Pour ceux qui ne "jouent" demain ou ont joué hier…
Y'a p't être manif demain
L'appel à manifester le 5 mai 2013 pour la 6ème République
Une marche « Contre la finance et l’austérité, marche citoyenne pour la 6ème République », à l'appel du Front de gauche. Une occasion de dire qu'il faut changer ! Texte de l'appel
La lamentable affaire Cahuzac n’est pas seulement la faillite d’un homme. C’est celle de la Cinquième République et des politiques entièrement soumises au règne de la finance. Alors que le pays s’enfonce dans la crise, il est urgent de rompre avec les politiques d'austérité en France comme en Europe, d’en finir avec le dogme de la réduction des dépenses publiques qui appauvrit les peuples et la domination des actionnaires qui licencient pour accroître leurs profits. Il faut donner la priorité à l’emploi, aux services publics et au partage des richesses pour répondre aux besoins sociaux et environnementaux. Il est urgent d’en finir avec ces institutions issues d’une époque révolue. D’année en année, l’abstention, la défiance et le dégoût envers le système politique ne cessent de progresser. Cette Constitution érige en vertu l’irresponsabilité devant le peuple, admis à voter sur les grandes orientations nationales une fois seulement tous les cinq ans. Elle installe un bipartisme qui enferme les choix du pays. Elle a permis la forfaiture du traité de Lisbonne en violation du « non » des Français au Traité constitutionnel européen de 2005 puis la ratification sans débat populaire du traité Merkozy contrairement aux engagements du candidat Hollande. Elle est le moyen d’imposer au pays des politiques d’austérité fauteuses de chômage et de pauvreté alors qu’elles sont insupportables au grand nombre et de plus en plus contestées au sein même de l’actuelle majorité parlementaire. Elle bloque tout changement qui pourrait mettre à bas la petite oligarchie en place et son ordre social conforme aux intérêts de la finance. Elle se dit garante d’un « pouvoir fort » mais ne fait rien face à la finance, face à l’Europe austéritaire, face aux délocalisations. Pour instaurer une démocratie véritable, il est temps de fonder une nouvelle République. Pour en finir avec la domination des marchés financiers, nous avons besoin de la souveraineté du peuple, seule à même de viser l’intérêt général. Pour abolir les privilèges oligarchiques de notre temps, il nous faut une démocratie qui repose sur l’implication et la mobilisation des femmes et des hommes, la construction de nouveaux rapports de forces favorables aux travailleurs et aux citoyens. Il faut une Sixième République, décidée souverainement par toutes et tous, et l’élection d’une Assemblée constituante. Parce que l’affaire Cahuzac n’est pas une crise passagère, les propositions du président de la République ne sont pas à la hauteur. Elles n’arrêteront pas la décomposition accélérée des institutions. Déjà la droite et l’extrême droite en profitent pour tenter de mettre en échec le mariage pour tous et faire reculer l’égalité. Une véritable refondation démocratique et sociale du pays à travers un processus constituant s’impose. Nous appelons donc toutes les forces de gauche, écologistes et du mouvement social favorables à ces objectifs, toutes les citoyennes et tous les citoyens attachés à l’égalité à marcher le 5 mai prochain contre la finance et l’austérité, pour la Sixième République. Il est temps que le peuple s’en mêle.
L’heure de vérité04 MAI 2013 | PAR EDWY PLENEL Sous l’effet de souffle de l’affaire Cahuzac, la Cinquième République vacille. Tandis que François Hollande s’enferme et s’isole dans un présidentialisme archaïque, toujours fatal à la gauche, la droite accentue sa dérive extrémiste, appelant à « un nouveau 1958 », autrement dit à un coup d’État. Au peuple d’avoir l’audace qui manque à ses gouvernants : imposer la nécessaire refondation démocratique de la République.« La France a besoin d’un nouveau 1958 » : l’appel vient de Jean-François Copé, dans une tribune au Figaro du 4 mai. Le président de l’UMP évoque cette année funeste où, à Alger, un soulèvement de militaires extrémistes mit fin à une République parlementaire, la Quatrième, qui s’était elle-même égarée et discréditée dans l’aveuglement colonial. Que le retour au pouvoir ainsi permis du général de Gaulle n’ait pas enfanté un régime dictatorial n’empêche pas la Cinquième République qui en est issue d’être un régime d’exception, marqué par cet acte de naissance anti-démocratique. Ce propos du leader en titre de la droite confirme le chemin de radicalisation qu’elle emprunte depuis que Nicolas Sarkozy et son clan s’en sont emparés, marginalisant la droite républicaine. Après avoir, au pouvoir, épousé les thématiques de l’extrême droite, en donnant droit de cité aux idéologies identitaires et inégalitaires, ils ont cautionné, revenus dans l’opposition, la violence de rue des franges les plus radicales de la droite, en marge des manifestations contre l’égalité étendue au mariage. Et maintenant donc l’appel, sans vergogne, à renverser le pouvoir en place. S’il fallait, pour les républicains de tous bords, un signe que l’heure est décisive, le voici. Il est d’autant plus significatif qu’il vient de l’homme qu’en 2011, Mediapart a dévoilé barbotant dans la piscine de l’intermédiaire en ventes d’armes Ziad Takieddine ; de l’avocat d’affaires qui, jusqu’à il y a peu, ne voyait aucun conflit d’intérêts à cumuler ces activités lucratives avec celles de député de la nation ; de l’un des principaux défenseurs à droite, avec Éric Woerth, de Jérôme Cahuzac, le fraudeur et menteur que l’on sait, avant que la vérité ne triomphe ; bref d’un symbole vivant des arrangements et des aveuglements, entre intérêts et privilèges, d’un monde oligarchique aujourd’hui saisi de panique. Car l’affaire Cahuzac ne fut pas la révélation du mensonge d’un homme, mais le dévoilement de l’imposture d’un système. Durant les près de quatre mois où l’on tenta d’étouffer la vérité mise au jour par Mediapart, c’est tout simplement la démocratie qui n’a pas fonctionné. Un pouvoir exécutif tétanisé, immobile ou complice ; un pouvoir parlementaire coalisé, sans confrontation ni opposition ; un pouvoir judiciaire attentiste, jusqu’à ce que nous l’interpellions publiquement ; un contre-pouvoir médiatique majoritairement aveugle, au point de relayer les manœuvres communicantes des ennemis de l’information. Notre démocratie s’est enrayée. Fatiguée, épuisée, dévitalisée. Impuissante et inconsciente. Et c’est une faillite collective. Celle d’un système institutionnel qui, loin d’élever la République et de renforcer l’État comme il le prétendait à l’origine, a fini par abaisser la première et affaiblir le second. Plus que jamais, les intérêts privés ont pris leurs quartiers au sein des machineries politiques et étatiques, partisanes et ministérielles. Trop souvent, la politique est devenue professionnelle, constituée en caste au-dessus du peuple tandis que, dans son sillage, se construisent des carrières intéressées, du public au privé et aller-retour, où l’âpreté au gain a remplacé le goût du devoir. La leçon des affaires, de Cahuzac à GuéantLoin d’être des faits divers, les affaires sont des faits politiques. Ces scandales ne sont pas la chronique de fautes personnelles, mais d’une déchéance collective. Fil rouge de la plupart des révélations de Mediapart depuis sa création, sous la présidence de Nicolas Sarkozy comme sous celle de François Hollande, la question de la fraude fiscale et des paradis fiscaux qui l’abritent illustre ainsi la coupable tolérance de nos élites dirigeantes pour cette délinquance d’en haut où, dans l’alibi de la fortune, l’on viole la loi la plus commune. Du compte suisse de Jérôme Cahuzac au train de vie de Claude Guéant, d’un ancien ministre du budget PS à un ancien ministre de l’intérieur UMP, on découvre des gouvernants qui ne se sentent pas tenus par les lois qu’ils ont votées et qu’ils sont chargés de faire appliquer. C’était leur secret partagé, un secret sans frontières partisanes tant, dans ce monde où l’intérêt privé a tué l’esprit public, les convictions ne sont qu’opportunités et occasions, moyens pour arriver à ses fins – le pouvoir et l’argent, indissolublement. S’ils s’affolent aujourd’hui, c’est qu’ils savent que le pire est peut-être à venir tant sont nombreux, désormais, les dossiers aux mains de juges et de policiers où gisent des vérités encore plus ravageuses et dévastatrices. Ils aimeraient que l’on confonde l’effet et la cause, d’où les tirades de leurs publicistes habituels, journalistes de gouvernement et presses d’industrie, contre ce « populisme » où ils mêlent, indistinctement, serviettes et torchons, sursaut démocratique et repli identitaire. Mais c’est leur irresponsabilité civique qui fait le lit de la désaffection civique, et non pas, évidemment, les révélations des journalistes ou des magistrats. Et cette irresponsabilité n’est pas la somme de fautes individuelles, mais la résultante d’une dégradation plus générale et plus profonde où se sont installés tolérances à l’impensable, arrangements avec l’invraisemblable et compromissions avec la corruption. De cette chronique récurrente depuis trente ans, sous le temps long de quatre présidences, deux de droite, deux de gauche, de François Mitterrand à François Hollande, en passant par Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, le temps est venu de tirer la leçon. Non plus quelques admonestations, ajustements et remontrances dont l’expérience montre qu’elles n’ont rien entravé, résolu ni empêché, tant les enquêtes de Mediapart en ont fait l’ample démonstration. Mais une leçon d’ensemble, générale et durable. Et cette leçon n’a pas d’autre morale que la nécessaire refondation démocratique d’une République qui ne s’appartient plus. Car l’irresponsabilité vient ici d’en haut, proliférant comme une mauvaise herbe et se diffusant comme un méchant poison. La Cinquième République est « anachronique, exotique et adémocratique », résume dans sa dernière tribune l’un des contributeurs de Mediapart, Paul Alliès, universitaire de métier, socialiste d’engagement et, surtout, président de la pionnièreConvention pour la Sixième République, fondée en 2001. Sa démonstration est aussi implacable que limpide, dont voici la synthèse : « Anachronique, elle l’est de par les conditions de sa naissance, quand la France était encore un empire colonial et méconnaissait la Communauté européenne. Elle a conservé la nécessité d’un homme fort à sa tête, reproduisant les traits du bonapartisme dans l’effondrement d’un régime d’assemblée. Et elle est aujourd’hui en complète rupture avec la société de la connaissance, de l’horizontalité des réseaux sociaux, de l’interactivité des groupes et des individus ; si bien que la figure du président devient improbable que ce soit dans son hystérisation ou sa banalisation. Exotique, elle l’est tout autant puisque la France est le seul régime en Europe et au-delà à pratiquer un tel présidentialisme où “l’absence de morale, le climat de complaisance ou de complicité, de résignation est au principe de ce régime où les institutions sont confisquées par un souverain unipersonnel et sa bureaucratie” (Pierre Mendès France, 1974). Adémocratique, elle le reste tellement elle repose sur l’irresponsabilité générale, politique et pénale d’un chef de l’État qui gouverne sans avoir à rendre des comptes et qui contamine ainsi tous les niveaux jusqu’à la périphérie, celle des exécutifs locaux. » Sur ce diagnostic d’une décadence de la Cinquième République et de l’exigence d’une République nouvelle, une majorité d’idées existe qui ne demande qu’à être convoquée et rassemblée. Aucune force politique n’est seule propriétaire de cette espérance qui traverse toutes les sensibilités républicaines et inspire nombre de programmes politiques. Du centre-droit à la gauche radicale, en passant par les socialistes et les écologistes, sans compter tout un peuple de citoyens sans affiliations particulières, l’attente est là, disponible et enthousiaste, au-delà des questions de numérotation ou de procédure. Pour conjurer la menace d’un nouveau 1958 et, surtout, relever notre pays, créer la confiance et dépasser ses divisions, le sortir de sa torpeur et de ses doutes, il n’y a qu’une seule voie, celle d’un sursaut démocratique, c’est-à-dire d’une réappropriation collective et égalitaire de notre destin commun, de son invention et de son enchantement. L'audace démocratique, clé d'une confiance retrouvéeL’autre chemin, celui du présidentialisme maintenu et prolongé, ne peut être que de perdition, où les idéaux seront égarés et les électeurs trompés tandis que le peuple sera toujours dépossédé. François Hollande, hélas, l’emprunte de plus en plus, imposant sa loi bonapartiste à sa majorité électorale et assumant une politique à la première personne du singulier. Ce faisant, tout comme François Mitterrand, oublieux de son Coup d’État permanent une fois installé à l’Élysée, il se contredit lui-même. Le 3 mars 2012, dans un discours prononcé à Dijon, le candidat socialiste qu’il était alors n’avait pas seulement évoqué une présidence normale, mais une« République nouvelle », mettant fin à « l’omniprésidence », ce« régime d’un seul qui prétend pouvoir décider de tout, sur tout, partout ». « L’omnipotence conduit à l’impuissance », insistait-il, promettant que « de nouveaux droits seront reconnus au Parlement pour contrôler le gouvernement, enquêter sur les dysfonctionnements de l’administration, engager de grands débats ». Le programme était encore bien loin d’une véritable renaissance démocratique de la République mais, aussi minime soit-il, l’affaire Cahuzac, du mensonge à la vérité, nous a prouvé qu’il ne pouvait être tenu dans ce système là, sous cette République présidentialiste. De bout en bout, le président de la République, et lui seul, en a détenu la clé : il a d’abord sauvé le ministre du budget en lui maintenant sa confiance, malgré l’évidence des faits, avant de le contraindre à démissionner, sous la contrainte de l’événement; puis il a lui-même, et lui seul, dans une mise en scène inhabituelle au sortir des conseils des ministres, fixé l’ordre du jour d’une sortie de crise aux allures de calfeutrage et colmatage, plus pressé d’éteindre l’incendie que d’en comprendre l’origine. Il y a cent dix ans, en juillet 1903, dans son fameux Discours à la jeunesse du lycée d’Albi, prononcé à même distance temporelle de la Révolution fondatrice que nous le sommes de ses paroles, Jean Jaurès définissait la République comme « un grand acte de confiance et un grand acte d’audace ». « L’invention, ajoutait-il,en était si audacieuse, si paradoxale, que même les hommes hardis qui, il y a cent dix ans, ont révolutionné le monde, en écartèrent d’abord l’idée. » Nous voici au pied du même mur, sous l’effet de souffle de la vérité : inventer ou renoncer, oser ou trahir. Nous avons besoin d’une République nouvelle, et elle suppose cette alliance de la confiance et de l’audace. Si, en à peine un an, le nouveau pouvoir issu du légitime refus du sarkozysme est plongé en pleine défiance, c’est qu’en lieu et place de l’audace nécessaire, nous n’avons connu que la prudence, que le calcul, que la précaution, que l’attentisme – ce que l’affaire Cahuzac a illustré jusqu’à la caricature. Dans nos temps troublés et incertains, l’audace est au contraire gage de confiance quand la prudence sème le trouble. Dans le même discours, Jaurès, qui refusait ce faux courage de la violence exacerbée en quête de boucs émissaires, faisait l’éloge du vrai courage, celui de la ténacité et de la fidélité, du chemin que l’on trace tous ensemble, dans le souci du monde et des autres, dans la conformité des actes aux paroles, dans la recherche d’une élévation vers l’idéal plutôt que d’un arrangement avec l’habitude. « Le courage, disait-il, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ; c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelles récompenses réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense. Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains, aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. » Puissent tous nos concitoyens et ceux qui les représentent avoir aujourd’hui ce courage-là, et saisir l’occasion offerte par les révélations de Mediapart pour, enfin, refonder la République et la rendre à son seul souverain, le peuple.
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