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Re: [rue] Foutu griot


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  • From: Fanfan < >
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  • Subject: Re: [rue] Foutu griot
  • Date: Wed, 26 Mar 2014 23:53:55 +0100

moi , je confirme  l'hubert, il a bien fait  de t'engueuler!!!



Le 26/03/2014 10:42, Chtou a écrit :
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Même perdu au fin fond des Cévennes, l'ombre du monde peut vous assombrir la journée.

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Trois ans que j'arrachais le statut en découpant les cachets en répètes, en faisant de la presta technique sur les rares fêtes du coin, et la situation ne promettait pas de s'arranger.
Avec la mairie qui passe au FN, les deux assos locales qui se bougeaient, et m'employaient, avaient de gros soucis à se faire sur leurs subventions.
Je ruminais dans ma bagnole en enfilant les lacets qui descendaient chez Hubert, un ancien de la rue, en retraite dans les bois.
Je l'aperçus par ma vitre ouverte, et coincée, qui préparait son potager au moment où la route dominait le mas qu'il avait patiemment retapé.
J'adorais ce lieu incroyable, un havre de convivialité et de folie créatrice.
A son époque, on pouvait encore acheter autant de bâtiments perdus, et pour une bouchée de pain.
Je me garais dans un nuage de poussière sur la terrasse. Dissimulé derrière un muret empierré, le ruisseau avait le privilège de chanter en tête à tête avec les oiseaux.
Hubert avait déjà servi l'apéro sur la vieille table en fer forgé.

Je m'épanchais donc dans une grande tirade salvatrice de rogne et de désespoir, et Hubert, d'habitude si loquace, me laissait parler avec un air sombre.
Je maudissais les fachos qui votent FN lorsqu'il me coupa soudain, pris d'une colère tremblotante.
"Ferme ta gueule, petit con!!"
Je restais bouche bée. Il ne blaguait pas. Il était vraiment hors de lui.
"Ce sont les petits branleurs comme toi qui m'énervent, moi, pas les fachos!" annona-t-il en me pointant d'un doigt courbe.
"Les types de droite, ils assument leurs idées, les gens qui votent FN, ils assument leurs idées, mais les socialistes comme toi, voilà les vrais TRAITRES! Tu viens te plaindre alors que le mal est fait, mais tu avais le choix, non? Et pourquoi tu n'as pas voté à gauche, hein?!!"
"Mais... j'ai voté à gauche!..." protestais-je
"Non, à GAUCHE!!!" rugit-il.
Ses sourcils abondants semblaient s'être hérissés tout comme les poils qui surgissaient de ses oreilles flétries, et ses yeux me dardaient.

"Hollande on l'a vu venir aussi GROS qu'on a vu venir Sarko, tu ne vas pas me dire le contraire?!! Tu ne vas pas me dire que depuis 81, on ne sait pas que les socialistes ne sont plus de gauche?!!! Tu tombe des nues ou tu fais l'autruche?!!"
Je reprenais un peu de contenance en élevant la voix, prêt à ferrailler avec lui. Hubert était une sorte de croisement entre Tartare et Jean-Raymond Jacob, il vous clouait sur place sans pitié avec son expérience et sa tchache dès que vous le laissiez dominer le sujet.
"Haaa oui je te vois venir!" ironisais-je. "Tu voulais que je vote Mélenchon, l'autre excité!!".
Il se figea soudain.
"Je ne te parle pas d'un homme. Je m'en fous des hommes, de tous ces malades de l'égo, peu importe lequel. 
Je te parle d'un programme. Je te parle des idées. Les idées. Il n'y a qu'elles qui changent le monde." 
Sa voix devint sourde comme une menace.
"Je te parle salaire minimum, buen-vivir, je te parle échelle de 1 à 20 des revenus, je te parle Hénin Beaumont, écosocialisme, évasion fiscale, taxation des transactions financières, je te parle de la Gauche, petit con."
Il se rassit et se tut, les yeux ternes.
Je m'étranglais.
"Oui mais bon y'a un moment, il faut être réaliste putain, ils ne seront jamais au pouvoir alors ouais j'assume, j'ai voté utile..."
Au moment où je le lâchais, je saisissais la profondeur de ma connerie. 
Hubert ramena sa canne sous son menton, et me sourit calmement avec un air de défi.
"Le problème avec les branleurs de votre génération, c'est que vous auriez rêvé connaître 68, mais que vous n'avez même pas les couilles d'en rêver un autre."

Piqué au vif, je me levais, tournais les talons, et marchais d'un pas décidé vers la bagnole.
"Si tu abandonnes tes idées devant l'isoloir, ne t'étonne pas de ne pas les retrouver en sortant, couillon!!"
Je démarrais et manœuvrais. Dans mon rétro, Hubert s'était dressé, sa canne brandie des deux mains, il tonnait d'une voix forte:
"Aveugles, sourds et coupables, et ils se plaignent, et ils gémissent! Qui donnera la secousse? Quels coeurs battent assez forts pour le chambardement?!!
L'épouvantail ne reviendra jamais sous la lumière, trouillards, idiots!! La pire menace, ç'est Vous!! C'est vous, les assesseurs de notre damnation!! C'est VOUS!!!"
Tandis que j'enfilais les lacets, sa voix continuait de tonner, j'avais mis l'autoradio à fond pour ne plus l'entendre.
Panthera mettait des coups de pied dans les tweeters, et je serrais les dents, saisi d'une rage acérée.
Putain, fais chier!!
J'en ai plein le cul, d'être jeune...









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