NON JE NE SUIS PAS
EN GUERRE
Je suis en résistance,
certainement. A la connerie, au désespoir, à la mort et à la
grandiloquence. Et je ne défends pas notre mode de vie
inconditionnellement, certainement pas. J'en déplore un tas
d'aspects. Je me bats même, comme nombre d'entre nous, pour
qu'il soit meilleur, plus respectueux des hommes et de la
planète, plus fraternel et plus ouvert à l'autre. Se dire en
guerre veut dire que ce n'est plus à l'ordre du jour, qu'il faut
lever le pouce, lever des troupes, mener des actions, arrêter,
questionner, tuer, mettre en berne la démocratie, abandonner une
trâlée de ses droits. Je ne suis pas en guerre. La réponse n'est
pas bonne. A la guerre ce sont toujours d'abord les petits, les
pauvres qui en chient. A la guerre, on sait très vite ce qu'on
perd, la liberté d'abord, rarement ce qu'on gagne, nous les
pékins. Je soutiens la lutte de ceux qui ne veulent pas
abandonner leur pays à une horde fanatique. Je suis pour qu'on
les aide et les appuie, même militairement. Et je suis pour que
les forces de l'ordre dont c'est le métier fassent leur boulot.
Mais je ne suis pas en guerre.
Est-ce que ces hordes
menacent mon territoire ? Non. Nous avons droit à des
ambassadeurs de mort qui nous font peur, de pauvres types,
manipulés je ne sais comment, qui n'ont même pas le respect de
leur vie, qui tuent nos amis, nos frères, pour la simple raison
qu'ils sont dans ce pays. Nous sommes devenus otages de
stratégies de communication assassines qui profitent à l'envie
du tamtam médiatique pour pousser leurs pions et gagner une
partie mortifère que nous n'avons ni envisagée ni voulue. Et je
me demande ce que nous avons fait pour en arriver là, mais ce
dont je suis sûr c'est que nous avons fait quelque chose, dans
notre manière de participer à la gestion du monde, à son
pillage, à son ordre. Il y a matière à se questionner. Faire la
guerre c'est éluder la question en se cramponnant aux réponses
qui l'ont créée.
J'ai été estomaqué par
l'aise affiché par nos dirigeants dans cette tourmente. Ils
nagent sur cette crise comme des poissons dans l'eau. A croire
que cette République que nous avons construite n'a pas été
pensée pour temps de paix. Aujourd'hui, mis à part quelques gros
cons démagogues qui déshonorent leur fonction, les autres, tous
les autres, se sentent légitimés, porteurs d'une responsabilité
d'autant plus grave que nous sommes « en guerre ».
La guerre justifie le
Pouvoir et je n'aime pas ce pouvoir, ni la façon dont il
fonctionne.
Le combat n'est pas là.
Et se déclarer en guerre
n'empêchera pas que nous l'avons en partie déjà perdu.
Sur le front de l'éducation,
de la consommation, de l'environnement, du respect de l'autre,
de l'égalité des chances.
Même si le monde entier
semble faire les yeux doux désormais au doux climat de France,
nous avons tant perdu. Par lâcheté souvent, par inconscience
aussi, manipulés beaucoup.
Notre démocratie se fait sur
notre dos. La gestion du monde faite par les Grandes Puissances
-dont nous faisons partie- depuis la chute du Mur, s'est avérée
catastrophique. Qui de nous l'a décidée ? Personne. Qui va payer
la note ? Nous tous.
Taïaut, les lemmings !
Guerre contre qui ? Le
terrorisme ? Le terrorisme n'est pas une cause c'est un moyen.
Un moyen condamné, dégueulasse, mais un moyen quand même.
« Terroristes » c'était le nom que les nazis donnaient aux
résistants pendant l'Occupation. Daesh ? C'est trop d'honneur
leur faire, entrer dans leur jeu, leur donner une fonction et un
statut immérités. Guerre contre son ombre ? Oui, c'est bien de
cela qu'il s'agit. Tant il est vrai que Daesh et ses confrères
incarnent le soleil noir de cette civilisation branlante dont
nous sommes supposés défendre les lambeaux.
Non Monsieur le Président,
je ne suis pas en guerre. Légitime défense, sans doute. Mais
cette déclaration abusive et passablement boursouflée –sauf
votre respect- ne fait qu' "ajouter au malheur du monde".
Je suis en lutte. Contre les
conceptions imbéciles dont certaines sont portées par mes
compatriotes. Contre cette notion qui veut qu'on a raison quand
on écrase la gueule à l'Autre. Contre cette vision mortifère et
dévastatrice du Monde, comme ce besoin d'avoir toujours en face
un Satan pour justifier ses petites saloperies.
Ce que nous devons déclarer
in fine, et qui demande un bien autre arsenal que les salves de
rodomontades brandies ici ou là, c'est la Paix.
Parce que c'est là et là
seulement que notre honneur réside.
Pierre Prévost
Citoyen lambda
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