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[rue] Pourquoi il faut supprimer les administrateurs de spectacle vivant


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  • Subject: [rue] Pourquoi il faut supprimer les administrateurs de spectacle vivant
  • Date: Sat, 1 Jul 2017 01:09:43 +0200

J'écris ceci en tant qu'administrateur de production oeuvrant dans le spectacle vivant depuis une dizaine d'année. Issu de la vague des formations professionnalisantes des années 2000, je me réjouis d'avoir pu trouver autant de travail à si peu de frais, tant l'administration est devenu une contrainte et une nécessité si absolue dans nos compagnies, nos structures, nos lieux, notre sens.

J'écris ceci suite à une rencontre de présentation de l'association Lapas (réseau des professionnels de l'administration du spectacle) aujourd'hui à Montpellier qui veut favoriser et mettre en avant cette profession, et créant pour nous, exerçant ce métier, un espace d'échanges et de rencontres pour mieux l'exercer. Association que je compte rejoindre, pour mieux éviter encore le renforcement du pouvoir administratif dans notre secteur artistique.

Et parce qu'aujourd'hui, à la veille de l'application du protocole d'accord sur l'assurance chômage 2017, premier pas vers nos futurs drames, il me semble important de prendre la parole.


Pourquoi il faut supprimer les administrateurs de spectacle vivant ?

Parce qu'ils ne sont que la résultante de cette logique comptable qui nous domine et préside à nos projets, à notre travail. Parce qu'ils ne sont devenus à force d'expertise et de nécessité qu'une contrainte à la réalisation de l'acte artistique, une obligation dans le processus qui freine, restreint, et contraint l'artiste et le propos. Parce que la lecture comptable est devenue la seule variable prise en compte dans les relations avec les institutions, avec les partenaires, et qu'ils sont devenus les garants du respect de cette contrainte.

Parce qu'ils sont devenus la caution des institutions en anticipant de part leur métier les demandes administratives de plus en plus aberrantes de celles ci et en forçant les compagnies a se plier à ce moule, à tordre le projet pour rentrer dans les cases des lignes budgétaires et déformer sous le couvert de leur accompagnement l'acte et le propos artistique de l'artiste pour lui permettre d'accéder à la reconnaissance financière de leurs homologues institutionnels bien fort aises de leur position de pourvoyeurs de financements. Ils sont devenus caution en étant la preuve de la structuration obligatoire et demandée de nos compagnies, devenus non crédibles sans ces postes si désirés par nos financeurs.

Parce qu'ils se font complices, par la recherche de l'application pure et simple du règlement, de la loi, sans recul, sans compréhension du rapport à l'autorité, sans remise en question de celle ci, de la destruction petit à petit de toutes ces petites structures perdues et désolées face à la purge qui s'opère en se moment dans notre secteur des suites des « simplifications » administratives, des états d'urgence, des restrictions, des demandes grandissantes de « résultats » après projets. Complices aussi en formatant de l’intérieur des créateurs libres et jugés trop « grandes gueules » pour plaire, et remplir les cases...

Parce que pour beaucoup, ils ont oublié qu'avant d'être les garants du règlement, ils étaient les traducteurs de l'acte artistique en parlé administratif pour qu'une fois le contact et l'échange humain fait, alors se déroulait de manière formelle l'échange de papiers. Et non avant la réalisation du projet. Ils ont oublié que le parlé administratif ne devait être la résultante que de la décision politique et non sa condition sine qua none. Ils ont oublié qu'ils étaient là aussi pour remettre en cause les arguments spécieux, faciles, de formes, qui servent de prétexte a autant de décision fatales à bons nombres de compagnies, de projets, de festivals.

Ils ont de part leur position d'experts dans les structures oeuvré malgré eux à faire des directeurs artistiques, des porteurs de projets, des rêveurs, des créateurs, des poètes, des auteurs, des artistes, des chefs d'entreprises.

Passant le plus clair de leur temps à gérer des papiers, des dossiers, des budgets, plutôt que de se consacrer à leur réalisation artistique.

Combien de directeurs artistiques se sont faits des crises de nerfs face à des papiers qu'ils ne comprenaient pas ? Mais ont plus eu peur et obéis que pu les déchiffrer et s'apercevoir de leur non sens ?

Parce qu'ils portent au sein même des compagnies ces logiques comptables pour les appliquer dans nos structures, et ne portent pas le fer dans les institutions pour contrer cette logique. Les administrateurs sont devenus malgré eux les chiens de garde du système en forçant les compagnies à jouer ce jeu de l'intérieur. Et non en combattant ces logiques en mettant justement leur expertise face aux comptables des institutions.


Pourquoi il faut supprimer les administrateurs de spectacle vivant ?

Pour forcer les institutions, les partenaires, a revenir parler avec les artistes de projets et d'art, de culture, de peuple, des gens, des personnes. Et non plus de publics quantifiables. Non plus d'indicateurs de retombées. De résultats comptables.

Il faut supprimer les administrateurs pour supprimer les indicateurs chiffrés en créant la pénurie. En créant l'obligation pour ces techniciens de la culture d'état d'aller sur le terrain pour savoir ce qui a été fait de l'argent public.

20 ans que nous sommes gavés à l'obligation de quantifier nos résultats, obligation qui a favorisé l'émergence de ce métier nécessaire à cette quantification, rendant obsolète l'expertise de personnes de terrain, de regards humains.

Il faut supprimer ce métier pour rendre leur dossier de demandes de subventions qui nécessitent tant d'heures de travail inutile, inutiles justement. Comment expliquer que pour obtenir 1000 euros de subvention, il faille en dépenser 500 en temps de travail d'un administrateur pour remplir le dossier ? Et 500 autres encore pour remplir les dossiers de bilans ? Et tout ça pour produire des tableaux qui ne seront compréhensibles que par d'autres administrateurs ? Qui ne serviront à aucune réelle analyse de la portée de nos actions ? Ne refléteront rien de la réalité de l'impact de nos travaux et de nos créations sur les territoires que nos compagnies traversent à longueur d'année ? Dont ne resteront que des notes de bas de page dans des dossiers couverts de poussières dans des étagères trop étroites remplies de notes administratives dans les archives de nos tutelles ?

Il faut supprimer les administrateurs du spectacle vivant pour arrêter de penser avant la création aux coûts, aux lois, aux contraintes à venir et redonner de l'air aux créations qui deviennent toujours plus petites, plus légères, plus faibles.

Il faut supprimer les administrateurs du spectacle vivant pour soulager le fardeau des créateurs de compagnies de cette omniprésente charge de travail, de ce stress du couperet administratif, de cette gabegie d'énergie insensée que les directeurs et directrices de compagnies subissent avant même de faire leur premier cachet.

Il faut supprimer les administrateurs du spectacle vivant pour arrêter de faire peur aux nouveaux créateurs et aux jeunes, prochaine génération, futures vieilles gueules de nos secteurs artistiques.

Il faut supprimer les administrateurs du spectacle vivant pour que la décision politique soit faite sur des choix politiques et non plus sur des analyses comptables.

Il faut supprimer les administrateurs pour revenir à des gens qui portent avec les artistes des projets et sont justes là pour les exprimer dans les rares papiers de formes demandés.

Il faut supprimer les administrateurs pour revenir aux simples nécessités d'un secrétariat comptable limité.

Il faut supprimer les administrateurs pour qu'on ne parle plus jamais de cadre, de loi, de contrainte budgétaire, d'obligation administrative mais avant tout de la raison d'être de notre action.

Il faut supprimer mon métier, car je ne peux pour l'exercer que voir mourir tous ceux qui ne peuvent me payer, moi ou mes collègues administrateurs et administratrices, mourant de leur incapacité à répondre aux demandes administratives...

Et ça fait beaucoup trop de monde à mon goût.


Il est grand temps à mon sens que les administrateurs et administratrices du spectacle vivant se réveillent un peu et défendent, forts de leur regard et expertise, et de leur maîtrise des mots et des lois, nos structures et les artistes pour porter la bataille qui nous attend pour nos libertés dans l’espace public.


David Cherpin
Administrateur de production
Cie Albedo
Cie Cacahuete
Les Nuits du Chat





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