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Re: [rue] Un intermittent au point


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  • From: Le Galpon < >
  • To: Franck Halimi < >
  • Cc: Liste Rue < >
  • Subject: Re: [rue] Un intermittent au point
  • Date: Mon, 29 Oct 2012 23:44:04 +0100

et ledit article auquel il répond, on peut le voir quelque part ?

Colin


Le 29 octobre 2012 16:20, Franck Halimi
< >
a écrit :
> Salut, c'est Franck de Bourgogne.
>
> Pour info, je vous prie de trouver ci-dessus une missive en tout point
> intéressante envoyée au rédacteur en chef du Point
>
> Voili.
>
>
> Ami calmant.
>
>
> @+ Franck de B.
>
> ------------------------------
>
>
> À l'attention de Monsieur le rédacteur en chef du magazine LE POINT
>
>
> La vie facile de l’intermittent : il est temps de (se) faire le point
>
> Jacques-Emmanuel Astor - Dimanche 28 octobre 2012
>
>
> Ce matin, comme tout bon intermittent gâté pourri qui se respecte, je me
> suis levé tard, je me suis fait un café et, conscient de ma vie facile, j’ai
> décidé de me la couler douce en glandant sur Facebook.
>
>
> Et là, oh surprise, je tombe sur le titre de votre journal. Nous sommes
> dimanche, on vient de passer à l’heure d’hiver, il pleut, ça sent la journée
> "Drucker" à plein nez alors oui, c’est bon de rire parfois.
>
>
> Alors comme ça, pendant que la France trime et croule sous les impôts,
> l’intermittent du spectacle lui, se la joue tranquille et se la coule douce
> ? Si vous le dites, c’est que cela est sûrement vrai, je ne doute pas de vos
> qualités d’investigation à l’heure où vous avez ébauché cette couverture.
> Vous êtes journalistes, un métier noble, respecté, intègre, sans régime
> spécial, abattements professionnels intouchables et autres. Vous êtes la
> France qui travaille, qui informe, qui guide... Vous êtes à des milliers de
> kilomètres de la réalité du monde qui vous entoure et que vous ne croisez
> plus depuis longtemps dans les salons de vos rédactions.
>
>
> Je suis intermittent du spectacle, oui, mais ce n’est pas mon métier, c’est
> un statut. Mon métier ? Technicien du cinéma, plus précisément assistant
> réalisateur chargé de la figuration. Je fais, je travaille dans le cinéma,
> cette activité qui occupe encore quelques pages dans votre hebdomadaire et
> dont certains de vos collègues se targuent de connaître, de comprendre et de
> juger en pages culture. Je suis en charge de recruter les figurants, les
> acteurs de compléments, ceux qu’on ne voit pas, ceux qu’on ne connaît pas,
> ceux qui viennent pour une journée de tournage, parfois deux, salariés en
> CDD pour des salaires qui ne dépassent pas vos notes de frais. Ceux sans qui
> une séquence de foule n’existerait pas, ceux sans qui la vie et l’ambiance
> du film serait bien démunies en leur absence. Ce sont donc des "acteurs de
> compléments", des hommes, des femmes anonymes qui cumulent 43 cachets en 10
> mois et demi pour vivre de leur métier, à raison d’une brève apparition par
> film en attendant un rôle, une pièce de théâtre où ils ne seront pas
> rémunérés durant les mois de répétitions précédant les représentations. Ca
> n’a rien de pathétique, rien de glorieux, c’est leur métier avant d’être un
> statut.
>
>
> J’emploie en moyenne 300 personnes par film, je reçois en moyenne 2000
> candidatures. Je crée des foules, des "chorégraphies" de passants qui
> passent, je place, habille des gens comme un enfant déballe sa boite de
> Playmobils. Avec envie, avec plaisir. Souvent je trouve le figurant idoine,
> parfois je sauve juste le statut d’un comédien en manque de travail. Ca n’a
> rien de confortable, rien de pathétique, rien de glorieux. Le seul point
> commun qui nous anime eux et moi est l’envie de faire le métier, ce métier,
> toujours, tout le temps, le plus souvent possible.
>
>
> Je ne connais pas d’assistant-réalisateur, d’assistant-caméra, d’ingénieur
> du son ou autres professionnels de la profession, qui ont choisi ce métier
> par confort du statut, je ne connais que des techniciens, artistes qui, tout
> jeune, ont choisi par passion ce mode de vie, sans connaître pour la
> plupart, les tenants et les aboutissants des calculs unedics à leur
> encontre. Non messieurs, mesdames les journalistes, au même titre que le
> journalisme, on n’entre pas dans ce métier par hasard, par intérêt, on y
> entre uniquement par envie, par passion, quitte à tirer un trait sur une vie
> classique, facile, rangée, confortable. Mais on l’assume, on ne revendique
> rien, on ne se plaint pas, on aspire juste à un peu plus d’objectivité de
> votre part.
>
>
> Oui, nous bénéficions d’un statut spécifique qui peut choquer en ces temps
> de crise, mais ce n’est pas nouveau, c’est le prix à payer pour qu’un
> semblant de culture subsiste aujourd’hui. Connaissez vous un autre moyen
> pour qu’une exception culturelle survive aujourd’hui ? Pour que certains
> réalisateurs, metteurs en scène continuent de créer des films, des
> spectacles, dans cet océan de médiocrité culturelle qui nous submerge
> aujourd’hui ?
>
> De tout temps, la culture a eu besoin des élites et des états pour vivre. Le
> ménestrel mangeait grâce à la générosité du seigneur du château, qu’en
> serait il aujourd’hui des pièces de Molière sans l’aide de Louis XIV ? Un
> Michael Haneke existerait-il aujourd’hui sans subventions et sans des
> techniciens confirmés ?
>
> Alors vous pouvez titrer sur les gabegies de l’état, sur les facilités des
> intermittents, oui vous pouvez, vous avez la chance de pouvoir profiter
> d’une liberté d’expression que vous ne cessez de revendiquer au même titre
> que nous pouvons revendiquer une aide à la création pour que cette dite
> création continue d’exister chaque jour que Dieu fait.
>
>
> Au lieu de tirer sur des cibles faciles, d’aborder des sujets qui divisent
> les gens au lieu de les amener à se rencontrer, à se comprendre, posons nous
> ensemble la question que personne n’ose aborder aujourd’hui : "Qu’est ce que
> la culture aujourd’hui ? Quelle est sa place dans notre société ?
> L’importance que nous lui accordons et le soutien que nous lui apportons ?"
>
>
> Offusquez vous des facilités accordées à moins de 100 000 artistes et
> techniciens en France à condition de soulever cette hérésie, cette
> supercherie de notre société moderne qui se plaint de l’augmentation de
> l’essence, mais qui patiente en foule des heures durant devant des magasins,
> pour posséder des smart phone à plus de 600 euros ou le dernier jeu vidéo à
> la futilité indispensable. Qui crache sur des artistes intermittents mais
> qui s’extasie devant une miss météo ou une bimbo de bas étage enfermée dans
> un loft en prime time. Aujourd’hui un film de cinéma est vu par 100 000
> spectateurs, soit 100 foins moins qu’une vidéo sur Youtube, d’un mannequin
> qui flatule dans un jacuzzi.
>
>
> Oui, la culture mérite le soutien de la société, mais à vous lire et à voir
> ce qui nous entoure, la société mérite-t-elle encore qu’on la cultive et en
> a-t-elle encore envie ?
>
>
> Ce matin, comme tout bon intermittent qui se respecte, je me suis levé tard…
> Pour la première fois depuis deux mois. Je viens de finir un tournage auquel
> je suis heureux et fier d’avoir participé, un film avec peu de subvention où
> chacun a fait l’effort financier pour que ce film existe.
>
> Je me suis fait un café et je suis tombé sur la première page de votre
> journal. Je suis déçu de voir que des hommes de lettres et d’écrit puissent
> tirer à boulets rouges sur une catégorie qui pourtant au départ, n’est pas
> loin de leur ressembler. J’ai lu votre couverture… Je lirais l’article au
> hasard d’une salle d’attente de médecin ou dans le hall de la CAF et du Pole
> emploi. Là où finissent fatalement vos œuvres.
>
>
> Demain matin, lundi, je vais tenter de joindre mon Pôle Emploi pour
> renouveler mon statut. L’hiver approche ainsi que ma taxe d’habitation, je
> ne bénéficie pas d’allocation de rentrée scolaire pour mon fils et je compte
> bien lui apprendre à lire, à discerner l’écrit, les lettres, de la diatribe
> poujadiste. Plus tard, il aura un vrai métier à l’avenir assuré :
> journaliste au Point ou footballeur, qu’en pensez vous ?
>
>
> L’intermittent est plus fourmi que cigale par les temps qui courent.
>
>
> Jacques-Emmanuel Astor
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> ------------------------------
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> Pour acceder aux archives, a l'aide, a la conversion de mail, a la page de
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