Bonjour !
Je suis Tof, de Portez-vous bien
cie! 18 Aurillac(s) au compteur. Participé au premier (?) lieu
collectif d'Eclat avec Tapis Franc, Les Chercheurs d'Air, les Deux
Pas Sages, la Salamandre, Okupa Mobil, les Mange Cailloux, Chantier
Mobil, Gino Rayazzone, Paulo Anarkao... nombre d'autres suivront.
Bref, Pas encore un dinosaure, mais déjà un vieux con.
C'était un chouette lieu en bord de
Jordanne. Ne cherchez pas la pastille, maintenant c'est un parking
tout moche.
Je n'étais cette année à Aurillac
ni avec le Propre de l'Homme, ni avec Parlons Cash !, ni avec Vente
Aggravée, ni Captain Zed (voilà pour la pub). Je ne ferai pas le
déplacement les années suivantes.
Mes raisons:
J'avoue que mes spectacles ne sont pas
assez bons pour retenir l'attention d'une personne qui en aura vu
déjà quatre à cinq avant le mien dans la journée (et je ne vous
parle pas des 3 et 4eme jour...); et sans doute trop médiocres pour
être jugés recevables par les acheteurs qui les jaugent en 3 à 8'
(les pauvres!).
Et puis pour mon travail, ça n'en
vaut plus la peine. Un seul exemple: Lors de mon ultime passage, "Le
Propre de l'Homme" reçoit sur quatre jours deux standings
ovations et 0 contacts dans un lieu plutôt pas trop excentré, et
prend 21 options en deux représentations un lundi la semaine
suivante au Grand Bornand (Festival au Bonheur des Mômes).
Par orgueil. Combien coûte l'aventure
? Vous avez fait vos propres additions. J'ajoute que ça me fait mal
aux fesses d'acheter le programme, de payer pour être dans le
catalogue (une page par spectacle obligatoire !), et de me faire
entuber par les CEMEA.
Par avarice: difficile de déclarer
toutes les heures de mon équipe et les droits qui vont avec.
Par envie... de transparence. Je
regrette l'omerta sur les budgets, les cachets, les salaires les
frais de bouche et de réception, ça me rappelle trop la Vème.
Par colère: Si vous divisez la jauge
par la manche, vous obtenez une moyenne de 20 à 30 c d'euros par
spectateur. Le festivalier qui a vu trois spectacles dans la journée
aura dépensé moins de 1 euro pour les artistes... et combien en
aligot, bière, camping, essence, fariboles au "marché
artisanal", drogue, etc ?... Pas envie d'engraisser à mes
dépends les commerçants UMP du centre ville (en tout cas pas ceux
d'Aurillac).
Par luxure. Les filles sont moins
couvertes quand il fait beau et chaud que sous une pluie glacée...
et puis on emballe pas fort quand le plan se termine sous une tente
mouillée, un camion crado ou une chambre de foyer Cemecotra.
Par gourmandise: J'aime manger du
frais... même après le 2 ème jour de festivités !
Par paresse: Pas envie d'arriver deux
jours (trois) avant l'ouverture dans l'angoisse de trouver une place
pour mes affiches.
Parce que je n'aime ni les grand
messes, ni les papes, les cardinaux, les dogmes et l'appareil
liturgique.
Par panache. Dénigrer le saint des
saints est véritablement contre productif commercialement.
Par amour pour Eclat. Je me dis que si
un max de cies trouvent le moyen de ne plus y être, peut-être que
le festoche retrouvera un semblant de convivialité.
Par jalousie. C'est connu, la cie la
mieux payée du festival, en IN à chaque édition, c'est la Cie des
CRS.
Par amitié pour les copains. Fatigué
du choix cornélien de chaque soirée: dois-je prendre le temps de
profiter d'un ami que je n'ai pas vu depuis longtemps et rater tous
les autres; ou bien passer un bref moment superficiel avec chacun le
temps de lui imposer la couleur de mon succès et nourrir mon buzz ?
Par respect pour les acheteurs de
spectacle. Pas le goût de chasser le pro pour lui fourguer l'envie
de se déplacer jusqu'à ma pastille en moins de 3'. Pas la force de
faire semblant de croire à son enthousiasme fatigué.
Par respect pour les saltimbanques.
Vous savez, cette espèce en voie de disparition qui gagne sa vie à
la manche, subit le mépris de notre profession et ne trouve plus
d'espace pour se produire entre nos parades calibrées et nos
déambulations tractales.
Par respect pour mon travail: lassé
de jouer dans des conditions détestables si je n'ai pas tout misé
sur une cour.
Par respect de ma parole: A quoi bon
se rendre sur place pour participer au chœur des critiques les plus
avisés de notre hôte ?
Par esthétique: les rues couvertes
d'affiches, les sols de tracts, ça m’écœure. Ca va au contraire
des valeurs que je défends dans mes créations.
Par citoyenneté. Assumer l'accueil
qui est fait aux authentiques oua-ouaches, la réponse policière, et
la figure que prend la rue cette semaine là, bof.
Par équité. J'ai tenté avec un
collectif une fois de puiser dans le chapeau des cies pour payer au
service de tous un technicien, une chargée de diff, le logement et
une bouffe décente pour nos bénévoles; en bref tous ceux qui
n'avaient rien à vendre pendant le festoche. J'ai dû affronter
l'ire d'une bonne partie de mes collègues (heureusement pas tous).
Cette année ça nous a fait un peu de pub, nous étions "la
cour des enculés", "Scandale: les artistes doivent payer
pour jouer" lisait-on... c'est bien ce qu'on fait tous là-bas,
non ? C'est le sens du partage de la recette qui m'échappe.
Par sécurité. Impossible pour moi de
signer une décharge de responsabilité quand l'équipement du site
par les services techniques débordés est défectueux.
Par manque de courage: dur d'affronter
l'amertume générale si jamais on rentre bredouilles.
Par renoncement. J'ai tenté sur place
de participer aux débats, de monter d'autres façons de vivre ce
festoche et me suis épuisé sans résultat.
Par ennui. Il est fini le temps où
l'on se retrouvait avec quelques cies pour inventer une grosse
connerie d'un soir, un bon gros bordel show à l'arrache, à oser
dans la rue ou au bar à champagne. Plus personne ne veut risquer
d'être ridicule alors qu'il a un spectacle -souvent comique- à
promouvoir sérieusement.
Par manque de goût pour les arnaques
foraines. La champagne est amer quand je le paie -cher- deux fois.
Une fois par la présence de ma cie qui sert la notoriété du
festival et une seconde avec ma manche quand elle s'assèche au bar
où il faut être pour tenter de se saoûler avec un gros poisson pas
frais.
Par dégoût. Je n'aime ni les férias,
ni l'odeur de la pisse mêlée à celle de la friture et du vomi.
Par égoïsme. Elles sont magnifiques
ces cours collectives. Pourquoi les offrir à Eclat plutôt
qu'ailleurs ? Moi je préfère ailleurs, d'autant qu'il y a des tas
de chouettes ailleurs plus près de chez moi.
Surtout, parce que je n'en ai pas
besoin, car comme nombre de cies je vis très bien de mon travail
sans passer par la case supermarché.
Et enfin: Par manque de temps ! J'ai
trouvé bien mieux à faire à la même période.
Je vous raconte ça dans une prochaine
bafouille...
En attendant, cordiales salutations !
Tof