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[rue] La rue est à nous


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  • From: Charlotte Meurisse < >
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  • Subject: [rue] La rue est à nous
  • Date: Sat, 20 Aug 2016 11:49:59 +0200

Après plusieurs jours de siége, les grilles sont tombées. Parce qu'on n'enferme pas une population festivalière qui fait corps avec une ville chaque année pendant 4 jours. Parce qu'on n'impose pas des règles absurdes à des gens venus là se nourrir d'images, de pensées, de vitalité et d'ivresse.

Nous, nous n'avons pas joué.

Parce que les gendarmes bombardaient l'ensemble de la place des carmes (vide) de bombes lacrymo. Parce que des manifestants préparaient des cocktails molotovs derrière notre plateau. Parce que nous même repoussions les restes des lacrymos à fragmentation enflammés qui menaçaient notre décor et celui de generik vapeur.

Ce fut pourtant court. En l'espace de deux heures nous sommes passées d'un festival sous surveillance à des scènes de guerilla urbaine pour retrouver une place des carmes "normale" : pas de contrôle, des fanfares, des festivaliers, des familles, des chiens et une pelleteuse ramassant des débris de poubelles et de grillages comme les restes d'un spectacle audacieux.

Tant mieux ? Aurions nous dû faire quelque chose dés le premier jour? Aurions nous dû refuser les fouilles systématiques ? Aurions nous dû refuser de vider nos bières cul secs à chaque entrée de ville sous couvert du risque de Daesh ? Etait-ce nécessaire de monter des barricades pour retrouver notre festival ? Est-ce qu'on va être obligé de monter des barricades pour brûler les règles absurdes ?

Hier, ma journée avait mal commencée. Parce qu'à la superette prés de la place des droits de l'homme, lorsque la cliente derrière moi a dit entre ses dents qu'elle n'en pouvait plus, la caissière a répondu "bientôt Marine". Comme un secret, comme une maxime, comme une prière pour ne plus avoir peur. Parce qu'elle pense que Marine va venir sur son fier destrier et lui enlever ses cauchemars. En l'occurrence son cauchemar du moment : une bande de "jeunes" drogués, arrachés, criant sur leurs chiens. Ce qu'elle voit du festival, c'est ce qu'il y a juste derrière la porte coulissante du magasin et les nouvelles dans la presse ce matin sur les "échauffourées" d'hier.

En sortant, j'ai vu comme tout le monde la vitrine du front national explosée et je me suis dit merde. Personne ne va expliquer à ces dames qu'il ne faut pas avoir peur. Qu'il n'y a pas de terroristes derriére tous les barbus. Qu'il n'y a pas de chômeurs derrière tous les babos à dread. Qu'il n'y a pas des délinquants derrière tous les sweats à capuche. Qu'il n'y a pas plus d'ordre derrière toujours plus de sécurité et plus de sécurité derrière toujours plus d'ordre. Que si cette vitrine est brisée, c'est plus un accident prévisible (parce qu'on ne laisse pas des photos de Marine Lepen sur une vitre place des droits de l'homme pendant le festival d'Aurillac - sauf à chercher un coup de comm') qu'une attaque.

Ce matin il pleut.

Je sais que nous jouerons tout à l'heure. Les gouttes ne nous arrêtent pas.

Mais pour demain et les jours suivants il va falloir se sortir les doigts.

Charlotte Meurisse

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  • [rue] La rue est à nous, Charlotte Meurisse, 20/08/2016

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