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[rue] La rue se prend un coup de jeunes


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  • From: François Mary < >
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  • Subject: [rue] La rue se prend un coup de jeunes
  • Date: Thu, 31 Mar 2016 09:51:16 +0200

Les gentils désorganisateurs - Nous avons répondu à une journaliste que nous connaissons bien et nous partageons avec vous cet article, censé être payant, qui a pour objectif de "présenter" le Mili, notre mode de fonctionnement et nos objectifs. #‎JeunesEtDéters !

 

"Antifascistes, anti-autoritaires : les jeunes du Mili, dans la rue ce jeudi, secouent les manifs contre la loi travail. A Paris, depuis le début de la mobilisation contre la loi El Khomri, le Mili (Mouvement inter-luttes indépendant) est partout : en manif, en AG, « La rue se prend un coup de jeunes », dans les conversations aussi. Les plus chouettes de tous les anars parisiens, selon un libertaire quadragénaire, des casseurs ou provocateurs pour ceux qui leur prêtent des méthodes trop expéditives. Si certains défilent à visage découvert derrière leurs banderoles artisanales, beaucoup adoptent volontiers le pack gros pétards-fumigènes-cagoule-lunettes de plongée. Ils marchent vite, donnant aux cortèges une allure imposante, et n’ont pas peur de la police.

 

L’énergie qu’ils dégagent tend à prouver que la désorganisation est une force. Non pas que le Mili, une quarantaine de lycéens et ex-lycéens de 15 à 23 ans, soit radicalement bordélique. Mais cette bande de jeunes croit dur comme fer à la spontanéité, la souplesse et la libre association par affinités. Dans leur registre, qui va de l’agitation de rue à la préparation de banquets, ils sont diablement efficaces bien que groupusculaires.

 

Ils fixent les rendez-vous comme ils parlent, vite et sans fioritures, en plein après-midi : Tu viens à P1 ? me disent-ils. Devant Tolbiac, que des étudiants sont en train de repeindre en rouge, Julien, 20 ans, rameute sur le champ sept ou huit collègues à lui partants pour répondre à mes questions.

 

Direction la « bibliothèque autogérée de Tolbiac » (BAT), une petite pièce enfumée dans les étages qui sert de local de fortune. La petite troupe – que des garçons – a du mal à se concentrer. Ils s’interrompent en se balançant des vannes introduites par un wesh sonore, finissent les phrases les uns des autres. Il y en a qui entrent et qui sortent parce qu’une manif sauvage part de la fac tandis que des sirènes de police se rapprochent.

 

Sans vouloir assigner aux membres du Mili une identité sociale figée, Julien estime que 50 % viennent de l’Est parisien, 30 % de Seine-Saint-Denis et 20 % du Sud parisien, plutôt des couches moyennes et populaires. Comme lui, Franck et Karim sont élèves au lycée parisien Dorian en octobre 2013, quand éclate « l’affaire Leonarda », l’une des étincelles de leur engagement politique. L’expulsion de la collégienne kosovare Leonarda Dibrani et de l’étudiant arménien Khatchik Kachatryan déclenche un mouvement de solidarité lycéenne, avec son train de blocages et manifestations.

 

C’est là, au sein de l’assemblée générale inter-lycéenne, que se forme un noyau dur très méfiant quant aux syndicats UNL et Fidl. Franck (19 ans) leur reproche d’avoir pris la parole pour nous, alors qu’ils n’étaient que dix ou quinze personnes sur Paris. On n’avait pas envie qu’ils soient nos voix. Pour signer des tracts et répondre aux médias, le groupe se trouve un nom qui insiste sur leur autonomie par rapport aux organisations existantes : le Mili, mouvement inter-lycéen indépendant, rapidement transformé en « inter-luttes indépendant ».

 

Ils acceptent, l’espace de quelques semaines, d’avoir le NPA pour compagnon de route. Contre le « Jour de colère », ils collent ensemble des affiches sur le parcours, accompagnés de l’Action antifasciste Paris-Banlieue (AFA) et du Collectif antifasciste Paris-banlieue (Capab). Mais des divergences apparaissent. Le NPA n’est pas favorable à l’action plus offensive imaginée par le Mili et l’AFA pendant la manif : déployer une grande banderole sur un pont, sur laquelle il est écrit Valls, Marine, Dieudo, tous des fachos, accompagnée de force fumigènes. Avec le recul, Julien estime que le NPA ne s’est intéressé au Mili que pour nous pigeonner et recruter. Franck en conclut qu’ils ont eu peur alors que nous, on était lycéens, on avait 17 ans et on pesait 50 kilos.

 

Une petite dizaine de membres du Mili fait alors défection pour rejoindre le parti anticapitaliste, quelques autres partent aux Jeunesses communistes. Ceux qui restent, une base de trente personnes stables, collaborent volontiers avec l’AFA, qui n’a aucune volonté de nous récupérer, seulement de nous aider, insiste Julien.

 

Début 2014, d’autres jeunes arrivent en renfort, comme Hervé, 17 ans aujourd’hui et 15 à l’époque. J’étais en troisième, le seul de mon collège à aller au blocus pour Khatchik et Leonarda. À ses yeux, les partis politiques ressemblent à un truc vieux, chiant, qui donne pas envie. Il rejoint le Mili où il peut mêler la vraie vie et la politique. On est potes et on organise le maximum de choses ensemble.

 

Manifestations antifascistes, concerts, collecte de nourriture pour les SDF et les migrants, convois vers Notre-Dame-des-Landes, banquets contre l’état d’urgence… Le Mili diffuse les rendez-vous via son site internet, sa page Facebook (7 913 « likes » à ce jour) et son compte Twitter (423 abonnés). Objectif déclaré : Créer une base permettant aux différentes composantes de la “jeunesse” de rompre avec l’isolement, se rencontrer, s’organiser afin de se mesurer collectivement à ce monde et à sa violence indistinctement matérielle et existentielle. Le fond de l’air est anti-autoritaire et antifasciste, comme le résume Hervé : Quand j’ai rejoint le Mili, je savais juste que j’étais contre le racisme et que j’aimais pas trop la police. Petit à petit, j’ai développé mes idées. Julien reconnaît que le Mili a un côté activiste assez terre à terre : On ne met pas l’accent sur la théorie. Il n’y a pas une liste de bouquins obligatoires.

 

Lorsqu’on leur demande quand même quels textes les ont marqués, ils répondent d’une seule voix *L’Insurrection qui vient* du Comité invisible. Les plus grands lecteurs se sont plongés dans toute la série, de *Tiqqun* à *À nos amis*. Des textes pas faciles, bourrés de références, surtout les plus anciens. Julien et Franck se sont aventurés jusqu’à Debord, Vaneigem, Nietzsche et Spinoza. Un autre a un peu lu Marx. Karim, soudain un peu boudeur, reconnaît que pour sa part, il ne lit pas beaucoup. Côté documentaire, la bande partage quelques références communes, comme *Ne vivons plus comme des esclaves* de Yannis Youlountas, ou un documentaire sur les « diggers », un collectif de contre-culture anarchiste né à San Francisco dans les années 60.

 

Un sac de bonbons tourne pendant qu’ils retracent leur jeune histoire. La mort de Rémi Fraisse, et les manifs qui ont suivi, en est un autre jalon. On ne voulait pas seulement dire Rémi Fraisse est un martyr, mais aussi que la police, elle nous fait chier. Pendant cette mobilisation mais aussi au lycée Jean-Quarré, dans le XIXe arrondissement de Paris, occupé par des migrants à l’été 2015, ou au camp antinucléaire de Bure, ils font des rencontres et fraternisent avec ce que la génération précédente compte encore de révoltés. Derrière leur banderole, dans les manifs contre la loi El Khomri, on croise le regard bienveillant de quelques trentenaires (voire au-delà) séduits par la patate des plus jeunes. Pas beaucoup de filles, même si pas mal sont arrivées dernièrement, se défendent les garçons, ça prouve que c’est pas qu’un truc de mecs.

 

Leur look « black block » en manif peut en faire fuir certains (et certaines). Ils refusent pourtant d’être toujours réduits à ça, à cette image de violence. Julien met ces critiques sur le compte du gauchisme moral. On n’est pas non plus la cellule des Buttes-Chaumont. On nous traite de casseurs parce qu’il y a parmi nous des gens qui ont des pratiques de lutte plus radicales, mais d’autres ne les ont pas, explique l’un d’eux. Il y en a qui se tapent avec des flics ou des fafs, et d’autres qui diffent des tracts, résume Franck. Sans condamner ceux qui rentrent dans les banques à coups de pelle - certains sont de chez eux, d’autres non -, ils croient à la cohabitation de différents modes d’action. On n’est pas là pour dire qui est le bon et qui est le mauvais manifestant. Karim renchérit : On essaie de faire des cortèges où tout le monde peut être là. Il y en a un qui est “médic”, d’autres qui mettent du son.

 

Leur idéal ressemble au communisme, mais pas en mode Troisième internationale trotskard, précise Hervé. C’est à travers la révolte et la conflictualité que quelque chose peut se mettre en place. Julien parlerait plutôt de communes, de zones libérées comme la ZAD. Il y a plein de petites révolutions à mener. Le mouvement contre la loi El Khomri en est une, et les manifs de vendredi dernier, « La violence, c’est un plat qui se mange chaud et rapide »), répondant à une vidéo montrant un gros poing de CRS atterrir dans la figure d’un lycéen, les conforte dans cette idée. Quelques jours après les faits, Julien rappelle qu’on a souvent des retours de lycéens sur des événements similaires, à chaque blocus, en précisant que le Mili soutient toutes les initiatives des lycéens de Bergson.

 

Parfois, les petits gars du Mili reçoivent des mails ou des messages Facebook pour savoir s’il y a un Mili dans d’autres villes. Mais l’idée, c’est pas qu’il y ait des Mili partout. S’ils acceptent d’expliquer à ces volontaires comment on s’organise nous, ils s’en tiennent là : On veut pas leur donner des ordres."

 

 

 

L'article : https://lesjours.fr/obsessions/l-etincelle/ep7-mili/

 


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  • [rue] La rue se prend un coup de jeunes, François Mary, 31/03/2016

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