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[rue] Lettre ouverte à Laurent Grandguillaume, député PS de la Côte-d'Or


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  • From: Franck Halimi < >
  • To: Liste Rue < >
  • Subject: [rue] Lettre ouverte à Laurent Grandguillaume, député PS de la Côte-d'Or
  • Date: Mon, 2 May 2016 12:23:09 +0200

Salut, c'est Franck de Bourgogne.

À la veille du passage du projet de loi "Travaille !" à l'Assemblée nationale, je viens d'écrire la lettre ouverte suivante à Laurent Grandguillaume, député PS de la Côte-d'Or.

Voili.

Ami calmant.

@+ Franck de B.
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Laurent, l'étiquette sous laquelle tu es élu a commencé à gratter un certain nombre d'entre-nous peu de temps après que ses dirigeants soient entrés dans la place.
Et puis, -à force de démangeaisons- du grattage, nous sommes assez rapidement passés aux égratignures, tellement les décisions prises nous semblaient éloignées, non seulement du programme écrit sur lequel ces tenants du pouvoir avaient été élus, mais également des engagements qu'ils avaient pris les yeux dans les yeux avec nous lorsqu'ils étaient encore loin d'être en campagne.
Et, au fil du temps, le problème cutané s'est inexorablement étendu au sous-cutané.
Et c'est aujourd'hui une véritable septicémie qui infecte le corps politique dirigeant dans son entièreté.
Quand j'écris "dans son entièreté", je ne parle pas évidemment pas d'un grand nombre d'élus de terrain (qui se battent, aujourd'hui encore, avec conviction), mais de ceux qui, dans les sphères proches du pouvoir centralisé (et dès lors qu'ils sont en contact direct avec ceux qui sont devenus des oligarques tout-puissants) semblent devenir des "politichienchiens à leur mémaîtres".
Oui, je suis vigoureux et tranchant dans ce que j'écris là, mais c'est à la bassesse (car je ne pouvais décemment pas écrire "à la hauteur") de ce qui nous a été imposé depuis 4 ans maintenant.

Tu ne le sais que trop, je fais partie de la Coordination des Intermittents et Précaires, qui lutte depuis 2003 contre de successives conventions d'assurance chômage, plus injustes et plus inadaptées les unes que les autres.
Nous ne sommes jamais battus pour notre pré carré, et avons toujours eu en tête que ce que nous défendons, nous le défendions pour tous.
Nous n'avons pas été un simple mouvement d'opposition, mais une véritable force de proposition.

Sans jamais avoir baissé les armes de la contestation, ni de la persuasion, nous sommes devenus experts de nos propres problèmes, jusqu'à proposer un Nouveau Modèle d'indemnisation du chômage pour TOUS les salariés à emploi discontinu (sachant que 87% des contrats signés depuis quelques années déjà, sont des contrats courts et précaires).
Ce faisant, nous partions des réalités du terrain, de façon à adapter une réponse adaptée en terme de droits sociaux collectifs.
En regard de la flexibilité imposée au plus grand nombre sur le marché du travail, nous apportions donc une solution de sécurité -pour une continuité de droits- à l'ensemble des concernés.
À force de lutte et de pressions, nous sommes parvenus à faire chiffrer ce modèle par les "experts de la chose", qui en sont arrivés à la conclusion que notre proposition était la plus juste, la plus vertueuse et la plus économe pour l'assurance chômage.
Pour autant, ce Nouveau Modèle est resté soigneusement remisé au placard.
Et voili-t-y pas que, lors des dernières négociations en date sur l'assurance chômage (alors que Manu "militari" Valls nous avait juré la main sur le coeur que les annexes 8 et 10 des intermittents du spectacle avaient été "sanctuarisées" -et pourquoi pas "sanctifiées", pendant qu'on y est ?), le MEDEF nous ressort de nouvelles économies à faire sur le dos des chômeurs !
Tout ceci est une immense pantalonnade, à laquelle on pourrait sourire si elle ne laissait -malheureusement et tragiquement- une grande frange de la population sur le carreau (un exemple parmi des milliers d'autres : un intermittent marseillais handicapé s'est immolé par le feu devant une caisse de retraite, la semaine dernière).

Par ailleurs, parce que la convention d'assurance chômage de 2014 (ratifiée par le ministre du travail de l'époque, un certain Rebsamen) nous avait semblé peu conforme au droit, nous avions engagé une bataille juridique épique contre icelle.
Et le 5 octobre 2015, le Conseil d'État (plus haute juridiction administrative française) nous a rendu justice en déclarant ladite convention ILLÉGALE sur le fond.
Qu'aurait-il dû alors se passer ?
En toute logique et en toute intégrité, le gouvernement aurait dû remettre en cause la convention d'assurance concernée et demander aux partenaires sociaux de se remettre à l'ouvrage.
Hors, non !
Au lieu de ça, ceux-ci ont manigancé et tripatouillé des petits arrangements entre amis.
Et, le 18 décembre 2015, ils ont fait passer, sous le tapis, un texte qui remettait plus ou moins d'équerre les points déclarés illégaux.
Et, le Conseil d'État ayant stipulé que la convention se devait d'être conforme au droit le 1er mars 2016, un décret caché signé El-Khomri est venu rétablir (légalement, certes, mais d'une façon totalement opaque) le droit, le 29 février (heureusement que 2016 est une année bissextile, sinon je ne sais pas comment ils se seraient extirpés d'un tel guêpier...).

Bref, tu auras compris, Laurent, que toutes ces petites saloperies multipliées à l'infini, font que, aujourd'hui, le fleuve déborde.
Je ne reviendrai pas ici sur les manifestations -au sein desquelles les provocations de policiers en civil aboutissent à des violences (indéfendables de part et d'autre)- ni sur les légitimes revendications des Nuit Deboutistes, ni sur tout ce qui est en train de dégrader une société française dont les progrès sociaux (si chèrement acquis par nos aïeux) sont aujourd'hui dépecés en lambeaux par un gouvernement "socialiste" aux ordres de son "ennemi qu'est la finance".
Et si j'ai voulu prendre mon temps et expliquer le plus simplement et le plus synthétiquement possible cette situation-là, c'était pour montrer et démontrer que les véritables experts, aujourd'hui, sont ceux qui sont au contact du réel, ceux qui vivent les situations au quotidien et qui se retrouvent à devoir jongler avec une précarité qui devient trop dure à (sur)vivre.

Et si je m'adresse à toi, aujourd'hui, de cette façon-là (publiquement sur Facebook), c'est parce que tu te situes à un endroit charnière : ton travail en tant que député de terrain (c'est en tout cas encore comme ça que je te vois) et la place que tu es en train de te faire en tant que politicien de niveau national, font que (vu que tu as l'oreille des "GRANDS DE CE MONDE") tu vas avoir la responsabilité de faire passer un message que ces gens-là ne sont pas en mesure d'entendre.
Alors, merci de bien vouloir leur dire que nous ne lâcherons plus l'affaire.
Parce que nous savons qu'ils savent.
Parce qu'ils sauront que nous savons qu'ils savent.

Aujourd'hui, soit ils écoutent, entendent et font en sorte de faire le bien du plus grand nombre (ce pour quoi ils ont été élus), soit ils porteront la responsabilité devant l'histoire de ce qui va advenir.
Parce que quand on n'a plus rien, on n'a plus rien à perdre...

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  • [rue] Lettre ouverte à Laurent Grandguillaume, député PS de la Côte-d'Or, Franck Halimi, 02/05/2016

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