URGENT : INFOS IMPORTANTES SUR LA SITUATION EN
GRÈCE !
(alors
que les médias
européens n'en
parlent pas du
tout, n'hésitez
pas à faire
circuler, merci
de votre
soutien)
Texte et
photos envoyés
par Yannis
Youlountas
depuis Athènes,
cette nuit (5-6
décembre 2014)
Résumé :
Les
manifestations,
émeutes et
occupations se
multiplient chaque
jour à Athènes et
ailleurs en Grèce,
depuis fin
novembre.
Notamment à cause
de la tyrannie du
pouvoir à l'égard
de Nikos Romanos,
jeune prisonnier
de 21 ans en grève
de la faim, privé
de la possibilité
d'étudier et
particulièrement
maltraité. Nikos
est, de surcroît,
l'ami d'enfance
d'Alexis
Grigoropoulos, tué
le 6 décembre
2008, à l'âge de
15 ans, par un
policier dans le
quartier
d'Exarcheia à
Athènes, ce qui
avait provoqué un
mois d'émeutes
retentissantes
dans toute la
Grèce. Nikos est
naturellement
devenu le nouveau
symbole de toutes
les violences
actuellement
subies par la
population, mais
aussi du profond
désir de lutter,
quelle que soit la
forme, et de
refuser la torpeur
et la résignation.
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Photos
envoyées par
Yannis Youlountas
depuis Athènes
(Yannis est membre
de l'assemblée de
réoccupation de
l'Ecole
Polytechnique et
tourne également,
caméra au poing,
au cœur des
événements, avec
l'appui des
insurgés).
http://nevivonspluscommedesesclaves.net/spip.php?article54
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Texte
http://nevivonspluscommedesesclaves.net/spip.php?article55
ATHÈNES
SUR UN VOLCAN
Six
ans après le
mois de
décembre 2008,
l'atmosphère
est à nouveau
insurrectionnelle
à Athènes et
ailleurs en
Grèce. Tous
les
ingrédients
sont réunis
pour faire du
mois de
décembre 2014,
peut-être, un
grand moment
historique.
Jusqu'à quel
point et à
quelles
conditions ?
Depuis la fin du
mois de novembre,
les
manifestations,
émeutes, actions
ciblées et
occupations se
multiplient un peu
partout en Grèce
(dans le silence
total des medias
européens, plus
que jamais des
merdias à
boycotter ou à
bloquer et
occuper). La cause
principale est la
situation du jeune
prisonnier
anarchiste de 21
ans, Nikos
Romanos, qui est
devenu un symbole
de toutes les
violences
actuellement
subies par la
population, mais
aussi du profond
désir de lutter,
quelle que soit la
forme, et de
refuser la torpeur
et la résignation.
Nikos,
l'ami d'Alexis
Grigoropoulos,
symbole des
émeutes de
2008
Nikos est l'ami
d'enfance d'Alexis
Grigoropoulos,
assassiné à l'âge
de 15 ans par un
policier dans le
quartier
d'Exarcheia à
Athènes. Un
quartier réputé
pour ses révoltes
historiques et ses
nombreuses
initiatives
autogestionnaires
et solidaires. Un
quartier dans
lequel la liberté,
l'égalité et la
fraternité ne sont
pas des mots jetés
à l'abandon au
frontispice de
monuments publics
glacés de marbre.
Nikos a vu son ami
mourir dans ses
bras le soir du 6
décembre 2008.
Profondément
révolté, il s'est
par la suite
engagé dans
l'anarchisme
révolutionnaire et
a dévalisé une
banque pour
financer son
groupe qualifié de
terroriste par le
pouvoir. Après
avoir été torturé,
notamment au
visage, lors de
son arrestation,
il a finalement
réussi à obtenir
son bac en prison,
mais se voit
aujourd'hui
refuser la
possibilité de
poursuivre ses
études. C'est
pourquoi, depuis
le 10 novembre
dernier, Nikos est
en grève de la
faim. Son état
s'est
progressivement
dégradé, notamment
au niveau
cardiaque, malgré
ses 21 ans, et il
a été transféré
sous haute
surveillance à
l'hôpital
Gennimatas
d'Athènes devant
lequel manifestent
régulièrement des
milliers de
personnes qui
parviennent
parfois à
dialoguer avec lui
à travers les
grilles de sa
fenêtre (voir la
première photo de
l'article connexe,
dans la même
rubrique). En
solidarité avec
Nikos, un autre
prisonnier
politique, Yannis
Michailidis, s'est
mis en grève de la
faim le 17
novembre au Pirée,
suivi par deux
autres, Andreas
Dimitris
Bourzoukos et
Dimitris Politis,
depuis le 1er
décembre. Le
gouvernement grec
vient de confirmer
son refus de
permettre à Nikos
de poursuivre ses
études et préfère
le laisser mourir,
non sans faire
preuve d'ironie.
Des petites
phrases assassines
et provocatrices
qui ne font
qu'augmenter la
colère populaire
et les nombreuses
protestations des
organisations
anarchistes et
antiautoritaires
jusqu'à celles de
SYRIZA, principal
parti de la gauche
critique, qui est
annoncé vainqueur
des prochains
élections en
Grèce. Bref, le
contexte politique
est
particulièrement
tendu, à tous
points de vue.
L'Ecole
Polytechnique,
symbole de la
chute de la
dictature des
Colonels
Dans cette
ambiance de fin de
règne, parmi
d'autres
initiatives
solidaires,
l'Ecole
Polytechnique est
à nouveau occupée
depuis le premier
décembre, 41 ans
après avoir défié
avec succès la
Dictature des
Colonels en
novembre 1973, au
cours d'une
occupation
similaire pour
défendre une radio
libre qui
s'opposait au
régime
autoritaire. Les
CRS suréquipés
viennent d'échouer
par deux fois dans
leurs tentatives
de nous déloger,
notamment le 2
décembre au soir,
à la fin d'une
manifestation
fleuve qui s'est
terminé avec
plusieurs banques
dégradées ou
brûlées. Parmi
d'autres obstacles
de circonstance,
un bus a même été
transformé en
barricade
incandescente sur
l'avenue
Stournari, à
Exarcheia (voir
les photos dans
l'article
connexe), et les
affrontements ont
duré une bonne
partie de la nuit.
Douze insurgés
arrêtés ont été
violemment
frappés, au point
que trois d'entre
eux souffrent de
fractures du
crâne.
L'occupation de
l'Ecole
Polytechnique n'a
pas cédé, malgré
le deversement de
quantités énormes
de gaz lacrymogène
depuis
l'extérieur, tel
du napalm sur
toute la zone
devenue une zone à
défendre. Une ZAD
jumelée, ces
dernières heures,
avec d'autres ZAD
dans le monde,
notamment celles
de NDDL et du
Testet en France
qui ont rapidement
transmis leur
soutien fraternel,
ainsi que de
nombreuses
personnes et
organisations de
France et
d'ailleurs
(soutiens que j'ai
tous affichés sur
l'un de nos murs
et annoncés en
assemblée à tous
les compagnons et
camarades).
Ce soir-là, alors
que la
distribution
solidaire de
sérum, de mallox
et de citrons
battait son plein,
j'ai remarqué plus
de filles que
jamais parmi les
insurgés (voir la
photo de « l'autre
statue de la
liberté » dans
l'article connexe)
et une diversité à
tous les niveaux
qui augure d'une
ampleur et d'une
radicalité sans
précédent. J'ai vu
et ressenti une
détermination et
une fraternité
rarement
rencontrées
jusqu'ici, dans
mes voyages en
Grèce et ailleurs,
là où l'humanité
ne se résoud pas à
vivre à genoux et
tente,
diversement, de se
lever. J'ai vu la
vie s'organiser
autrement dès le
lendemain et la
chaleur des
barricades se
transformer en
chaleur des cœurs
parmi les
occupants de
l'Ecole
Polytechnique et
d'ailleurs.
Rien
n'est fini,
tout commence
!
Car durant ces
dernières heures,
les lieux
d'occupations se
sont multipliés,
rappelant le
processus de
décembre 2008 qui
avait amené la
Grèce à connaître
les émeutes sans
doute les plus
puissantes en
Europe depuis
plusieurs dizaines
d'années (sans
toutefois parvenir
à renverser un
pouvoir qui
s'était finalement
maintenu de
justesse,
notamment en
distillant la peur
et la
désinformation
dans les médias).
Des occupations de
bâtiments publics
et de groupes
financiers, de
chaînes de
télévision et de
radios,
d'universités et
de mairies, depuis
Thessalonique
jusqu'à Héraklion.
Des occupations
toujours plus
nombreuses, ainsi
commentées par
Yannis Michailidis
dans son dernier
communiqué de
gréviste de la
faim, très relayé
sur Internet : «
c'est ce qui brise
la solitude de ma
cellule et me fait
sourire, parce que
la nuit de mardi
[2 décembre], je
n'étais pas
prisonnier,
j'étais parmi vous
et je sentais la
chaleur des
barricades
brûlantes ». Avant
de conclure avec
une phrase
rappelant le titre
du dernier livre
de Raoul Vaneigem
: « Rien n'est
fini, tout
commence ! »
Une
émotion
immense
Parmi les
événements qui
m'ont également
marqué ces
jours-ci,
certaines
assemblées de
collectifs ont
montré à quel
point la tension
est à son comble.
Notamment celle de
l'occupation de
l'Ecole
Polytechnique dans
la soirée puis
toute la nuit du 3
au 4 décembre. Une
assemblée qui a
duré plus de 9
heures, jusqu'à
5h30 du matin.
Certes, quelques
divergences ont
justifié cette
durée jusqu'au
consensus
finalement trouvé
au petit matin et
je ne rentrerai
évidemment pas
dans les détails
de ce qui s'est
dit, notamment
pour ce qui est
des projets en
cours. Mais je
peux témoigner
d'une atmosphère
électrique
ponctuée de longs
silences qui en
disent long. Je
peux vous dire
également que le
grand amphi de
l'Ecole
Polytechnique
était, une fois de
plus, plein à
craquer, avec des
compagnons et des
camarades debout
et assis un peu
partout, devant
des murs
fraichement
repeints de
graffitis. Je peux
vous dire que la
présence du papa
de Nikos Romanos,
assis au milieu de
la salle, avec sa
chevelure longue
et grise et son
regard profond et
digne, ne pouvait
que contribuer à
une émotion déjà
immense, alors que
son fils se
rapproche chaque
jour d'une mort
certaine.
«
Agir comme si
notre propre
vie était en
jeu… »
Le stress et la
nervosité, la
gravité du moment,
l'importance des
enjeux, faisaient
fumer presque tout
le monde beaucoup
plus qu'à
l'habitude, au
point que j'en
étais presque à
regretter
l'irritation
causée par les
gazs lacrymogènes
dans les rues
alentours. Parmi
les paroles qui
ont résoné : « ce
n'est plus l'heure
de mettre la
pression, mais de
rentrer en
insurrection » ou
encore des appels
à « agir comme si
notre propre vie
était en jeu, car
en vérité, c'est
bien le cas pour
nous tous qui
vivons comme
damnés, comme des
esclaves, comme
des lâches » ; «
il faut retrouver
pleinement
confiance en
nous-mêmes pour
parvenir à
redonner partout
confiance aux gens
et, en
particulier, pour
rassembler les
laissés pour
compte qui
devraient être les
premiers à
descendre dans la
rue, au lieu
d'attendre que la
libération vienne
du ciel ». J'ai
aussi parfois
entendu des
paroles jusqu'au
boutistes que je
ne préciserai pas
ici, mais qui
témoignent bien du
ras-le-bol immense
qui traverse une
grande partie de
la population et
la conduit à tout
envisager pour se
libérer des tyrans
du XXIème siècle.
Des
tags à la
mémoire de
Rémi Fraisse
J'ai vu un ancien
de 1973 avoir les
larmes aux yeux et
songer que nous
vivons peut-être
un autre moment
historique. J'ai
lu d'innombrables
tags en soutien à
la grève de la
faim de Nikos
Romanos, mais
aussi à la mémoire
de Rémi Fraisse,
tué par le bras
armé du pouvoir
sur la ZAD du
Testet.
Cette nuit encore,
à la veille du 6
décembre très
attendu, avec une
grande inquiétude
par les uns et
avec un profond
désir par les
autres, le
quartier
d'Exarcheia est
encerclé par les
camions de CRS
(MAT) et les
voltigeurs (Delta,
Dias). Plusieurs
rues sont barrées.
On ne peut entrer
et sortir
d'Exarcheia que
par certaines
avenues, plutôt
larges et très
surveillées. La
situation prend
des allures de
guerre civile et
rappelle certaines
régions du monde.
A l'intérieur du
quartier, comme
dans beaucoup
d'autres coins
d'Athènes, la
musique résonne
dans le soir qui
tombe : du rock,
du punk, du rap,
du reggae, des
vieux chants de
lutte. Dans
l'Ecole
Polytechnique, on
a même installé
deux immenses
enceintes du côté
de l'avenue
Patission et on
balance ces
musiques pour le
plus grand bonheur
des passants qui
nous soutiennent
et lèvent parfois
le poing ou le V
de la victoire
tant désirée.
D'autres baissent
la tête et ne
veulent pas y
croire, ne veulent
pas voir, ne
veulent pas
savoir, murés dans
la prison d'une
existence absurde
et pauvre à mourir
d'ennui, si ce
n'est de faim.
Le
spectacle d'un
monde à
réinventer
Ici, ça dépave, ça
débat, ça écrit
sur les murs et
sur les corps, ça
chante, ça
s'organise. La
fête a déjà
commencé ! Certes,
elle est encore
modeste et
incertaine, mais
une nouvelle page
de l'histoire des
luttes est
peut-être en train
de s'écrire à
Athènes et
au-delà. Une
nouvelle page qui
ne pourra s'écrire
qu'en sortant de
chez soi, par-delà
les écrans, les «
j'aime » des
réseaux sociaux et
le spectacle d'un
monde tout entier
à réinventer. Une
nouvelle page qui
ne pourra s'écrire
qu'ensemble, en se
débarrassant de la
peur, du
pessimisme et de
la résignation.
Rester assis,
c'est se mettre à
genoux.
Yannis
Youlountas
membre
de l'assemblée
d'occupation de
l'Ecole
Polytechnique à
Athènes
N'hésitez pas à
faire circuler.
Merci de votre
soutien.
http://nevivonspluscommedesesclaves.net/spip.php?article55
(texte)
http://nevivonspluscommedesesclaves.net/spip.php?article54
(photos)