Mes doigts se sont suspendus un moment au-dessus du clavier, réalisant ce que j'avais à vous dire serait mal perçu par plusieurs centaines de personnes sur cette liste, qui pensent que les Cnar sont des citadelles hautaines, s'accaparant les subventions qui devraient revenir aux compagnies, déconnectées de la réalité de notre terrain, et sourdes à nos réels élans artistiques. D'autant que plusieurs centaines d'autres personnes, et parfois les mêmes, pensent également que les programmateurs sont généralement des cons, qu'ils se connaissent tous entre eux et forment une mafia amicale, ne prennent aucun risque et cantonnent leur programmation à des formes politiquement présentables pour maintenir leurs privilèges. Mais à vous tous qui vous reconnaissez dans ces opinions, je dois vous dire que j'ai vécu récemment une expérience, qui tend à prouver que deux d'entre eux échappent à cette sourde malédiction. C'est là une nouvelle suffisamment heureuse pour que je vous la raconte. Je partageais un repas avec un directeur de Cnar, celui de Poitou-Charentes, puisque je travaillais mon nouveau spectacle dans les hauteurs cossues de sa citadelle, qui s'avéraient être en fait les sous-sols spartiates d'une salle de spectacle communale. Je n'allais pas me priver de dire tout ce que je pense, et j'attaquais sur mon agacement à entendre parfois dire que les artistes ne prennent plus de risques, que les spectacles se formatent selon le cadre des festivals, que l'art de rue se commercialise et perd de sa fougue créatrice originelle. Je lui soutenais que ce fameux temps originel c'était celui d'années infiniment plus clémentes politiquement et financièrement, que les artistes aujourd'hui étaient plus que jamais aux abois, en danger. Que c'étaient eux, les Cnar et les programmateurs qui ne prenaient pas de risques, car c'étaient eux qui avaient les moyens financiers et politiques de laisser la place à la création! Eux qui pouvaient nous accorder des moments de rencontres artistiques où nous serions libres de mêler nos talents, sans regard vers la vente de spectacles, eux qui avaient les coudées franches pour nous offrir des moments uniques et sans contrainte pour rencontrer le public en sortant des cadres, en laissant libre cours à notre art! Eh bien il a dit d'accord. Il en a parlé à ce fameux programmateur (directeur de Coup de Chauffe à Cognac) qui n'est pas franchement un mafieux du milieu des arts de la rue, et figurez-vous que celui-ci, audacieux, a relevé le défi. Au final de l'édition prochaine, je vais donc avoir le plaisir d'inviter bon nombre des artistes programmés dans le festival à croiser leurs talents pour une forme unique, joyeuse et inattendue, comme une carte blanche. Je fais donc aujourd'hui appel à ceux qui pensent que c'est une initiative positive, et qui disposeraient de structures déambulatoires. Vous en avez peut-être qui s'empoussièrent dans vos hangars; combien les arts de la rue ont-ils créé de structures déambulatoires qui dorment actuellement? Il s'agit d'accorder la part la plus importante du budget à l'artistique et aux cachets, j'en recherche donc, que je pourrai modestement vous louer. Je cherche tout simplement une structure à suivre que je puisse équiper en lumière et son, sur laquelle serait juchée un comédien. Je vous remercie d'avance de votre solidarité. Salut la rue, Chtou |
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