On s'est dit : « Aurillac, il y a trop d'artistes. 600 compagnies dans le Off... une de plus, une de moins, ça vaut pas la peine. »
Alors on a décidé d'arrêter.
De toutes façons, y a plus d'argent dans la culture.
Du coup, on est passé de l'autre côté. On arrête d'être artiste, on a décidé de devenir Subventionneurs. Ça au moins, ça sert à quelque chose.
Donc on s'est auto-proclamés Subventionneurs.
Mais comme on a pas pu s'auto-proclamer plein d'argent, on a dû créer la première subvention d'origine et d'initiative populaire et citoyenne.
On est allé voir les compagnies de passage avec notre caisse enregistreuse jaune Playdo.
En se présentant, on disait :
« Bonjour, on est subventionneurs, est-ce que ça vous intéresse une subvention ? »
(Ça, c'est une manière d'interpeller les gens... En général, ça marche bien.)
Et puis on expliquait pourquoi on faisait ça. Les 600 compagnies du Off, l'argent dans la culture, que comme on avait pas d'argent on avait décidé de faire un truc vieux comme le monde.
À ce moment là, on sortait nos carnet de facturation en disant qu'on espérait que tout le monde allait gagner (bide), et que c'était la première subvention qu'ils allaient recevoir dans un colis, intégralement en pièce de 1 €, 2 €, et 50 centimes.
Le truc vieux comme le monde, on appelle ça une Tombola.
L'idée c'était de vendre des billets de Tombola à prix libre, que tout l'argent que les compagnies voulait bien donner, on en faisait une cagnotte, et qu'à la fin du festival, on allait tirer au sort une des compagnies qui avait pris un billet, et que la compagnie qui gagnait, elle gagnait toute la cagnotte.
Bref, une Tombola-Subvention. Quand on veut faire snob devant les officiels, on appelle aussi ça un système économique contributif sans intermédiaire entre les artistes et le public...
Parce qu'on disait aussi : « Dans la mesure où on se sent pas capable, en tant que subventionneurs, de choisir une compagnie pertinente sur le plan artistique, et de toutes façons, on se demande bien qui pourrait bien être capable de ça ; dans la mesure où la sélection, c'est toujours la sélection du meilleurs, (quels que soient les critères d'ailleurs), on se dit que le hasard fait bien les choses, que pour une fois, c'est le pire qui va gagner ! »
Et puis c'est toujours vertical une subvention d'habitude, y a des gens qui décident ce que l'argent d'autres gens va devenir. Là, on voulait que ça puisse rester horizontal, sans intermédiaire entre les contributeurs et la compagnie qui allait être subventionnée.
Et en plus, pour être sûr qu'il n'y ait pas d'intermédiaire (nous par exemple...), on a prit notre ticket nous aussi !!
Les gens ils nous ont dit (certains) : « J'espère que vous allez au moins partir avec la caisse !».
D'autres : « Qu'est ce qui nous garanti que vous allez pas partir avec la caisse ?».
C'est vrai qu'on avait une caisse enregistreuse Playdo jaune... C'est pas franchement un gage de confiance...
Il y a quelques fougueux qui ont quand même joué.
On a passé 3 jours à vendre des tickets.
On demandait aussi aux compagnies de nous mettre un commentaire sur chacun des billets : « Pour moi, une subvention, c'est... »
On a récolté 104 commentaires, 117 compagnies ont participé à la Première Subvention d'Origine et d'Initiative Populaire et Citoyenne. On a récolté une somme colossale, 277 € et 66 centimes, une subvention qui pèse 1 kilo 200 ; à ce jour, la plus lourde du paysage de l'Art en Espace Public.
On en est très très fiers.
On a fait le tirage au sort, comme il se doit, après le pot des compagnies de passage, en public. En l'absence d'huissier de justice assermenté, une main innocente, trouvée parmi les rares passants égarés de cette dernière matinée du festival, s'est plongée au milieu des 117 boulettes de papier griffonnées et chiffonnées et en a extrait une. (Enfin 2, puisqu'elle s'est ravisée une première fois.)
Nous on aurait bien aimé que tout le monde gagne (bide).
Cependant, 2 mois après l'évènement, la compagnie « » (ça s'écrit comme ça se prononce) a l'honneur d'annoncer officiellement l'aléatoire victoire de la compagnie Albatros (de Lyon).
« Miroir aux alouettes, mais on est pas non plus des pigeons. »
On espère qu'ils nous enverront une carte postale.
Dans le prochain épisode de la tombola-subvention, vous verrez comment nous n'avons pas réussit à partir avec la caisse. : « - 1% culture, la remise du prix. »
En guise de lot de consolation, la compagnie « » a la joie de vous offrir les 104 aphorismes de la Subvention récoltés grâce à vous.
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