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[rue] Précarité Belgique


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  • From: François Mary < >
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  • Subject: [rue] Précarité Belgique
  • Date: Tue, 22 Jul 2014 17:21:35 +0200

Appel du réseau belge contre les mesures anti-chômeurs qui vont entrer en
vigueur au 1er janvier 2015...

(le site de la campagne - http://www.stop632.be/)


Appel du Réseau STOP Art. 63§2

Nous, travailleurs hors et dans l’emploi, appelons à une campagne large et
unitaire en vue de l’abrogation immédiate de l’article 63 §2 avant le 1er
janvier 2015.

L’article 63§2, c’est quoi ?

L’article 63§2 limite dorénavant le bénéfice des allocations dites
d’insertion (anciennes allocations d’attente) à trois ans à partir de 30 ans
(sauf pour les "cohabitants non privilégiés" pour qui c'est 3 ans quel que
soit leur âge). Il a été décrété en décembre 2011 par le gouvernement Di
Rupo, et intégré à l’arrêté royal de 1991, qui légifère sur l’organisation
de l’ensemble du système chômage. En vertu de cet article, à partir du 1er
janvier 2015, des vagues successives de milliers de travailleurs hors emploi
arrivant en fin de droit seront exclus du système d’allocations de chômage.

Il s’agira majoritairement de femmes et de familles monoparentales (surtout
des mères avec enfants à charge), mais aussi de travailleurs à temps
partiel, intérimaires, artistes ou autres, qui n’auront pas eu la
possibilité d’accumuler suffisamment de « jours de travail » dans une
période donnée pour ouvrir leur droit aux allocations de chômage sur base de
leur emploi.

Un changement décisif

Cette mesure introduit un changement décisif dans la « politique
d’activation des chômeurs » telle qu’elle est menée en Belgique. En effet, à
l’obligation de chercher du travail, elle substitue désormais l’obligation
d’en trouver ! Rappelons qu’il y a aujourd’hui en Belgique près d’un million
de personnes totalement ou partiellement hors emploi pour 40 à 70 000 offres
d’emploi mensuelles !

Dans ce contexte, prétendre qu’affamer des individus va les pousser à
trouver un emploi qui existe fort peu relève de la perversité. Ils iront
simplement rejoindre les 15 % de pauvres que compte déjà la Belgique,
pourtant l’un des pays les plus riches de la planète (18ème mondial en
termes de PIB/habitant, 10ème en Europe, devant la France, l’Italie,
l’Angleterre et l’Allemagne).

Une absurdité budgétaire, économique et sociale

Et tout ça pour quoi ? Les économies que le gouvernement espère
(cyniquement) tirer de cette mesure sont dérisoires. 100 à 150 millions
d'euros...

Sans compter qu’elles seront, en partie, répercutées sur des CPAS déjà aux
abois, notamment dans les communes les plus pauvres, au risque de renforcer
les inégalités territoriales (sans parler des inégalités sociales) dans
notre pays et d’alimenter entre précaires une concurrence malsaine,
susceptible de faire le lit du racisme.

L’absurdité de cette mesure est aussi économique. Elle n’aura aucun effet
significatif sur le chômage puisqu’elle ne crée pas d’emploi. Bien au
contraire, elle produira un effondrement de la capacité des plus précarisés
d’entre nous à participer à l’économie belge, au seul profit à court terme
des employeurs et de leurs actionnaires.

À moyen-long terme, elle renforcera l’existence d’une société belge à
plusieurs vitesses, dont les « perdants » seront contraints de retourner
chez leurs parents ou de multiplier travail au noir, petite délinquance,
prostitution, mendicité avec en bout de course un délitement social, une
angoisse, et un isolement dont les familles les plus pauvres (et/ou les plus
récalcitrantes) subiront en priorité les effets.

Dès lors, il est fort à craindre que cette mesure stigmatise et désigne à la
vindicte populaire de la « Belgique qui se lève tôt » une frange importante
d’un salariat ainsi divisé qui gagnerait pourtant à resserrer les rangs. Le
terrain serait alors préparé pour un retour du triangle noir, épinglé sur le
torse des asociaux que seraient ces nouveaux « réfractaires » à l’emploi.


Une défaite politique pour l’ensemble des travailleurs

Mais ne nous y trompons pas, cette mesure constitue d’abord et avant tout
une défaite politique catastrophique pour l’ensemble des travailleurs. La
Belgique était le seul pays au monde à disposer d’un système d’allocations
de chômage illimitées dans le temps. Loin d’être une tare, il s’agissait
d’une conquête essentielle des luttes sociales passées, qui renforçait le
droit de chacun à choisir librement son travail.

Avec cette mesure, c’est donc un symbole fort qui tombe, mais c’est aussi
une pression de plus sur des conditions de travail déjà tirées à la baisse
par des décennies de mise en concurrence forcée, que les « réformes » en
cours ne visent qu’à accentuer. Que ceux qui ont un job ne se fassent pas
d’illusion : ils sont aussi visés par ces mesures !

En effet, comment pourront-ils défendre leurs propres conditions de travail
alors que tant de personnes seront acculées à vouloir les remplacer à
n’importe quel prix ? C’est pourquoi ces mesures appellent une riposte de
l’ensemble du salariat dans ou hors emploi. Capituler aujourd’hui, c’est
ouvrir la voie pour le prochain gouvernement à la limitation généralisée de
l’ensemble du système d’allocations de chômage.


Pour un travail (et des travailleurs!) libérés

Nous refusons les bases idéologiques qui président à la politique actuelle
en termes de chômage : considérer une partie de nos concitoyens comme des
coûts pour la société parce qu’ils ne seraient pas enrôlés dans un contrat
d’emploi. Cette rhétorique qui consiste à faire des hors emploi des
parasites inactifs et assistés, nous ne l’acceptons pas.

D’ailleurs, comment une société peut-elle accepter de se passer des
qualités, des savoirs-faire, de l’énergie et de la créativité d’une partie
non négligeable de sa population ? Il s’agirait là d’un immense gâchis.
Tous les citoyens de ce pays font pleinement partie de la société et de la
production de son économie, qu’ils soient dans ou hors emploi. Le véritable
problème, c’est que seule une petite fraction en tire actuellement les
bénéfices.

Inégalités en Belgique

Or, entretenir une telle injustice est d’autant plus intolérable que les
défis écologiques qui l’accompagnent appellent une refonte urgente et
radicale de nos modes de production et de consommation. Dans ce contexte, il
est non seulement indécent, mais totalement vain de vouloir forcer les
chômeurs (en les harcelant, en les humiliant, en les affamant) à participer
à tout prix à une fuite en avant collective qui nous mène droit dans le mur.
C’est pourquoi, à l’encontre d’un travail entièrement soumis aux injonctions
de rentabilité et de productivité, nous revendiquons un travail libre,
choisi, dont les finalités seraient déterminées par et pour la société dans
son ensemble.

Ce que nous revendiquons

Nous exigeons dès lors du gouvernement belge qu’il commence par abroger
l’article 63§2 et qu’il revienne sur toutes les décisions prises à
l’encontre de notre système de protection contre le chômage, digne par son
caractère illimité d’être inscrit au patrimoine culturel et immatériel de
l’humanité.

Nous exigeons que cesse le harcèlement institutionnel contre les populations
dont les employeurs ne veulent pas ou qui développent à leur égard une
résistance à l’enrôlement contraint. C’est pourquoi nous condamnons
fermement et exigeons l’arrêt immédiat des contrôles de recherche d’emploi
exercés par l’ONEM.

Nous réclamons un renforcement de la sécurité sociale, ainsi qu’ une
revalorisation de toutes les prestations sociales, allocations de chômage,
pensions, indemnités maladie, prise en charge des soins de santé et
allocations familiales, parce qu’elles constituent le moyen le plus efficace
de redistribution des richesses, ainsi qu’un laboratoire de rapports
économiques libérés des contraintes de rentabilité et de productivité.

Notre sécurité sociale est le fruit d’une lutte de plus d’un siècle de la
part des producteurs, hommes, femmes, enfants, dans et hors emploi. Soyons à
la hauteur de cet héritage, ne laissons pas les véritables « parasites »
nous le prendre ! Seule une large mobilisation pourra renverser l’idéologie
actuelle et, pourquoi pas, initier une dynamique non plus strictement
défensive, mais offensive.

Après tout, pour paraphraser un célèbre philosophe : « Ne rougissons pas de
vouloir la lune, il nous la faut ! »





  • [rue] Précarité Belgique, François Mary, 22/07/2014

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