Juste une heure de différence (17H38
ici).
Le soleil vient de se coucher, la température va descendre de 50 degrés à
38 degrés.
Cool !!!! Les gens vont sortir. Nous
avons joué deux soirs dans deux villes près de la mer….
Pour les saoudiens, c'est totalement
inconnu le spectacle de rue….
Regardent-ils vraiment ? Comme partout maintenant, ils filment avec leurs téléphones portables et ne profitent pas de l'instant.
Nous sommes les rares à jouer en fixe.
Il y a un service de sécurité démesuré, parce que les orgas ne savent pas
comment ça va réagir.
Nous n'avons à faire à aucun saoudien,
ni dans l'organisation, ni dans quoi que ce soit.
Egyptiens, Palestiniens, Hindous,
Philippins….. Aucun saoudien (il y a pourtant 40% de chômage chez les
saoudiens)
Tous ces gars (parce qu'évidemment il
n'y a que des gars) ne souhaitent pas rester ici, sauf les palestiniens qui
sont nés ici.
Le public est placé en deux zones : la
Single zone (pour les hommes et les célibataires mâles) et la Family zone (les familles, mais surtout les femmes toutes habillées de noir ne laissant passer que les yeux…
Les saoudiennes portent
l'Abaya (la robe noire large) avec l'hijab (le foulard) et le niqab (le foulard
qui planque tout le visage sauf les yeux. C'est horrible…).Ce matin, j'ai vu un tout petit se casser la figure, et ensuite se tromper de maman, parce qu'elles sont toutes habillées comme ça.
Cette tradition date des assyriens, donc
bien avant le prophète et même le Jésus, mais ça ne l'empêche pas d'être vraiment débile.
On notera que la burqa, la cage en grille qu'impose les talibans aux femmes, ne date que des années 90. Le port de cette burqa est clairement d'échapper aux regards concupiscents des mâles. Ce n'est pas la définition nettement plus hypocrite du niqab qui parle de respect de soi-même…. Bienvenu au pays des tartuffes.
Si tu vois quelqu'une avec juste
l'hijab, ce n'est pas une saoudienne, ou alors c'est une saoudienne qui déjeune, parce que certaines n'enlèvent même pas le niqab pour manger, ni pour éternuer d'ailleurs.
Le corps ne peut être vu que par les très très proches.
J'ai même lu l'histoire d'un saoudien qui, le jour du mariage, après avoir dit Oui, à soulever le niqab de la fiancée et en découvrant son visage, s'est rétracté. L'humiliation subit par la femme a scandalisé tous les participants… Affreux.
Même les gosses ne se baignent pas à poil, mais en tee
shirt.
Il n'y a évidemment que les hommes qui
peuvent se baigner en maillot de bain (mais à la piscine seulement).
Dans la longue liste de ceux qui
respectent ou pas les droits de l'homme, les saoudiens sont dans les dix
derniers.
La femme n'a pratiquement aucun droit.
Elle est considérée comme une enfant. Si elle
veut aller chez le médecin, voyager ou renouveler son passeport, elle a besoin
de l’autorisation écrite de son tuteur, voire même
pour sortir de prison.
Le mari peut l'envoyer en prison s'il estime qu'elle a
regardé trop longtemps quelqu'un, ou trucs aussi débiles que ça. Une fois sa
peine faite, le même mari doit donner son accord pour qu'elle sorte de prison ;
si non, elle y reste.
Heureusement, ce régime monarchique et
religieux a eu peur d'un printemps arabe potentiel chez lui. Il a lâché un chouïa de lest pour le droit
des femmes, comme l'obligation de ne pas être mariée avant 16 ans, et quelques
initiatives ou elles n'ont pas à demander d'autorisation au mâle dominant.
Il a été même reconnu que le viol
était un délit.
Dans les faits, c'est pas évident. Tu
tombes sur un mari super connard qui veut te violer, tu veux porter plainte,
mais tu dois avoir l'autorisation de ce même connard pour la plainte. Du coup,
depuis plusieurs années, la propension des saoudiennes à chercher à se marier
ailleurs est tangible. ça panique la royauté et les religieux, surtout quand
ils ont vent de mariages entre saoudiennes et pakistanais. L'ennemi juré étant
le non-arabe.
Ici, comme chez les sikhs du Pakistan ou de l'Inde, la femme apporte une dot pour son mariage… Le problème est le même pour les femmes dans les deux communautés : elles peuvent être répudiées et le mari garde la dot. Seule différence en cas de divorce, le mari saoudien doit verser une pension pendant quatre mois et demi à son ex femme (génial, non ?).
En Arabie Saoudite, en tant qu'homme, vous avez "droit" à quatre femmes maximum… 2% de la population seulement parce qu'il faut être riche pour "entretenir tout ce petit monde" sachant que si elles veulent travailler, c'est un vrai parcours du combattant (pas le droit de conduire déjà). En fait 70% des saoudiens vivent la monogamie, et les femmes sont farouchement contre. Il y a de la "rebellitude", mais avec beaucoup de courage…. (2013 : une femme saoudienne s'est mise à conduire pendant plusieurs heures en se filmant. Deux femmes ont été arrêté en 2016 pour avoir épouser plusieurs hommes). A chaque fois, c'est un pas contre le conservatisme et le traditionalisme séculaire très lourd. L'hiver dernier deux étudiants proposaient des câlins gratuits dans la rue… ça a marché auprès de la population jeune qui en a plus qu'assez du port des gandouras blanches et qui souhaiterait une société plus moderne. Mais en même temps, les traditionalistes religieux froncent le sourcil et sont plus conservateurs que jamais.
Les avancées sont vraiment infimes mais réelles grâce aux réseaux
sociaux qui retransmettent les humiliations subies par les femmes. Par exemple,
elles se faisaient tout le temps reprendre par la Muttawa (la police religieuse
au doux sous titre de : Commission pour la promotion de la vertu et la
prévention du vice (rien que ça…). Cette police était composée pour une grande
partie d'anciens repris de justice. A force de vexations, et suite aux
révolutions arabes, le Pouvoir royal a retiré une grande partie des pouvoirs de
nuisance de cette police religieuse.
Bref, ce n'est pas cool du tout. C'est
même super hard ! Pour comprendre , un peu d'histoire :
En 1745, la tribu des Saoud, guidée par Muhammad ibn Saoud,
signe un pacte avec un théologien réformateur, puritain et très orthodoxe,
Muhammad ibn Abd al-Wahhab, qui comporte l'engagement de combattre pour la
défense de l'islam et la stricte application, dans la société, de la charia
islamique. Cette alliance permet à la doctrine rigoriste du wahhabisme d'être
diffusée dans presque toute l'Arabie à mesure que s'étend un premier État
saoudien, de 1803 à 1814. Sa destruction par Méhémet-Ali, vice-roi d'Égypte,
n'empêche cependant pas la tribu des Saoud de poursuivre la lutte pour
l'unification de la péninsule. Au début du XXe siècle, les Saoud fondent le
royaume, après avoir conquis Riyad, le Hedjaz (1926) et La Mecque.
Le 22 septembre 1932 naît le «royaume d'Arabie Saoudite».
Depuis le règne d'Abd al-Aziz III ibn Saoud (1932-1953), artisan de la
formation du royaume, cinq rois se sont succédés sur le trône. Le règne de son
successeur, son fils Saoud (1953-1964), est désastreux du point de vue
financier: après avoir conduit le pays à la faillite, il est déposé le 1er
novembre 1964 par le conseil de famille et celui des ulémas (docteurs de la loi
musulmane). C'est son demi-frère Faysal, déjà associé au pouvoir depuis 1958 en
qualité de président du Conseil, qui est désigné comme successeur. Faysal Ier
met en œuvre le développement planifié du pays, auquel il consacre une part
importante des ressources pétrolières. Il inaugure un style de gouvernement,
imité par ses successeurs, qui allie le développement économique à une
politique de redistribution des richesses (on lui doit la gratuité de services
tels que la médecine, l'éducation et les transports) et de maintien d'une
stricte observance des principes de l'islam par l'ensemble de la société.
Faysal autorise la publication d'un Code du travail (qui ne
reconnaît cependant ni les syndicats ni le droit de grève),
(Heu…. prémonitoire pour la France ? ), la mise en place
d'un système de sécurité sociale, l'abolition de l'esclavage (en 1962), la
création – malgré les fortes réticences des théologiens consultés – d'un réseau
de télévision.
On notera que ce sont les Etats Unis qui ont découvert le pétrole en Arabie Saoudite, qu'ils se sont bien gavés mais petit à petit, Faysal a racheté des parts de la société d'exploitation que l'Arabie Saoudite détient aujourd'hui à 100%.
La différence entre le wahhabisme et le salafisme est mince mais important dans ce qui a donné Daesh, à savoir que le salafisme souhaite un califat coranique…. Ce que propose Daesh. Le royaume a eu peur des printemps arabes, de la baisse du pétrole, des représailles et de la concurrence que représentait Daesh. Il s'est rangé au côté des opposants mais qui est dupe ?
Et les arts de la rue dans tout ça ? Et l'espace publique dans tout ça ?
Par quel bout de la lorgnette regarder le monde ?
Le monde qui supporte qu'un pays nie à la femme d'être juste une humaine normale, libre et indépendante ?
Pour terminer, parce qu'il faut bien terminer, une belle pensée pour une bien belle personne des Jo Bithume (Jo Pourave pour les Goulus), Phiphi… On devait aller le voir chez lui, on croyait qu'on aurait le temps. J'ai une grande affection pour toute cette équipe incroyable, qui s'est donnée pendant des années, contre vents et marées, contre la non reconnaissance de ses pairs (on ne comprendra jamais pourquoi), et qui a beaucoup inventé, initié, et bossé.
Et puis un remerciement à Mathurin Gasparini pour sa réponse hyper pertinente à une écriture bien pompeuse, bien précieuse et un peu creuse…
Jluc
Les Goulus
77, rue des Cités
93 300 Aubervilliers
Tél : +33 (0)1 48 58 78 78
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