| Tu as du mal me lire, ou trop vite, mon cher Jack. Mais devant ce qui s'apparente à un "argumentum ad hominem", j'hésite entre plusieurs réponses.
La première, comme dans Adibou: Ce n'est pas ça, essaie encore!
La seconde: Halte au Troll!
Cependant, la liste rue n'étant pas un endroit où l'on s'accapare le dialogue à deux, mais un espace d'échange, heureux de quelques 1500 inscrits, je me fends d'une troisième réponse, pour qu'il n'y ait aucun doute quant à mes propos:
Je n'ai pas à me prononcer pour ou contre une décision de justice. En revanche, je suis choqué par l'interdiction prononcée par le Conseil d'État, et la façon dont elle a été mise en œuvre (je viens de poster un lien vers l'article de Mediapart qui présente la position de différents juristes, position que je partage). Je suis également atterré par le fait que, quand Dieudonné est poursuivi puis condamné pour ses propos, les éléments de ses spectacles, ses vidéos ou sa gestion (pour incitation à la haine raciale, pour apologie de crime de guerre, pour négationnisme, pour fraude fiscale... en fonction du délit), l'exécution desdites peines ne soient pas exécutées, à l'instar de ce que ressent l'éminent juriste et ancien garde des sceaux qu'est Robert Badinter: http://www.lexpress.fr/actualite/societe/dieudonne-robert-badinter-s-interroge-sur-l-utilite-des-condamnations_1312682.html
Ce ne serait pas de l'acharnement qui fabrique les martyres (et leur remplit les poches après ce gros coup de pub), mais l'application de la loi, qui seule nous permet de vivre ensemble.
Toutefois, je suis également pour que les responsables de la Manif pour tous soient poursuivis et sanctionnés le cas échéant, pour avoir toléré dans leurs rangs les propos racistes contre Taubira, pour que Gaudin soit poursuivi et sanctionné le cas échéant, pour ses dérapages verbaux sur les Roms, pour que Hugues Foucault soit poursuivi et sanctionné le cas échéant pour ses dérapages sexistes à l'encontre de Najat Vallaud Belkacem... Et que les peines soient suivies d'effets.
Nous devrions tous être plus vigilants à dénoncer chaque délit raciste comme tel, et à présenter à leurs auteurs le miroir de leur abjection, comme nous y invite la loi.
Bien à touTEs, Nicolas Soloy
PS: Et Nicolas B. dit exactement la même chose que moi à travers son sketche. Ce qui me conforte dans la volonté de Jack Souvant de troller mon précédent message.
Le 13 janv. 2014 à 13:46, jack souvant a écrit : Salut Nico ,tu ne dis pas si tu es pour ou contre l'interdiction au final - voici ici un parti pris ! http://www.youtube.com/watch?v=kTAc4G5LHrM jack Le 13 janv. 2014 à 12:18, Nicolas SOLOY a écrit : Pas franchement convaincu par ce que vous mettez en lumière les gars. Entre flou gaussien pour l'un et certitudes pour l'autre, il me semble que vous mettez allègrement de côté plusieurs aspects non négligeables du problème, et vous m'embrouillez. Non pas qu'il y ait une réponse simple à cette situation complexe, mais il manque à mon goût un accent sur le support, la dimension juridique et l'Histoire, qui me paraissent les trois aspects les plus négligés par vos posts.
Ok, le racisme n'est pas une opinion, mais un délit. Et il y a des lois qui existent pour lutter contre, lois qui sont appliquées, ou non.
Vous le rappelez tous deux. Sauf que dès qu'on entre dans le domaine de l'art, les choses sont plus complexes - Dieudonné se revendique artiste et vend un spectacle. On ne compte plus le nombre de films ou de spectacles qui présentent des personnages racistes ("clowns niveau 1, 2, 3..."), sans que pour autant l'œuvre puisse être considérée comme faisant l'apologie du racisme. Cependant l'art dans nos pays, n'étant pas ouvertement un outil de propagande à la pensée dirigiste, l'œuvre présente une situation, des personnages, et c'est au spectateur de se forger une opinion. Exemple pour éclairer mon propos: dans "Le Dictateur", Chaplin nous montre les travers d'un personnage dangereux, parce que mégalomane et écouté. À aucun moment il ne nous dit: "Hitler c'est mal".
Côté histoire et concernant l'antisémitisme, le traumatisme de la Shoah est tel, que le moindre dérapage n'est pas tolérable. Souvenons-nous du "détail" de Le Pen.
Concernant les autres racismes, on a de grands progrès à faire:
- les arabes: la guerre d'Algérie, on a encore du mal à en parler; normal, des responsables sont encore vivants; il n'y a qu'à voir les discours récurrents sur les bienfaits de la civilisation que certains politiques aiment à tenir;
- les noirs: du discours de Grenoble de Sarkozy avec son "homme noir [qui] n'est pas encore entré dans l'histoire", à Hollande qui envoie l'armée française au Mali ou en Centrafrique, en passant par le commerce triangulaire dont quelques grandes familles conservent les richesses encore de nos jours (creusez du côté de Beghin Say); Valls a-t-il porté plainte pour défendre Taubira?
- les femmes: voyez la parité! Pareillement, Bigard est-il mis à l'amende quand il procède à "un lâcher de salopes"? Non car les hommes sont majoritaires aux postes de pouvoir
On trouverait hélas bien d'autres exemples où la marge de progressiojn est énorme.
Donc oui, il y a bien différence de traitement suivant les racismes. Dieudonné a raison sur ce point. Et c'est ce qui fait qu'il trouve écho auprès de son public. Mais ce deux poids deux mesure, est-il dû à un complot judéo-maçonnique? J'en doute. Il y a du chômage, c'est la faute à... Bonne question-mauvaise réponse... Ça me rappelle l'histoire du borgne qui dirigeait un parti...
Ensuite le support: Dieudonné utilise une partie de ses spectacles en tribune politique! Inadmisssible!
Mais quand Bedos traite Morano de salope et de conne, son spectacle est-il interdit? Non, Morano porte plainte contre ces propos, certes prononcés dans une perspective politique, mais surtout éminemment sexistes.
L'attitude de Valls est étrange, lui qui sort de son rôle de Ministre pour se poser en Chevalier Blanc, faisant de cette affaire une histoire personnelle, alors même que le spectacle de Dieudonné se joue depuis plusieurs semaines, alors même que ses propos contre les Roms ont été dénoncés par le Mrap (la plainte a été classée sans suite)... Et qu'est-ce qu'il entreprend pour interdire les vidéos de Dieudonné sur le net? Au final, l'acharnement d'un Ministre, quand c'est à la justice d'agir, la "soudaine découverte" du système de fraude fiscal de la famille M'Bala M'Bala (alors que le dossier sommeille étrangement depuis plusieurs années)... tout est mis en place pour faire de Dieudonné un martyre, alors qu'il n'est au mieux qu'un symptôme, "qu'un épicier de la haine", comme l'a écrit le Canard Enchaîné.
Ce qui est plus grave encore, c'est la jurisprudence créée par la décision du Conseil d'État. Et ça, désolé les Jacques, mais vous ne le soulignez pas assez. Demain, ce sera la presse écrite ou télévisée, les spectacles en salle ou en rue, les films, les livres, le dessin de presse, les arts plastiques... Tout ce qui fait appel à la satyre, à la caricature, à la provocation, tombera sous le coup de la loi. La restriction des libertés, diligentée de surcroît par un Ministre de l'Intérieur qui choisit ses racismes, est une chose dont on ne peut pas se réjouir.
La troisième voie?
Appliquer la loi à tous les débordements racistes. Pas simple, car c'est du coup par coup. Mais c'est ce qui est le plus juste. Cela nous renforce notre sentiment d'équité, notre conviction du bon fonctionnement de nos institutions. Comme quand on voit le type qui nous a doublé à 180km/h en nous faisant une queue de poisson, arrêté au péage par les flics.
Judiciarisation de la société? Oui, c'est l'écueil. Sauf que parallèlement, il est impératif de financer la culture et l'éducation à leur juste valeur (et non pas de baisser les crédits comme c'est le cas aujourd'hui), car plus que la lutte contre le chômage, à mon sens, c'est la culture et la connaissance qui permettent d'aller à la rencontre de l'autre, de l'accepter dans ses différences, de dépasser nos peurs et de dissoudre les racismes
La tolérance se conquiert chaque jour.
Au boulot! (j'y retourne)
Bien à touTEs,
Nicolas Soloy
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