays gardent encore un peu de
leur propre origine?
Un bon nombre de metteurs en scène européens
présentent en France des oeuvres qui sont ici qualifiées
de «risquées» – parce qu’il y a un champ qui nous paraît
étrange, moins vu et donc plus exotique. Je ne crois pas
qu’ils prennent plus de risque. Je pense que certains
créateurs français travaillent sur des espaces similaires
et qu’on ne leur donne pas l’espace de leur _expression_.
Est-ce que toutes les grèves de la faim se
ressemblent ? La révolte ne peut être un acte représenté.
Ce qui est révolte doit aussi être le regard porté par le
public sur les oeuvres représentées. Refuser la standardisation
des offres, refuser le moulage des formes, refuser
le formatage de la demande.
Les créateurs sont des êtres de risque. Ils sont des
êtres en révolte, ils n’ont besoin d’aucun risque, d’aucune
révolte, ils sont le risque et la révolte.
C’est aux diffuseurs et aux pouvoirs publics de
prendre le risque de les représenter.


Hubert Colas est auteur
et metteur en scène.
Il a créé Diphtong Cie
en 1988 et codirige
depuis 2000 le centre
de création pluridisciplinaire,
Montévidéo,
fondé à Marseille avec le
musicien-improvisateur
Jean-Marc Montera,
qui est consacré aux
écritures et aux musiques
contemporaines.




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