La censure plane sur les spectacles de rue
Des coups de feu dans la rue. Un homme nu surgi d'un tas de terre. Ce sont des scènes de spectacles de rue qui ont récemment été censurées à Paris ou ailleurs.
À l'occasion du festival des Rias, dans le pays de Quimperlé (Finistère), une rencontre a eu lieu, vendredi, autour du thème : « création artistique en espace public : censure et autocensure ». Paroles de professionnels. L'effet Charlie Hebdo Caroline Loire, codirectrice du festival Onze bouge, à Paris : « Après les attentats de Charlie Hebdo, beaucoup de choses ont changé. En juin, nous avions programmé le spectacle Garden Party, de la Compagnie N° 8. Dans une scène, il y a des pistolets et des kalachnikovs. Des coups de feu, à deux pas du lieu de l'attentat contre Charlie Hebdo, était-ce prudent ? En accord avec le maire et la préfecture, on a choisi de déprogrammer le spectacle. J'assume cette décision. On ne pouvait pas faire autrement. » Une censure sécuritaire Paul Bloas, artiste de rue : « Récemment, j'ai collé des silhouettes sur des navires, au cimetière des bateaux à Landévennec, près de Brest. Je n'avais pas d'autorisation officielle. La Marine nationale a porté plainte pour des raisons de sécurité. J'estime que c'est une censure juste. J'ai été condamné à un rappel à l'ordre. Soit. Mais mon rôle d'artiste, c'est d'aller jusqu'au bout. » L'autocensure économique Alexandre Pavlata, auteur de la compagnie n° 8 : « J'ai été censuré plusieurs fois. J'avoue qu'aujourd'hui, je lisse mes spectacles. Pourquoi ? Parce qu'autrement je ne bouffe pas et que j'ai douze personnes derrière moi. » Le scandale fait peur Patrice Papelard, directeur du Centre national des arts de la rue de Villeurbanne (près de Lyon) : « Il faut parler avec les élus et les forces de l'ordre, et expliquer notre métier. Aujourd'hui, un coup de feu, un homme nu ou une petite culotte dans la rue créent le scandale. En vingt ans, je n'ai jamais connu ça. Parfois, j'ai peur. » Toujours de l'audace Ingrid Monnier, de Picnic production : « Les Squames, un spectacle, qui tournait depuis vingt ans, a été interdit à Angers, lors du festival des Accroche-coeurs, suite à des manifestations d'intégristes musulmans et catholiques. Cet incident ne doit pas freiner notre audace. Par exemple, jouer devant un monument aux morts est interdit. Pourtant, une compagnie passe outre, et son spectacle tourne bien : il en est à quarante dates. Il ne faut pas baisser les bras. » Lucile VANWEYDEVELDT. |