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Re: [rue] Fwd: pas très con vaincu


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  • From: Thierry Decocq < >
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  • Subject: Re: [rue] Fwd: pas très con vaincu
  • Date: Mon, 23 Dec 2013 10:56:48 +0100

Salut à tous,

J'ai souvent entendu ce parallèle entre l'existence d'un ministère de la culture en France et celui qui existait dans les régimes totalitaires. C'est un raccourci facile et qui n'est pas totalement désintéressé.

Je rappelle que le ministère que nous connaissons aujourd'hui n'est pas né sous la 4è (et non, ce n'est pas 1954 - je ne sais pas d'où vient cette référence) mais en 1959 sous la férule de de Gaulle et grâce à l'influence de Malraux qui a apporté ce projet au général et fut le premier à exercer la fonction.

Il s'agissait de réunir des compétences dispersées qui existaient déjà au sein du ministère de l'instruction publique qui exerçait sa tutelle sur les beaux arts. Il fallait avant tout réveiller tout cela et tenir compte de l'importance grandissante de l'art et de la culture dans le pays, tant dans sa diversité que dans son développement (on ne connaissait pas la crise à l'époque). Il s'agissait aussi, on l'a oublié, de penser le développement culturel et du patrimoine n terme d'aménagement du territoire dans un pays bien plus morcelé qu'il ne l'est aujourd'hui (n'en déplaise aux bonnets de toutes les couleurs).

Je sais bien qu'une bonne partie de la gauche de l'époque considérait de Gaulle comme un fasciste (mais pourquoi voudriez-vous qu'à 67 ans il entama une carrière de dictateur?). Quant à Malraux, relisez la condition humaine ou l'espoir pour juger de ses penchants fascistes!

J'ajoute que la première tentative (avortée) de création d'un tel ministère date de Léon Blum et du front populaire. En le sachant, Morano s'insurgerait sans doute que le ministère émane du bolchévisme (si elle connait ce mot), elle doit être à peu près la seule (je suis prudent, elle a quelques copains).

Bref, les raccourcis facile nous font oublier l'Histoire, et cela arrange ceux qui veulent nous plonger dans l'univers orwellien que nous connaissons aujourd'hui.

Sans le travail de Malraux, il est probable que notre liste n'existerait pas parce qu'une bonne partie des acteurs culturels actuels n'auraient pas vu le jour. Sans le travail de Lang, la Culture serait sans doute réservée à une élite parisienne (même si Jack Lang contribua largement à la boboisation de la France).

On peut faire de nombreuses critiques au ministère et à ses déclinaisons en région que sont les DRAC, mais pas celle d'instaurer un fonctionnement fasciste de la société (ou alors par dépit si un de vos projet a été rejeté, ça peut alors se comprendre). Quant à reprocher la mainmise sur le financement de la culture, je vous rappelle que nous évoluons dans un pays largement décentralisé, où les compétences de financement public vont des collectivités locales à l'UE voir l'UNESCO. Et le financement public ne couvre qu'une partie de la question de l'économie du spectacle vivant en France.

Cette question est posée an filigrane derrière la question sociale de l'intermittence (relisez les 2 derniers rapports de la cour des comptes si vous en doutez).

Je n'ai jamais vu les financements publics comme infamant ni compromettant. Nous devrions, alors que les compagnies de Rue se produisent le plus souvent en espace public ouvert et sans billetterie y être particulièrement sensibles, les financements publics ne sont que la contrepartie naturelle d'une mission d'intérêt général que nous portons dans l'_expression_ artistique (la campagne l'Art est Public n'est pourtant pas si lointaine). Rien d'une aumône ou d'un asservissement, sauf si vous l'abordez comme tel.

 J'ai toujours tenu ce raisonnement, il est vrai que je fus rarement subventionné ;)

Bref, il ne faut pas réécrire l'histoire à l'aune de notre société actuelle. Cette Histoire est bien trop mal enseignée (est-ce un hasard) alors qu'elle est le fondement de nos droits. Soyons critique face au ministère comme face à toute institution, mais sachons aussi en reconnaître l'utilité, sinon nos critiques sont démagogiques et inutiles. Je prendrais le contrepied de Beaumarchais: sans liberté d'approuver, il n'est point de critique pertinente.

@+

Thierry









Le 23/12/13 02:26, monsieursos . a écrit :

Bonsoir,
sans prendre part ouvertement aux ébats sur le franco-fachisme,
 je voulais citer un truc qui me trotte dans la tête depuis le début de ce fil de discussion :

"un « ministère de la Culture » en 1954 (en France), c’'est
très-très culotté ! Parce qu'’il n'’y a eu, à ce moment de l’'Histoire, que
trois ministères de la culture dans le monde. Un chez Hitler, un chez
Mussolini et un chez Staline. Pour une raison assez simple à
comprendre : c’'est que la notion même de ministère de la culture est
totalement incompatible avec l’idée de démocratie.
Je ne vous parle pas d’'un secrétariat d'’Etat aux Beaux arts, qui
pensionne des artistes officiels comme c'’est le cas aujourd'’hui ! Je ne
vous parle pas de ça. Je vous parle d’'un vrai « Ministère de la Culture ».

Parce qu'’un Ministère de la Culture, cela veut dire que l'’état dit le sens
de la société… et ça, c'’est la définition du fascisme.
Mais eux se disent qu'’il doit y avoir moyen d'’avoir un ministère de la
culture démocratique. Ce sera forcément un ministère qui va travailler la
question démocratique en permanence. Ce serait un ministère de
l’'éducation populaire…..."

Croire que la culture est financée exclusivement avec de l'argent public, c'est rendre les armes.
Croire que ce sont les professionnels de la Culture qui font la Culture. C'est participer à l'effacement de l'intégralité des pratiques artistiques de la population. "Et c'est bien pour ça que l'Art fait l'objet d'un ministère".
Croire que l'autorité est dépositaire de la culture, c'est continuer d'accepter une suggestion puissante qu'on nous a fait gober depuis qu'on est gosses.
Il y a ceux que ça arrange.
Il y a les autres.
Faire croire que la Culture est un mot singulier, c'est une entreprise à laquelle s'applique l'État depuis un demi siècle.
Il y a les cultures, nom commun, pluriel. Financées par les populations, par leur pratiques collectives et individuelles, par leur argent (mais d'où il vient l'argent public ???), leur temps, leur énergie et leur regard.

(Allez, Olé ! un fable et au lit.)


 Jean de la fontaine : les cultures et la culture.


Un Loup n'avait que les os et la peau,
Tant les chiens faisaient bonne garde.
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde.
L'attaquer, le mettre en quartiers,
Sire Loup l'eût fait volontiers ;
Mais il fallait livrer bataille,
Et le Mâtin était de taille
A se défendre hardiment.
Le Loup donc l'aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu'il admire.
"Il ne tiendra qu'à vous beau sire,
D'être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, haires, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? rien d'assuré : point de franche lippée :
Tout à la pointe de l'épée.
Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. "
Le Loup reprit : "Que me faudra-t-il faire ?
- Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens
Portants bâtons, et mendiants ;
Flatter ceux du logis, à son Maître complaire :
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons :
Os de poulets, os de pigeons,
Sans parler de mainte caresse. "
Le Loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé.
"Qu'est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi ? rien ? - Peu de chose.
- Mais encor ? - Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
- Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? - Pas toujours ; mais qu'importe ?
- Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. "
Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encor.







Solen Briand
 Auteur de cirque et organe (d'un) des sens
06.73.62.11.76.
Cie Monsieur Solen
Cie " " 
Cie des Sens Indisciples
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