« Pour contrer la censure, on rit et on tire des bords »
On rit beaucoup aux Rias. Mais on sait aussi être sérieux. Demain, une rencontre citoyenne et professionnelle autour du thème de la censure est organisée. Qu'en pensent les artistes ?
Pourquoi, comment ?Pourquoi cette rencontre ? « Création artistique en espace public : censure et autocensure ». C'est le thème de la rencontre professionnelle et citoyenne organisée ce vendredi de 14 h 04 à 16 h 32 dans le jardin du cloître des Ursulines à Quimperlé. « Après les attentats de Charlie Hebdo en janvier, après l'annulation de spectacles vivants pour cause de troubles à l'ordre public, nous avons décidé de réunir élus, techniciens, artistes et citoyens autour de cette question, explique Simon Doaré, animateur. Le seuil de tolérance du public n'est plus le même. Alors il faut s'interroger sur le rôle de l'artiste. » Olivier Neveux, chercheur en histoire du théâtre à l'université de Lyon introduira le débat. Cette rencontre est ouverte à tous. Quel est le rôle de l'artiste ? « Faire de la provocation est une manière de s'exprimer pour les créateurs, commente Pascal Rome, de la compagnie Opus, coauteur de La veillée. Notre boulot est de déguiser la réalité avec des formes qu'on invente. On tire des bords pour contrer la censure et l'autocensure. On est là pour bousculer des schémas de pensée. Biaiser est une solution. Mais parfois, il y a une urgence sociale, il ne faut pas tergiverser. Y aller frontalement, c'est le rôle des artistes qui prennent collectivement le risque de s'exprimer. » Jusqu'où faut-il aller ? « Ce dont on parle peu, c'est de l'autocensure économique, affirme Véra Schütz, comédienne de la compagnie Kitschnette. Jusqu'où peut-on aller en tant qu'artiste sans mettre en péril la compagnie. On sait que le public aime les happy end. Mais si j'ai envie de terminer mon spectacle par un bain de sang, faut-il le faire ? Être artiste, c'est prendre des risques, quitte à déplaire. Parfois ça paie. Parfois non. » Comment considérer le public ? Provoquer. Bousculer les idées reçues. C'est la mission des créateurs de spectacles. Mais pense-t-on au public quand on écrit ? Oui, répond Pascal Rome : « Je n'aimerais pas laisser le public sur place. Ce qui m'intéresse, c'est d'emmener les gens dans le bus pour aller encore plus loin. » Pour Alexandre Markoff, auteur et metteur en scène au Grand colossal théâtre, il faut éduquer : « L'enjeu est bien de faire de la pédagogie. » Enfin, Mick, observateur et trublion, invité par le Fourneau, estime quant à lui, qu'il est important « de faire travailler le muscle de la réflexion. Aux États-Unis où j'habite, les enfants sont devant les écrans toute la journée. Au réveil, à table, avant de se coucher. Ils ne pensent plus. » De l'avis de tous, l'humour est une bonne manière de surprendre le public et de l'aider à s'interroger sur le monde. Et Claude Morizur, codirecteur du Fourneau, centre national des arts de la rue de conclure : « Le sérieux est souvent là où l'on ne l'attend pas. » Lucile VANWEYDEVELDT. |