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[rue] Un break


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  • From: Gildas Puget < >
  • To: Liste Rue < >
  • Subject: [rue] Un break
  • Date: Thu, 24 Sep 2015 23:20:03 +0200

Le vin coule à grand flot dans mon verre tandis que je penche exagérément la bouteille, dans une culpabilité jubilatoire.
De tout mon coeur je suis ravi de m’en foutre et de boire, même si je sais parfaitement que c’est tout à fait nocif et que je suis alcoolique.
Je n’ai même plus à invoquer une ribambelle de fausses bonnes raisons, je le fais parce que mon geste le dicte, et puis merde.
Je ne crois même pas que je suis un pauvre minable, non.
Je bois avec panache, j’emmerde tout le monde, et de toute façon je suis un artiste.

J’ai pris mon plus beau verre, le grand, et j’y ai vidé un bon tiers de la bouteille. Je me cale dans le canapé, et fais rouler les 13 degrés de ce bon buzet dans ma bouche, pour sentir le léger picotement de l’alcool à l’intérieur de mes joues, avant de le laisser couler, par petites goulées, et emplir ma gorge de son nectar profond.
Le vin est la plus belle des choses.
Une chance tiens, qu’il m’accompagne, chaque jour.


Il était onze heures du soir et il devait bien faire encore 25 degrés.
La repré s’était magnifiquement passée, et toute l’équipe avait la banane. Quelques figures Toulousaines étaient venus nous voir, et nous étions ravis qu’ils en aient vu une bonne.
Alors, le chargement ne trainait pas. Stan et Arno avaient réglé leur compte aux flycases, et nous avions entièrement démonté le gradin avec François.
On était en sueur, d’autant qu’il avait fallu démonter direct, sans prendre de douche. Mais c’était Juillet, c’était le Sud de la France, le ciel était bleu électrique et nous n’avions même pas quarante ans.
On s’est jeté sur les gradins à quatre, et en un quart d’heure, je claquais la porte arrière du camion. On crevait de chaud, mais autour de nous la fête était finie, même la buvette était pliée.
Le programmateur, qui avait adoré le spectacle, est arrivé sourire aux lèvres, avec un grand plateau de bières fraîches, sous les applaudissements des copains.
« Non, merci, je fais un break… » j’ai lâché. Je suis allé me prendre une bouteille de flotte à l’avant, et j’ai bien vu le regard étonné de Stan. Arno, lui, n’y croyait pas une seconde. Il avait envie de se foutre de ma gueule, sans oser. Seul François avait trinqué avec ma bouteille en plastique, et son regard me disait que c’était bien. Ca m’a foutu les boules, mais je n’ai rien montré, bien sûr.


Je repense à la nana de la médecine du travail qui m’a dit qu’on faisait partie des professions à risque. Mais qu’on n’était pas les pires. Même si dans le bâtiment, ça c’est presque terminé, pour la gendarmerie ça reste un gros problème, avec une tradition, une culture de l'alcool. Elle était très sérieuse. 
Putain. Pas dégueu ce Buzet.
J’oscille entre l’envie de chialer et la fierté d’assumer ce que je fais. De toute façon, je t’en fais une liste des artistes alcooliques, mon pauvre… dans tous les domaines, musique, théâtre, art plastique, je te sors des dizaines de génies qui picolaient, des poètes, des écrivains, à la pelle. C’est comme ça, on est des blessés, on a un truc qui ne va pas, on est un peu dérangés. Alors on a besoin de ça, c’est pour accepter le monde.
Je me ressers un bon gros verre et je jette une pizza dans le four. Hop!!
Et pis mon cul, c’est aussi pour la fête, hein?! Nom de Dieu on aime bien la fête, nous, on aime bien l’excès, on aime bien quand ça va loin, trop loin, wouai!!
Je plonge le nez dans mon verre et j’inspire un grand coup.


Au pot d’accueil de ce festival, tout le monde avait été servi d’un verre de blanc, et moi, j’avais un jus d’orange dans un gobelet à consigne. Quand on avait trinqué, il fallait s’accrocher pour ne pas le balancer par terre et faire comme tout le monde. Mais j’avais tenu. J’ avais trinqué comme un pouilleux avec mon gobelet plastique, comme si j’étais malade.
Le soir venu, c’était open bar. Un peu à l’écart, je pouvais tout observer d’un coup d’oeil, parfaitement lucide. Le bar était le centre de tout, il attirait à lui les gens, de plus en plus joyeux, de plus en plus festifs, alors que je restais désespérément calme. Je ne voulais plus rien boire. On peut enquiller six bières, mais va boire six cocas, ou six ice-teas, même six verres d’eau. Les gens commencaient à devenir des abrutis, les conversations passionantes, quand on s’approchaient, étaient d’un niveau intellectuel ridicule. Et puis Arno a squatté l’ordin avec sa clef usb, et ça c’est mis à danser à mort, c’était la pure fiesta dans le chapiteau.
J’ai compris que danser comme un fou, c’est un truc que tu fais quand t’est bourré. 
Là, je n’avais aucune envie de me donner à fond, j’étais juste calme. 
Avant, j’adorais danser comme un dingue. J’étais moins chiant.


Putain chui carbituré, moa.
Wouw, j’ai la pêche putain! Bon, je vais pas me rouvrir une autre bouteille quand même mais utain, une tite bière quand même en fumant une clope!
Je sors sur le balcon et je regarde cette putain de ville grouiller. Salut les cons!
C’est comme ça, moa, ouais chui heureux. Chui défoncé et chui heureux.
Et puis merde, je vais pas m’apppirmoyer sur mon sort hé ho!!
C’est bon j’asssure hein je fais mes heures, chui intermittent kestukroi…
Faudra juste que je fasse un break, mais cet hiver.
Là c’est normal c’est la fin de saison jme rlache un peu.
Mais cet hiver, je ferai un break! Ou pas!!!
Hé hé hé… chui con.
Bon, je vais me reprendre une tite bière et pis après sérieux.
Demain on fait la route, quand même.
Rhaaaaa putain mais chui trop bien quoi!
J’aime trop la vie!!!!
J’en chiale, tiens...









  • [rue] Un break, Gildas Puget, 24/09/2015

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