Bonjour Solen, Bonjour jeunes générations de cognes trottoirs,

Ca fait 15 ans que je n’ai pas lu un tel discours venant de ta génération sur l’état de la rue et la réalité des difficultés des jeunes créateurs . 

Lire le mail de Solen ci-dessous. Il est fondamental.

Il y a tout dans ton mail , tous les murs érigés pour vous barrer la route .

Et la profession qui fait toujours semblant de ne pas le voir ou ne pas le comprendre ou alors qui refuse de l’admettre.

Et ce n’est pas la fédé qui va le comprendre puisque la fédé organise de soit-disant lobbying pour faire avancer la cause en pure perte ce que l’on rejete fortement pour Monsanto, Bayer et les autres pollueurs fnsea on le met en application nous pour les arts de la rue, va comprendre quelque chose ? Les seuls résultats obtenus de ce lobbying c’est la mise en place des CNARS en 2003 donc des centres de tri de la profession chargé de prononcer le jugement du bon gout dominant institutionnel donc la mise à mort de la profession.

Je me répète mais toutes les commissions d’attributions d’aide sont pipées puisqu’elles servent uniquement à soutenir les créations les plus consensuelles, ceux qui vont obtenir les suffrages de la majorité de la commission. Supprimons toutes les commissions une oeuvre de salut publique.

Tu commences par les festivals c’est bien, pas d’effort de défrichage ils se contentent de leur carnet d’adresse habituel et d’une cie incontournable emergente de temps à autres déjà soutenue par l ‘institution donc pas de risques on suit le troupeau.

L’état du monde de la rue est mal en point c’est peu de le dire.

Prenez le temps de lire Solen.

Je trouve que ton texte devrait être lu et votre vidéo diffusée dans tous les bureaux de festivals et commissions d’aide aux subventions. https://www.youtube.com/watch?v=iXaqzOy1_zc

Bien entendu mon mail clivant était un appel à vos réactions  , je ne suis pas déçu merci Solen pour ton plaidoyer.

Salutations artistiques

Pascal Cacahuete

Bonjour monsieur Larderet,

tout d'abord, la "jeune génération" devrait dire : "on t'emmerde".

c'est la base, ça mange pas de pain.

en l'occurrence, à part avec cette prétérition, personne ne le fera, parce qu'il n'y a pas de On. Et c'est ça qui est inquiétant, en quelque sorte. Et pour d'autres raisons que l'on va dépiauter.

la "jeune génération", elle a entre 29 et 39 ans... "compagnies émergentes" il parait que ça s'appelle. Et elle est dispersée. Occupée à courtiser ou à subsister à coup de dossier de sub.

Avant cet âge là ? Tu en connais ?Avant ce âge là, et bin tu te fais les dents soit en école, soit dans la rue naturelle
Pourquoi on en connait pas ? parce qu'on va pas diffuser un spectacle, même bon, si son "porteur" n'a pas un minimum de pédigrée : ça aussi, c'est la base et ça mange pas de pain.

une compagnie émergente, quand ça veut sortir un spectacle hors de disneyworld, et bin y a pas de raison, elle fait comme tout le monde : elle joue pas, donc on la voit pas...
on l'entend pas non plus, et elle se reconvertit, elle s'adapte ou elle disparait. C'est Darwin qui nous a expliqué comment ça fonctionne.

Et les "jeunes" qui ouvrent leur gueule, et bin : de toutes façons, ils sont pas très crédibles parce qu'on les voit pas tourner... si t'as pas tourné un truc sur 200 dates, y a pas de raison qu'on écoute ton opinion, tout ce que tu peux penser, c'est mignon, mais ça manque d'expérience, donc autant pas trop la ramener.

La rue c'est comme le reste de la jungle capitaliste : il faut en avoir une grosse et avoir déjà montré que tu sais t'en servir pour qu'on accorde de l'attention à tes idées.

dans ce contexte les jeunes générations :
->  soit elles sont conforme au dispositif que VOUS avez mis en place et comme indiqué : elles sont CONFORMES, tout va bien.

-> soit elles veulent bousculer le monde, elles font du politique et culturel inoffensif et du coup, c'est à la mode, elles sont CONFORMES, tout va bien.

-> soit elles bousculent vraiment et dans ces cas là elles remuent (à minima) la merde. Mais pas dans le monde extérieur : dans le milieu des arts de la rue institutionnelle... et le milieu, pas con : il a mis en place des systèmes de présélection, des filtres, etc... du coup ceux là, ils n'accèdent jamais à une visibilité suffisante pour avoir un impact, ou, pour les plus malins qui auraient réussi à se faire une place, ils finissent par vouloir conserver cette place, et du coup : ils deviennent CONFORMES...!

oh surprise ! Tout va bien...

ou alors ils se font dégommés rapidement : dans le jargon, je crois avoir entendu (systématiquement pendant les 3 ans où on a opérer, systématiquement) : "attention, les gars, vous allez vous faire griller !" et du coup... tout va bien. (à part pour la compagnie...)

bon, rien de nouveau : c'est le principe des sélections !!! (de toutes les formes de sélections...)

On sélectionne suivant des critères qui peuvent être : choisir les plus moches et les plus méchants ou choisir les plus beaux et les plus commerciaux, mais on sélectionnera toujours ce qui est CONFORME aux critères prédéfinis.

Sur un plan collectif, c'est une catastrophe. Sur un plan évolutif aussi : à moyen terme on appauvrit notre patrimoine culturel d'une façon effrayante.

Donc, la merde n'arrive pas avec les CNARs, à mon sens, ni avec les administratifs, mais avec les dispositifs de sélection que sont les festivals, les subventions, les formations...

Je dis pas qu'il faut faire disparaitre les festivals, je dis juste que c'est inéluctablement lié à ces formes là de diffusion et de production.

Donc les jeunes générations (qui t'emmerdent avec respect, bien sûr), si elles sont pas trop débiles, elles partent vers les réseaux d'art contemporain, vers le canada, vers les super-marchés, je sais pas ce qu'elles font, mais elles restent pas dans ce milieux sans perspective.

Le Lieu Noir est le premier "lieu de fabrique" à avoir rejeté son conventionnement en 2012, en partie justement parce que vous refusiez de participer à ce système de présélection. (Je fais peut être une erreur en disant ça, mais il me semble que c'est comme ça que tu m'avais raconté cette histoire, donc corrige moi si je me trompe, sur ce point) C'est tout à ton honneur, et pour tout dire, j'ai beaucoup de respect pour ce geste. Donc je vais pas développé plus là dessus, je pense que tu es un des premiers à avoir senti ce piège et à avoir agis pour t'en sortir. Et à quel prix !

Bon voilà, j'ai posé mon caca, et puis aussi, c'est dur pour un gosse de se rebeller contre ses parents quand ils lui disent : "nous on a reconstruit un nouveau monde, on est des créateurs révolutionnaires, du coup, toi, mon enfant, je veux que tu sois libre de faire ce que tu veux."

c'est un peu ingrat de se rebeller contre un tel discours (même si bien sûr, il est faux). "il faut pas cracher dans la soupe quand même ..." (Combien de fois je l'ai entendu celle là ?)

Tout ça pour en arriver là :

La jeune génération elle est bien dans la merde, surtout ceux qui veulent faire bouger les lignes : ceux là, ils sont condamnés à une mort artistique douloureuse, humiliante et rapide.

Donc si tu les vois pas à l'UB, ni en festival... si ils ne peuvent pas publier d'articles, ni même jouer leur spectacle... peut être qu'effectivement cette génération là n'existe pas. Mécaniquement, on l'a fait disparaitre.

Donne moi des exemples contraires.

Allez, cite moi, pour rigoler une compagnie (de 1ère, 2ème, 3ème ou 4ème génération, comme vous voulez) qui est AUJOURD'HUI ouvertement et EFFICACEMENT contestataire, et qui est entrain de modifier le visage des institutions  ? (même juste des institutions des arts de la rue, soyons pas trop gourmands, juste des arts de la rue).

C'est pas rigolo, c'est ce que tu disais, en fait.

Mince, en fait, je suis d'accord avec toi...

Maintenant, je m'adresse à toi en parlant à tout le monde, pour faire cool.

Prochain coup, quand tu vois un ou une "jeune" (même de moins de 29 ans hein) qui semble casser les couilles au "système" des arts de la rue... pas pour de faux, pas parce que c'est à la mode et vendeur, pour de vrai. Un ptit gars ou une petite meuf qui y croit, qu'est pas con et qui te tord un peu les tripes à toi personnellement au point que tu préfères détourner pudiquement le regard, de peur que ça égratigne tes convictions...

Perle rare : va boire un grog avec, donne lui un peu de ton crédit et de ton attention (je parle même plus de tunes, on sait bien que ça existe plus ces trucs là), laisse toi transformer.

Et c'est pas un problème de reconnaissance, c'est un problème d'utilité public.

Sur un plan collectif, les opinions de la génération 1 et 2, et je mets Monsieur Crespin en première ligne (les meilleurs intentions du monde peuvent avoir les pires conséquences, et les pires intentions les meilleurs...), on voit clairement à l'analyse où elles nous ont menées. Il est peut être temps de changer de stratégie... Radicalement... Mais c'est dur de reconnaitre qu'on s'est planté.

 Il est URGENT d'abandonner la culture du PROJET dans laquelle on s'est enlisé depuis 15 ans (minimum), et d'inventer d'autres systèmes de distribution, d'achat et de vente, de production, qui ne soient pas basés sur la sélection.

Tout le monde devient débile avec ça. Entre dépression, désespoirs, paranoïa et érotomanie...

Quand j'ai dit ça en en mars 2013 (ça commence à dater) devant une soixantaine de dignitaires des arts de la rue au court d'un "panorama des chantier" à la FAIAR, je me suis fait défoncer. Métaphoriquement. Défoncé. Et tous ceux qui étaient d'accord avec moi, tous se sont planqués, pour ne pas se faire griller. L'odeur de la chair humaine, c'est appétissant, même quand c'est la notre. (Du coup j'en ai redemandé... mais au bout d'un moment, il reste plus grand chose sur le barbecue de l'institution.)

Je te fais passer un petit reportage qu'on a fait juste après le panorama, à Aurillac, une bêtise, mais

on y entend les paroles de quelques uns d'entre nous, qui donne leur point de vu (parfois poétique, parfois politique) sur cette question de la sélection.

On a fait ça en pirate, parce que personne n'aurait l'idée d'acheter une connerie pareille sur dossier https://www.youtube.com/watch?v=iXaqzOy1_zc. C'est du collectage, de la criée public, un jeu à l'échelle du festival. On l'a fait avec des bouts de ficelles, en chourant le matériel dont on avait besoin dans les magasins, mais on l'a fait.

Curieusement, 2 ou 3 ans plus tard, le festival d'Aurillac mandate Boueb (coucou Boueb, ça parle grave de toi à fond sur ce fil ;), pour mettre en place un dispositif similaire au même endroit. Et je trouve ça très bien dans le principe !

(C'est un copain, tout va bien) Mais pour les pirates de 2013, bin... tant pis ! Qu'est ce qu'ils sont devenu ?

Quasiment tout le monde s'en fout.

Dévoration de l'homme par l'homme, botanique de la mort.

Voilà un peu ce qu'elles ont a défendre les "jeunes" compagnies.

Pas des idées, pas des opinions.

Celles que tu vois, elles essayent de défendre leur sous-existence miséreuses, elles auront des opinions plus tard, quand elles pourront jouer sans flipper, sans conflit d'intérêt, sans se faire griller à tout bout de champs. (il est probable que ça n'arrive jamais).

Les autres, elles auraient besoin de reconnaissance. Pas pour le plaisir d'être féliciter, non non, juste pour pouvoir bosser sans piller les commerçants des villes où elles jouent...

Pour ceux qui sont arrivés au bout de ce mail, bravo, et fin du suspens,

je crois que tu as raison monsieur Larderet

alors voilà, la jeune génération n'a pas les moyens de dire qu'elle t'emmerde, en fait elle n'en a même pas l'envie, parce que le désir, c'est un luxe dans la société capitaliste, que l'on ne se payera pas.

donc la jeune génération ne t'emmerde pas monsieur Larderet, elle considère même que tu as raison.

avec beaucoup respect monsieur Larderet, avec beaucoup respect.

Bisous

Forces et courages !

--

Solen Briand

 Auteur de cirque et organe (d'un) des sens

Sorcier Urbain

06.73.62.11.76.
Cie Monsieur Solen
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