Merci pour ce très beau texte qui décrit bien les problèmes
auxquels nous sommes confrontés. En tant qu'artistes ou
directeur/rice artistique, on ne s'en sort pas de tout
l'administratif sans l'aide d'une personne dont c'est le métier.
On s'épuise, on passe à côté des subventions, on se meurt à petit
feu. Mais n'est-ce pas une certaine volonté politique ? Combien de
compagnies ont arrêté de faire des demandes de subvention sachant
le temps et l'énergie demandés qui les éloignent de leur mission ?
Je suis partante pour une mobilisation sur le sujet.
Mariss,
">
J'écris ceci en tant
qu'administrateur
de production oeuvrant dans le spectacle vivant depuis une
dizaine
d'année. Issu de la vague des formations professionnalisantes
des
années 2000, je me réjouis d'avoir pu trouver autant de travail
à
si peu de frais, tant l'administration est devenu une contrainte
et
une nécessité si absolue dans nos compagnies, nos structures,
nos
lieux, notre sens.
J'écris ceci suite à une
rencontre de
présentation de l'association Lapas (réseau des professionnels
de
l'administration du spectacle) aujourd'hui à Montpellier qui
veut
favoriser et mettre en avant cette profession, et créant pour
nous,
exerçant ce métier, un espace d'échanges et de rencontres pour
mieux l'exercer. Association que je compte rejoindre, pour mieux
éviter encore le renforcement du pouvoir administratif dans
notre
secteur artistique.
Et parce qu'aujourd'hui, à
la veille
de l'application du protocole d'accord sur l'assurance chômage
2017,
premier pas vers nos futurs drames, il me semble important de
prendre
la parole.
Pourquoi il faut supprimer
les
administrateurs de spectacle vivant ?
Parce qu'ils ne sont que la
résultante
de cette logique comptable qui nous domine et préside à nos
projets, à notre travail. Parce qu'ils ne sont devenus à force
d'expertise et de nécessité qu'une contrainte à la réalisation
de
l'acte artistique, une obligation dans le processus qui freine,
restreint, et contraint l'artiste et le propos. Parce que la
lecture
comptable est devenue la seule variable prise en compte dans les
relations avec les institutions, avec les partenaires, et qu'ils
sont
devenus les garants du respect de cette contrainte.
Parce qu'ils sont devenus
la caution
des institutions en anticipant de part leur métier les demandes
administratives de plus en plus aberrantes de celles ci et en
forçant
les compagnies a se plier à ce moule, à tordre le projet pour
rentrer dans les cases des lignes budgétaires et déformer sous
le
couvert de leur accompagnement l'acte et le propos artistique de
l'artiste pour lui permettre d'accéder à la reconnaissance
financière de leurs homologues institutionnels bien fort aises
de
leur position de pourvoyeurs de financements. Ils sont devenus
caution en étant la preuve de la structuration obligatoire et
demandée de nos compagnies, devenus non crédibles sans ces
postes si désirés par nos financeurs.
Parce qu'ils se font
complices, par la
recherche de l'application pure et simple du règlement, de la
loi,
sans recul, sans compréhension du rapport à l'autorité, sans
remise en question de celle ci, de la destruction petit à petit
de
toutes ces petites structures perdues et désolées face à la
purge
qui s'opère en se moment dans notre secteur des suites des
« simplifications » administratives, des états
d'urgence, des restrictions, des demandes grandissantes de
« résultats » après projets. Complices aussi en formatant de
l’intérieur des créateurs libres et jugés trop « grandes
gueules » pour plaire, et remplir les cases...
Parce que pour beaucoup,
ils ont oublié
qu'avant d'être les garants du règlement, ils étaient les
traducteurs de l'acte artistique en parlé administratif pour
qu'une
fois le contact et l'échange humain fait, alors se déroulait de
manière formelle l'échange de papiers. Et non avant la
réalisation
du projet. Ils ont oublié que le parlé administratif ne devait
être
la résultante que de la décision politique et non sa condition
sine
qua none. Ils ont oublié qu'ils étaient là aussi pour remettre
en
cause les arguments spécieux, faciles, de formes, qui servent de
prétexte a autant de décision fatales à bons nombres de
compagnies, de projets, de festivals.
Ils ont de part leur
position d'experts dans les structures oeuvré malgré eux à faire
des directeurs
artistiques, des porteurs de projets, des rêveurs, des
créateurs,
des poètes, des auteurs, des artistes, des chefs d'entreprises.
Passant le plus clair de
leur temps à
gérer des papiers, des dossiers, des budgets, plutôt que de se
consacrer à leur réalisation artistique.
Combien de directeurs
artistiques se
sont faits des crises de nerfs face à des papiers qu'ils ne
comprenaient pas ? Mais ont plus eu peur et obéis que pu les
déchiffrer et s'apercevoir de leur non sens ?
Parce qu'ils portent au
sein même des
compagnies ces logiques comptables pour les appliquer dans nos
structures, et ne portent pas le fer dans les institutions pour
contrer cette logique. Les administrateurs sont devenus malgré
eux
les chiens de garde du système en forçant les compagnies à jouer
ce jeu de l'intérieur. Et non en combattant ces logiques en
mettant
justement leur expertise face aux comptables des institutions.
Pourquoi il faut supprimer
les
administrateurs de spectacle vivant ?
Pour forcer les
institutions, les
partenaires, a revenir parler avec les artistes de projets et
d'art,
de culture, de peuple, des gens, des personnes. Et non plus de
publics quantifiables. Non plus d'indicateurs de retombées. De
résultats comptables.
Il faut supprimer les
administrateurs
pour supprimer les indicateurs chiffrés en créant la pénurie. En
créant l'obligation pour ces techniciens de la culture d'état
d'aller sur le terrain pour savoir ce qui a été fait de l'argent
public.
20 ans que nous sommes
gavés à
l'obligation de quantifier nos résultats, obligation qui a
favorisé
l'émergence de ce métier nécessaire à cette quantification,
rendant obsolète l'expertise de personnes de terrain, de regards
humains.
Il faut supprimer ce métier
pour
rendre leur dossier de demandes de subventions qui nécessitent
tant
d'heures de travail inutile, inutiles justement. Comment
expliquer
que pour obtenir 1000 euros de subvention, il faille en dépenser
500
en temps de travail d'un administrateur pour remplir le
dossier ?
Et 500 autres encore pour remplir les dossiers de bilans ? Et
tout ça pour produire des tableaux qui ne seront compréhensibles
que par d'autres administrateurs ? Qui ne serviront à aucune
réelle analyse de la portée de nos actions ? Ne refléteront
rien de la réalité de l'impact de nos travaux et de nos
créations
sur les territoires que nos compagnies traversent à longueur
d'année ? Dont ne resteront que des notes de bas de page dans
des
dossiers couverts de poussières dans des étagères trop étroites
remplies de notes administratives dans les archives de nos
tutelles ?
Il faut supprimer les
administrateurs
du spectacle vivant pour arrêter de penser avant la création aux
coûts, aux lois, aux contraintes à venir et redonner de l'air
aux
créations qui deviennent toujours plus petites, plus légères,
plus
faibles.
Il faut supprimer les
administrateurs
du spectacle vivant pour soulager le fardeau des créateurs de
compagnies de cette omniprésente charge de travail, de ce stress
du
couperet administratif, de cette gabegie d'énergie insensée que
les
directeurs et directrices de compagnies subissent avant même de
faire leur premier cachet.
Il faut supprimer les
administrateurs
du spectacle vivant pour arrêter de faire peur aux nouveaux
créateurs et aux jeunes, prochaine génération, futures vieilles
gueules de nos secteurs artistiques.
Il faut supprimer les
administrateurs
du spectacle vivant pour que la décision politique soit faite
sur
des choix politiques et non plus sur des analyses comptables.
Il faut supprimer les
administrateurs
pour revenir à des gens qui portent avec les artistes des
projets
et sont justes là pour les exprimer dans les rares papiers de
formes
demandés.
Il faut supprimer les
administrateurs
pour revenir aux simples nécessités d'un secrétariat comptable
limité.
Il faut supprimer les
administrateurs
pour qu'on ne parle plus jamais de cadre, de loi, de contrainte
budgétaire, d'obligation administrative mais avant tout de la
raison
d'être de notre action.
Il faut supprimer mon
métier, car je
ne peux pour l'exercer que voir mourir tous ceux qui ne peuvent
me
payer, moi ou mes collègues administrateurs et administratrices,
mourant de leur incapacité à répondre aux demandes
administratives...
Et ça fait beaucoup trop de
monde à
mon goût.
Il est grand temps à mon sens que les
administrateurs et administratrices du spectacle vivant se
réveillent un peu et défendent, forts de leur regard et
expertise, et de leur maîtrise des mots et des lois, nos
structures et les artistes pour porter la bataille qui nous
attend pour nos libertés dans l’espace public.
David Cherpin
Administrateur de production
Cie Albedo
Cie Cacahuete
Les Nuits du Chat
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