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Re: [rue] Elodie


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  • From: Philippe < >
  • To: Chtou < >, Liste Rue < >
  • Subject: Re: [rue] Elodie
  • Date: Wed, 20 Nov 2013 10:01:06 +0100

Ta dernière phrase, à la lecture de ce que tu dépeins d'elle est carrément mortelle…

Putain, moi ce que je lis c'est que vous les Artistes-Divas, vous l'avez carrément pompée sans même vous en rendre compte et en plus c'est elle qui a tort.
Alors oui, ce métier demande des compétences, du cran, du network, etc, mais alors si vous n'étiez pas satisfaits fallait simplement changer de personne et pas lui foutre la pression.
Qui peut vraiment bosser sous la pression émotionnelle ? Personne.
Tout poste dans une équipe est un partenaire.
Quel manque de respect je lis dans cette histoire!

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Philippe Rives
BK Compagnie




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Elodie était la meilleure chose qui puisse nous arriver.
Notre "compagnie" s'il faut appeler cela comme ça, avait trois ans déjà, et nous décollions à peine.
Nous étions tous les quatre potes depuis bien longtemps, mais il nous avait fallu passer de la bouine au travail, apprendre la jongle pour Matt, que Bruno se sente enfin à l'aise dans le rôle du présentateur, et que Marco et moi bossions le main à main. On y croyait à peine au début, mais on a vu de telles merdes dans des festivals, qu'on s'est dit qu'on en était capables.
On a monté le spectacle, honnêtement rien de franchement nouveau, mais on a eu de vrais succès publics dès la première année.
On avait la patate, la fraîcheur, on en voulait. On en valait bien d'autres.
La deuxième année on s'est mis sérieusement au boulot, avec l'espoir noué au corps. 
Bruno et Marco ont lâché la fac, Matt et moi on a commencé à vivre en caravane sur le terrain d'un cirque de potes. On bossait tous les jours ensemble. Pure période. 
Le spectacle a vachement progressé, l'été on a manché, eu une dizaine de dates payées, et ça c'est presque toujours très bien passé.
Et puis la troisième année était là, et notre tournée était la même que l'année passée: quelques dates, de la manche quand il fait beau... c'était rarement le cas. 
On n'était toujours pas intermittent. Et tout le monde était en bonne galère de thunes.

C'était comme si on avait loupé une marche. 
La motivation commençait à descendre en flèche. Nos espoirs fous nous semblaient enfantins, on commençait à douter.
Et on a trouvé notre chargée de diff: Elodie.

Elle était jeune, éligible aux emplois aidés, sortait de la fac d'art et spectacles, maîtrisait l'informatique, savait faire la compta, les subs, tout en fait.
Bien sûr elle n'avait pas d'expérience, mais elle avait fait plusieurs Aurillac, elle avait un petit réseau, et surtout elle avait la motivation.
Si on lui faisait confiance, elle allait apprendre, et se donner à fond.
Elle a fait ses preuves dès le début en réunissant une dizaine de compagnies émergentes du coin.
Personne ne tournait vraiment là-dedans, personne n'avait de quoi se payer une chargée de diff.
Alors quand elle a proposé de mutualiser son salaire, avec un pourcentage sur les dates qu'elle nous obtiendrait, on a tous foncé!

Elle s'est trouvé un tout petit bureau dans une friche. L'avantage c'est qu'il y avait du monde autour. Le désavantage, c'est que c'était un peu tous des freaks...
L'été c'était beau avec les tags, les vieilles carlos pourries et les barbecues urbains, mais l'hiver t'avais peur de marcher sur une seringue.
Et puis ça caillait grave. Son radiateur électrique (une antiquité qui faisait régulièrement sauter le jus) collé à ses jambes, elle avait froid.
On a commencé à tourner plus, comme presque tout le monde. Presque.
Du coup, avec ceux qui ne tournaient pas, c'était chaud pour elle. Surtout l'une des compagnies, avec un sacré connard dedans, qui lui mettait la pression grave.
Il y a eu quelques engueulades sévères, où il la traitait de tous les noms. Elle a même chialé dans le bureau une fois...

Elle bossait d'arrache-pied. Les dates suffisaient pas, alors elle a décidé de faire la compta mutualisée pour les compagnies, pour un petit pourcentage en plus.
Nous on était en tournée, on ne se rendait pas trop compte, et on trouvait ça normal de lui signaler quand on avait trouvé l'accueil limite. 
On lui demandait un jour de négocier mieux les hébergements, un autre d'insister pour qu'on soit programmé en soirée, rien de méchant.
Mais on était dix compagnies à le faire, c'est sur.
On a fait une fête pour sa première année de taf. C'est là que j'ai senti que les gens étaient globalement plutôt insatisfaits.
C'est normal, les artistes trouvent toujours qu'ils ne tournent pas assez... et la chargée de diff, ben c'est son boulot, à elle, de les faire tourner.

Sa deuxième année elle travaillait à corps perdu. Un truc de dingue. Tout le monde la félicitait d'être autant bosseuse, et plaisantait en lui disant qu'elle devrait s'aérer un peu.
Il fallait qu'elle pérennise son poste avant la fin des aides. C'était pas gagné, visiblement. Elle s'est mise à la production.
Elle montait les dossiers de subs, pour compléter les financements. Elle devenait grise. Toujours pas de mec. Mais des heures de taf à n'en plus finir.
On trouvait ça normal, ç'était sa nature.
Elle était devenue carrément indispensable. Elle avait tous les fichiers, tous les papiers administratifs, elle portait toutes les compagnies à bout de bras.
Dès que je pouvais je la félicitais mais elle répondait toujours en riant jaune, en disant que c'était quand même une grosse galère tout ce boulot.
Des compagnies ont splitté, en le lui reprochant amèrement.
L'hiver est arrivé, elle se faisait piller son sucre dans ce bureau gelé par d'autres bureaux de la friche, ça la rendait folle, et ça se passait hyper mal avec une compagnie, celle du connard de service.
Un jour de prise de tête, il lui a craché que quand on n'avait pas de talent, c'était normal qu'on s'occupe de la merde des autres.
Ca l'a fait basculer.

Elle n'arrêtait plus de pleurer, elle a craqué, tout lâché du jour au lendemain.
Elle n'avait rien, pas de passion, pas de petit copain, pas d'amis proches, plus de thunes, elle était épuisée, désespérée, sa vie était une impasse.
Plus de réponse au portable, juste un message disant qu'elle était en arrêt pour raisons médicales.

Toutes les compagnies ont plongé. Plus de compta, plus de tournée, plus personne pour l'administratif, plus d'existence légale, plus rien.
Les compagnies n'existaient plus sans elle.
Pour beaucoup d'entre nous ça a signé un arrêt de mort, par dégâts collatéraux.
Nous, on s'est retrouvé dans une merde noire.
On a perdu nos statuts, avec une tournée d'été ridicule, on a essayé de sauver les meubles à la manche, mais le spectacle n'était plus fait pour cela...
Matt a lâché pour un taf normal. 
On a hésité pour une reprise, mais c'est compliqué.
On a du abandonner le spectacle, et speeder pour en créer un nouveau à trois.
Mais à trois, c'est plus comme avant...

Aujourd'hui, je ne sais pas ce qu'Elodie est devenue.

Mais je sais qu'elle était la pire chose qui puisse nous arriver. 






















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