Liste arts de la rue

Archives de la liste Aide


[rue] Sur la question des "labels" du Ministère de la culture


Chronologique Discussions 
  • From: François Mary < >
  • To: < >
  • Subject: [rue] Sur la question des "labels" du Ministère de la culture
  • Date: Fri, 25 Mar 2016 00:26:03 +0100

Coup de gueule de Jean Michel Lucas sur la question des "labels" du Ministère de la culture.

 

Doc Kasimir Bisou

 

Chronique d'une loi ordinaire. Aujourd'hui l'article 3 de la loi Création architecture patrimoine : les labels du ministère ou le retour du féodalisme, des chevaliers de la reine et de va-nu-pieds.

 

L'article 3 porte sur les labels : le ministère de la culture entend apporter une aide conséquente à 400 structures artistiques au sein « d'une petite douzaine de labels ». Qui s'en plaindrait ?

 

Pourtant, cette reconnaissance nous ramène au bon temps de la féodalité : un grand seigneur qui choisit d'adouber ses chevaliers et le reste va nu pieds. La vérité est là : hors du label pour les 400, l'Etat ne prévoit rien et refuse même ouvertement que la loi envisage des conventions avec d'autres que les labellisés.

 

Le ministère de la culture considère, donc, comme négligeable le reste des projets artistiques qui sont, pourtant, reconnus par l'article 2 lequel a allongé encore la liste des projets pertinents pour l'intérêt général. ( Par exemple « les activités de création artistique pratiquées en amateur, » ou « les artistes, les auteurs, les professionnels et les personnes morales et les établissements de droit public ou de droit privé, bénéficiant ou non d’un label, qui interviennent dans les domaines de la création, de la production, de la diffusion, de l’enseignement artistique et de la recherche, de l’éducation artistique et culturelle, de l’éducation populaire et de la sensibilisation des publics » ).

 

De tout ce tas informe et plébéien, le ministère ne veut reconnaître et protéger que ses chevaliers labellisés ! Avant il le faisait avec discrétion ; avec l'article 3, il veut que la loi républicaine lui accorde ce privilège ! Par conséquent, il ne restera plus pour les autres cultueux que des miettes aléatoires et déconcentrées !

 

Le Sénat, lui, avait bien compris que ce retour au féodalisme était archaïque et mal adapté aux changements rapides du monde des arts. Il avait inscrit, dans l'article 3, la possibilité de conventionnement durable avec des acteurs culturels répondant aux critères d'intérêt général de l'article 2 ! Rien que de très logique. Dans cette ensemble de conventions, le ministère aurait pu se faire plaisir en décernant des labels aux plus méritants. Au moins, les acteurs ne faisant pas partie des 400 familles auraient eu un peu d'espoir de négocier un minimum de sécurité conventionnelle.

 

Mais le ministère s'est opposé fermement à cette possibilité. Il a montré sa vraie nature en refusant de sortir des remparts des labels. Non pas par manque d'argent ! Mais en raison de la nature même de sa politique culturelle : prévoir des conventionnements - c'est à dire avoir un œil ouvert sur la diversité des initiatives artistiques et culturelles - déstabiliserait la noblesse artistique de ce pays. Voici le texte de son amendement, d'une cruauté sans nom pour ceux qui ne sont pas adoubés dans la grande famille des 400 ; « la rédaction adoptée par le Sénat en introduisant le principe d’un conventionnement et en supprimant l’agrément du ministre chargé de la culture dénature le cadre de ce qui constitue la politique nationale actuellement en place pour les structures labellisées. Elle est porteuse de déstabilisation pour les structures du spectacle vivant et des arts plastiques bénéficiant actuellement d’un label. » On a tous compris : la nature même de la politique culturelle nationale, ce sont les labellisés « stabilisés » contre les autres qui ne le seront pas, les gros protégés contre les petits faiblards ! Ce texte de la République crée deux catégories d'acteurs culturels : les uns avec des garanties solides données par la loi via le label et les autres,.. rien ! Même pas l'idée de conventionnement ! Cet argument de la déstabilisation des plus gros quand tous les autres - hors des 400 - pataugent dans les difficultés économiques est incroyable. Une forme d'indignité que j'ai toujours mal vécue quand j'étais DRAC. C'est grave de la voir maintenant organisée par une loi de la République.

 

En adoptant l'article 3, les députés sont-ils à ce point naïfs qu'ils n'aient pas vu qu'en supprimant le conventionnement, d'un coté, le ministère se réservait - en pratique, se repliait - sur la bonne culture d'Etat et laissait, de fait, aux collectivités territoriales tout le reste du menu fretin de l'article 2 !!

 

J'espère que les labellisés, même au SYNDEAC, ne seront pas complices de cet état de droit qui laisse tomber le tiers-état des cultureux et ne protège que la chefferie labellisée. Curieuse république !

 

Il faut rétablir, dans l'article 3, le principe du conventionnement, c'est à dire le principe de garantir plus de sécurité pour beaucoup de projets en matière artistique et culturelle et non développer la "flexibilité" pour le plus grand nombre et promouvoir la stabilité pour les seuls privilégiés du prince.

 

Jean Michel Lucas

24 mars 2016


Cet e-mail a été envoyé depuis un ordinateur protégé par Avast.
www.avast.com


  • [rue] Sur la question des "labels" du Ministère de la culture, François Mary, 25/03/2016

Archives gérées par MHonArc 2.6.19+.

Top of page