Très cher Didier,
Je comprends bien ta colère. Est-elle bonne conseillère?
Je ne suis pas allé à Villeurbanne non plus. À mon grand damne.
Pascal Larderet est très remonté à propos de considération financière. Soit.
Les tiennes sont plus liées à la définition de l'Art dans l'espace public. Pour la même finalité, puisque c'est avec l'argent public que nous œuvrons.
Je suis taraudé. Je partage avec toi certaines idées. Cependant... Permets-moi d'apporter quelques nuances, des interrogations, des élucubrations...
Je ne résiste pas à verser. Y en a marre sur le pavé!
Ce débat et l'introspection qu'il suppose sont loin d'être simples.
En ces temps obscurs, cela parait salutaire. Toutefois, la crise justifierait à elle seule la remise en question?
La Rue se serait fourvoyée dans la compromission ces 15 ou 20 dernières années. Cette confusion ou toute pratique en valait une autre, démocratie ou démocratisation culturelle, et bla-bla-bla...
Sommes-nous certains que les 70's, 80's s'en étaient prémunies? Quels sont les coupables de cette compromission? Le dadaïsme a débuté dans les années 20 par exemple.
D'aucuns prétendent que l'art dans l'espace public naquit en 70. Ce qui est certain c'est que la puissance publique s'y est investie à cette époque. Par conséquent, il est convenu que cette date fasse référence pour la structuration de notre secteur.
Pour ce qui est de l'origine de l'art dans l'espace public, les peintures rupestres poussent encore à l'interrogation.
Dans les années 90, on se plaignait de l'envahissement des punks sur les festivals. En 2010, ce sont les clowns qui font flores. Je serais tenté d'y voir une évolution.
Je ne suis pas convaincu du bien fondé d'opposer les disciplines entre elles. Selon cette idée, devrions-nous remettre en question le principe de fédération?
De l'art ou du cochon, du lard ou du pognon...
La ministre dit que nous sommes des amateurs. Mouais!
On connait tous des pros qui bossent comme des amateurs et des amateurs comme des pros. Et alors?...
Elle est où la responsabilité? C'est une véritable question!
Je te l'accorde, le sympa et le populaire ne sont pas des preuves artistiques. Je doute que l'antipathique et l'élitisme en soient aussi.
Le populisme a bien des entrées.
Certes, l'humour et la gaudriole s'accordent mal avec l'idée de la Qualité Artistique. Pour autant, serait-ce un mode d'_expression_ qui doit être relayé au seul banc de la distraction?
Il y a une différence entre humour, dérision et autodérision. Cette dernière suppose l'observation surtout dans le cadre d'une incarnation. Une création a des résonances bien différentes en fonction des publics. Elle force l'interrogation, voire même le conflit parfois (j'en ai fait les frais).
Au gré de nos pérégrinations, et hors des circuits du tourisme culturel, nous nous sommes aperçus que les déserts culturels étaient bien plus répandus qu'ils n'y paraissent.
Pour le dire poliment, on est tous le clown d'un autre!
À mon époque, on ne se souciait pas de la définition d'école des arts du cirque.
L'école nationale était plus prompte à former des super soldats de la création que des Artistes dignes de ce nom. Quoi de plus enivrant quand on a 20 ans?
Pas le moindre petit cours d'histoire de l'art dans les écoles de cirque ni d'histoire de la mise en scène dans les écoles de théâtre d'ailleurs. Enfin, ça n'a pas empêché certains d'en sortir quelque chose.
Doit-on pour autant renvoyer le cirque sous la tutelle du ministère de l'Agriculture et le théâtre aux calendes grec?
Peu ou proue, top ou tard, chacun s'interroge un jour sur sa condition et le sens qu'il donne à sa pratique.
En tant qu'héritier des 70's, 80's, n'as tu pas des références d'illustres ayant, dans leur prime jeunesse, chaussés des échasses, voir même crachés une petite flamme...?
Crois-tu que la seule volonté de foutre le bordel suffise à faire œuvre artistique?
Plus proche de nous, ne vois-tu pas certains ayant débuté par de généreux "bordel-show" pour les mener 20 ans plus tard à nous servir des pépites finement ciselées à nous arracher le cœur et l'esprit?
Combien de guitares-héros ont commencé par gratter sur une corde Les jeux interdits en tirant la langue?
Il ne s'agit pas ici de technique, mais bien de ce que l'on en fait. On n'a pas assez d'une vie pour apprendre et se réaliser.
Le terme de qualité dans le domaine artistique me semble bien controversable. Je préfère celui d'exigence.
Que sont les Arts de la rue? L'ensemble des protagonistes qui vivent aux crochets de la puissance territoriale? Embourgeoisement quand tu nous tiens.
Faut-il envisager de réduire, d'élargir, de consolider, de s'émanciper...?
Pas facile de changer de paradigme.
L'artiste est prisonnier. Sa liberté n'existe que dans un carcan. Même dans l'art brut, l'un des derniers courants révélés, l'artiste n'est pas libre de sa conscience.
Artiste, artisan... Quelle importance de l'humilité ou de la prétention pour justifier de notre aspiration et de notre condition ?
Qu'en est-il des programmateurs? Il n'existe pas de CAP ou la moindre formation en alternance.
La plupart agissent au coup de cœur. Elle est où la réflexion?
Mis à par le coût d'état, c'est toujours mieux que les coups de boule ou les coups bas.
Il n'y a que les imbéciles qui pensent que des malintentionnés tiennent à leur faire croire que tout ce qui se passe dans la rue est bien.
Par contre, on peut se féliciter que chacun puisse trouver dans la rue un espace de liberté. Chose rare et fragile. Serait-ce un juste fondement pour notre Fédération?
La liberté artistique est de plus en plus mise à mal actuellement, non pas par les politiques, mais pire encore, par la société civile et les intégristes de tout bord.
Ce n'est vraiment pas le moment de lâcher prise.
Si toutes pratiques n'en valent pas d'autres, il nous faut passer par la critérisation.
Quelle grille appliquer dans le choix des programmations?
Ayant eu les deux pieds dedans (clown, jongleur), je suis prêt, à me soumettre à l'exercice en me comparant aux créations que tu as accueillies récemment.
Le dictionnaire nous donne une définition de ce qu'est l'art. L'histoire nous en offre une autre, une vue de l'esprit. Plus que l'œuvre en elle même, c'est la possibilité de s'interroger, de se dépasser, de se réinventer par l'imaginaire pour s'ouvrir à d'autres possibles. Elles ne sont pas antinomiques.
Mettre le feu à la rue! Oui, pourquoi pas. Pour ce qui est de trouver des coupables, il risque d'y avoir du monde sur le bucher avec monsieur carnaval.
Pour les 30 ans d'Aurillac, je propose une immolation collective. On se fout tous à poil sur les flammes, les uns récitant du Voltaire, les autres du Rousseau.
Et hop! On se carbonise la tronche dans une liesse collective.
Ça aurait de la gueule artistiquement. Non? Et ça ferait du buzz dans La Montagne pour une fois.
À toutes ces questions, il y aura peut-être un début de réponse dans le fond de ma bouteille. In vino veritas?
La première, je l'ai jetée à la mer. Pour les suivantes, j'en ferais un chamboule-tout.
Ils sont beaux les bobos. Ils sont beaux les clobos.
Je nous aime.
Fred Feu (Les Skouts)
PS: J'ai ouï dire, Place de la République, que Jean-Marie Songy, pour les trente ans d'Aurillac, avait dans les bacs de mettre toutes les compagnies du OFF en IN et inversement. Tu te rends compte??? Non, mais je te jure!
Frédéric Roucheray
Le 19 novembre 2014 10:16, Didier Manuel <
">
> a écrit :
>
> Cher Pascal,
>
> En voilà un cri désespéré.
>
> Même si je le comprends et suis en accord avec toi, il me semble que tu as oublié de préciser une chose fondamentale :
> C'EST LA RUE - LA FAMEUSE RUE - QUI A CONSTRUITE TOUT ÇA LES 15 OU 20 DERNIÈRES ANNÉES... À FORCE DE COMPROMIS.
>
> Tout le monde en a bien profité. La rue était un Eldorado. N'importe quel branle-panneau qui n'avait pas le niveau pour pouvoir faire quoi que soit en salle
> pouvait toujours survivre dans la rue. Voir même très bien vivre.
>
> On a essayé de nous faire croire qu'il n'y avait pas de différence entre un sculpteur de ballon et "La folle histoire de France" du Royal de Luxe.
> Très bien.
> Nous faire croire que la moindre fanfare, le moindre spectacle de clown ou de diabolo vallait un spectacle de Langhof, d'Ostermeïer etc…
> juste parce que ça se passait dans la rue. Que si ça passait dans la rue, alors c'était bien. C'était gratuit, alors c'était bien.
> Nous faire croire que tout valait tout, du moment que cela ne faisait pas de vague.
> Du moment que cela servait l'intérêt touristique et commercial des villes…
> en sommes…du moment que tout cela était SYMPA…POPULAIRE... et que cela contribuait au fait d'endormir les gens.
> Que cela lissait le paysage. Nous maintenir dans l'idée que nous étions au pays des Bisounours et qu'on avait bien de la chance.
>
> Sauf que c'est dans nos culs mon Pascal que le Populaire s'est fourré…
> car nous avons contribué collectivement à fabriqué du populisme de masse !
> Une réalité dans laquelle nous nous sommes vautrés sans vergogne et dont nous nous prenons aujourd'hui le retour de bâton.
> À force de contraindre le débat, de lisser les propos, de vouloir faire rigoler à tout craint...
> À force de vouloir faire de la rue une foire, un fourre-tout sans réelle épaisseur artistique, sans prise de risque.
> À force de tuer l'audace, histoire de maintenir ceux qui la tienne dans leur petit confort bourgeois.
> Et bien aujourd'hui c'est la soupe à la grimace…
> Et aujourd'hui Pascal, il est trop tard pour pleurer car la Rue...la fameuse Rue... est morte depuis longtemps déjà.
>
> Ironie du sort, à force d'avoir tendu nos fesses, la ministre nous dit que nous sommes des amateurs.
> (Et le pire…c'est qu'elle n'a pas tort !
> Combien de fois je suis intervenu sur la Liste pour calmer les ardeurs de ceux qui n'avaient de cesse de critiquer le théâtre de salle.
> Persuadés qu'ils étaient que la seule légitimité de faire une chose offerte à tous - que la seule bien pensance de gauche - suffisait à faire de nous un artiste.)
>
> Aujourd'hui la France n'a plus d'argent donc on sacrifie logiquement ce qui n'est qu'un luxe…la distraction.
> En commençant par celle qui est la moins rentable.
> Quand on a plus moyen de se distraire il faut commencer par ranger les vieux jouets et les mettre à la benne.
> Aussi, Pascal, on nous pousse gentiment à la porte car…à part distraire, à part faire de gentilles animations pour égailler le paysage…À quoi servons nous ?
> À quoi servons nous je te le demande ?…
> Nous n'avons même plus la prétention de faire de l'Art.
> Nous n'avons plus aucune prétentions d'ailleurs. Humbles artisans et amuseur du roi. Artistes de propagande.
>
> Il n'y a rien de surprenant à ce qui arrive.
>
> En 27 ans de terrains - tous azimuts - je me suis plus souvent fait enculer par des gens de gauches que de droite.
> Ce qui constitue l'énorme paradoxe et l'ironie de l'histoire.
>
> André Gide disait qu'on ne fait pas de littérature avec de bons sentiments.
> En fait je pense que cette affirmation devrait s'étendre à l'Art tout entier.
>
> Nous avons trop joué le jeu des commandes, nous nous sommes trop conformés aux tendances,
> aux cadres, aux normes, aux modes, aux désidératas de ceux qui tiennent la rue et préservent "LEUR" public.
> Si vous saviez le nombre de patates que j'ai voulu mettre dans la gueule à force d'entendre certains programmateurs dire "MON PUBLIC"
> Combien de fois j'ai entendu dire cela…"MON PUBLIC"…quelle hérésie…ce fameux public si chouchouté pour ne pas le heurter,
> préserver sa sensibilité…ce fameux public à qui nous avons offert, tout donné gratuitement, gavé,
> et qui est entrain de foutre le nationalisme et le populisme le plus sauvage et obscène aux portes de la Nation !
>
> Il est beau le public tant chéri. Qu'il aille se faire foutre.
>
> Alors oui Pascal, tout est entrain de crever et les barons technocrates se cassent déjà la gueule de leur chaise.
> Mais est-ce vraiment un mal ?
>
> Tu parles de mettre le feu et de reprendre la rue…alors tout cela n'est pas grave…
> Tout renaîtra des cendres…
>
> En revanche, et je pense que le problème commence par là, il faut arrêter de parler et penser en terme "D'outil de Travail"
> mais revenir au fondamentaux…à commencer par la scène.
>
> Regarder la rue et l'espace public, les lieux publics (ces fameux Lieux Publics…hahaha…) comme le territoire des opérations,
> la zone de conflit…
>
> REPRENDRE LA RUE, POUR DIRE, MONTRER, HURLER, METTRE LE FEU…AVEC AUDACE, IMPERTINENCE…CRÉATIVITÉ !
>
> Enfin bon, je dis ça…juste parce que je viens de me lever et de te lire en prenant mon petit déj.
> Je crois…que tu viens de me gâcher ma journée. Maintenant ça me tourne sur le bide…à m'en faire gerber mon chocolat...
> Du coup, je crois aussi que j'vais aller mettre le feu quelque part moi...
>
> Bises mon Pascal ! Tenez bon ! et à tout vite !
> PUNKS NEVER DIED AS CHILDS USED TO SAY...
>
> TOMO (Feu MATERIA PRIMA art factory…aujourd'hui renait sous la forme d'un papillon)
> COLLECTIF BE / Cie BUTTERFLY EFFECT
>
> Le 18 nov. 2014 à 12:26, cacahuete <
">
> a écrit :
>
> Lettre à la Présidente de la Fédé des Arts de la rue,
> Chère Laeticia,
>
> A l'heure ou des compagnies historiques disparaissent Jo Bithume, ou ont déjà disparues les Piétons.
>
> A l'heure ou d'autres sont en grandes difficultés Génerik Vapeur , Cacahuete, Kumulus et bien d’autres .
>
> A l'heure ou Hors les murs va être dissout dans le CNT.
>
> A l'heure ou les budgets des CNAR baissent drastiquement.
>
> A l'heure ou la commission d'aide à la création du ministère multiplie les abus de biens sociaux.
>
> A l'heure ou le centre National des arts de la rue Lieux Publics ne profite qu'à une seule personne son directeur.
>
> A l'heure ou la Ministre de la Culture tient un discours d 'état totalitaire sur l'amateurisme.
>
> A l'heure ou les Drac vont disparaitre ainsi que les budgets des départements.
>
> A l'heure ou Michel Crespin tire sa révérence, que les fondateurs Jean Digne, Daniel Andrieu, Dominique Trichet se mettent en retraite des arts de la rue.
>
> A l'heure ou 2 étudiants sur 3 issus de la FAIAR pointe au RSA.
>
> A l'heure ou 60 % du budget art de la rue de ma Région Languedoc ont disparu.
> (Fermeture Lieu Noir 1 lieu de résidence sur 2, arrêt des Zat Montpellier, arrêt des Effervescentes de Balaruc, -20% à Crateres Surface, -15% à la région, 0 + 0 a la Drac, etc…)
>
> A l'heure ou les festivals disparaissent les uns apres les autres dans toute l'Europe.
>
> A l'heure où les menaces sur l'intermittence se font de plus en plus pressantes.
>
> A l'heure ou nos gouvernants prétendus de gauche abandonnent toutes ambitions culturelles et sont prêts sans vergogne à mettre à mal l'ensemble de la profession.
>
> Nous pensons que à l’horizon 2017 plus de 50% des compagnies Art de la Rue seront rayées de la carte et Cacahuete en fera partie.
>
> Nous appelons à un grand réveil et à une grande mobilisation de tous sous les formes les plus radicales afin de préserver nos métiers, nos utopies.
> Reprenons la rue il est grand temps mais pour y mettre le feu.
>
> Non, voila pourquoi nous n'irons pas à Villeurbanne faire mousser quelques élus locaux à langue de bois bien pendues et discuter Musiques actuelles, nous avons mieux à faire pour sauvegarder nos outils de travail.
> Ceci étant dit nous vous souhaitons de bons débats.
>
> Pascal Larderet Compagnie Cacahuete
>
>
> Pour acceder aux archives, a l'aide, a la conversion de mail, a la page de desinscription :
http://www.cliclarue.info/#tabs-8> Et pour tout probleme, vous pouvez raler aupres de
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