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Re: [rue] Pas tout seuls. Pas cette fois.


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  • From: ✪ REZOrue ✪ < >
  • To: Liste Rue < >
  • Subject: Re: [rue] Pas tout seuls. Pas cette fois.
  • Date: Fri, 06 Feb 2015 10:54:08 +0100

Pour une fois qu’on a une intervention sincère, vraie et juste, il faut encore que le Jacques brise cet élan avec ses « je l’ai déjà fait » «  moi chez moi » « j’ai toujours dit que… »

Ne parle pas de Niort sans savoir s’il te plaît, je suis sur ce combat depuis le début et plus que tout autre.
Oui les Niortais se mobilisent, et oui la profession se mobilise.

SAUF la scène Nationale – SAUF la smacl

Ces derniers ont choisi de fermer leur gueule, se réjouir de voir tomber l’orage juste à côté de leurs fenêtres sans même perdre une tuile.
Oui ces gens là sont payés, ont des équipes permanentes rémunérées, et les seuls qui vont au combat sont les intermittents avec ou sans indemnités, les bénévoles et les RSA.

Notre réalité à nous c’est bien celle que décrit Fabien : plus de diffusion, pas de coproducteurs, moins de subventions, perte des équipes artistiques qui partent survivre ailleurs.

Votre réalité à vous, les compromis, c’est :  j’ai moins de subvention donc je vais prendre moins d’artistes et combler avec des précaires pour faire comme si ça ce voyait pas et ainsi mon poste est pas en danger…

La résignation a gagné toutes les couches et strates de notre secteur, et effectivement nous sommes de moins en moins nombreux ceux qui crient fort leur colère et leur désespoir.
L’Art est vivant mais la Culture est morte, elle a fait le choix de la servitude volontaire.

Je m’en veux déjà d’avoir écrit ce message, pure perte de temps, mais que voulez-vous j’ai encore un soupçon d’humanité en moi…
Rassurez-vous ça va pas durer.



De : Granier Fabien < "> >
Répondre à : Granier Fabien < "> >
Date : vendredi 6 février 2015 01:10
À : Liste Rue < "> >
Objet : [rue] Pas tout seuls. Pas cette fois.

Chers partenaires et compagnons de route, directeurs de théâtres, de scènes nationales, de festivals, de centres dramatiques ou chorégraphiques, de CNAR, de PNAC, de SMAC et autres acronymes…

Chers élus,


Face à nous, ça va très vite. Et nous autres, artistes, administrateurs, compagnies – les artisans de l'art – commençons à être bien trop préoccupés par la survie de nos existences pour continuer à mener la lutte que vous devriez être en train de mener depuis longtemps.

Je dis bien «  nos existences ». Notez. Pas « nos carrières » ni « nos métiers ».

Nos existences : ce pour quoi on se lève. On se couche. On se bat.


Depuis novembre, c'est l'horreur. Les productions s'effondrent. Les théâtres se font traîner dans la boue. Les tournées s'arrêtent. Et l'intelligence recule partout au profit de chefferies municipales.

Et en face : rien. Ou quasi.


Nous autres, tout en bas de la chaîne alimentaire, on déguste. On déguste. Vous avez pas idée à quel point on déguste.

On ferme.

On sombre.

On s'enlise.

Et en face : rien. Ou quasi.


On voit fermer des gueules qui auraient du s'ouvrir en grand.

Sur l'air du « c'est comme ça ».

Quimper. Saint Priest. Roanne. Cusset, Montpellier – les ZAT… Partout. C'est comme ça.

Vous savez qu'à Cusset, la mairie a interdit au directeur du théâtre de prendre la parole avant les spectacles ?

C'est comme ça.

Vous savez qu'à Quimper, toute l'équipe d'un festival s'est faite humilier en public par le maire ?

C'est comme ça.

Et à Roanne vous savez qu'il s'est fait virer, Sefsaf ? Juste virer ?

C'est comme ça.


Nous autres, artistes, compagnies, on a fait ce qu'on a pu. On s'est battu. Puis re-battu. Comme des crétins. Pour sauvegarder nos existences. Nous avons mis nos vies et celles de nos familles en péril dans des actions que vous avez vaguement soutenues de panneaux, de croix blanches et de bonnes paroles.

C'était dur. On s'est mis en danger.


Et là, rien. Ou presque.


Pourtant, ce qui a commencé à l'automne : c'est la vôtre, de lutte. La vôtre.

C'est vous qui devriez vous embraser, là. C'est vous qui êtes au premier rang. C'est vous qui êtes attaqués. C'est votre travail, depuis trente ans, votre dignité, les choix de vos vies, à vous.

Depuis deux mois déjà, il aurait du commencer le ramdam. Ils auraient du rugir, les refus. Elles auraient du commencer les actions symboliques. Les réunions. Les gueuleries. Les assauts de ministères pour forcer le front. Les grèves. Les blocages. Les sittings. Que sais-je...

Vous en avez le moyen de tout ça : visibilité, presse, communication, abonnés, équipes permanentes et rémunérées...


Or : rien. Ou quasi. Quelques plaintes indignés. Ici et là. La Ministre qui fait les gros yeux. Une lettre. Une évocation.

Puis les abdications. Et la répercussion sur nous autres, artistes et compagnies, des arbitrages stupides contre lesquels vous vous êtes élevés, avant de vous ranger bien vite, dociles.


Mais on parle de quoi, là ?


C'est pas une lubie, ce à quoi on assiste : c'est un acte politique noir. Toxique. On le sait tous, pourtant. On le voit tous. On y assiste tous, au recul de la pensée. De l'intelligence. De l'art. Toutes ces quêtes infatigables du vingtième siècle.

C'est grave, putain. C'est dangereux ! C'est la phase un de l'obscurantisme.


Alors qu'est-ce qu'il se passe ? Pourquoi c'est mou comme ça ?


C'est encore à nous d'y aller, c'est ça ? C'est encore à nous à descendre ?A risquer à nouveau nos statuts ? A nous colleter l'hostilité générale ?Les « unes » outrées ?

C'est à nous d'endosser vos missions… La propagation de l'art, tout ça ? L'éducation ? L'ouverture ? C'est à nous de les défendre ?

Je suis désolé, mais merde : pas seuls, cette fois. Pas tout seuls !


Vous, vos postes vous attendent. Vos rémunérations aussi.

Nous : non.

Et c'est pourtant nous qui les payons, les frais. A chaque fois. C'est nous qui les perdons, les dates. Les projets. Les moyens de produire.

C'est nous qui les voyons se ramasser, nos œuvres.



Alors prenez des risques avec nous, bordel ! Pour une fois : prenez en ! Montrez que vous êtes des militants, pas des parlementaires. Montrez que vous croyez toujours à l'importance fondamentale, épaisse, criante de l'art et de sa diffusion. Montrez que c'est pas des postes que vous perdez, mais des batailles. Montrez que vous y croyez vous aussi, à l'importance vitale de ce que vous faites.

C'est pas à nous de payer la note. Pas tout seul.


Quittez vos bureaux et levez les poings avec nous ! Et renversez les, les tables. Avec les spectateurs. Et les auteurs. Et les techniciens. Et tout le monde.


On a pas encore tout perdu.

Mais faut y aller.


Il faut y aller maintenant.



--
Fabien Granier

"Mon Dieu
Dit la reine
pleine de joie
Dieu que la vie est belle
même si l'on meurt quelque fois"
         (Prévert)
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