- From: La Rabia <
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- Subject: Re: [rue] Inter mi-temps
- Date: Thu, 23 Nov 2017 12:27:54 +0100
Le Wed, 22 Nov 2017 19:49:34 +0100,
Chtou Qualité Street
(
via rue Mailing List)
toujours très juste
merci
Serge
<
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a écrit :
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Calé comme ça, les jambes bien écartées pour ne pas faire de connerie
>
dans mon état, je pisse tranquillement sur le talus, en levant le nez
>
aux étoiles, et nom de diable je me sens merveilleusement bien. De
>
tout temps, j'ai aimé l'ivresse. Ça te caresse les entrailles, ça te
>
délie la langue, ça te soulève la joie, regarde: je rigole bêtement
>
en hoquetant et je m'en fous. Je pisse avec les anges, et
>
franchement, je trouve qu'il n'y a rien de meilleur au monde que
>
d'être légèrement bourré...
>
>
Je me retourne en cahotant, et l'image me saisit… ce petit oasis de
>
chapiteau, les guirlandes qui l'invitent à danser, les chiottes
>
sèches à contre-jour, les corps qui chaloupent dans ce rayon
>
orange-feu, l'air doux et cristallin de ce mois de Juillet, bon sang
>
mais c'est pas beau ça? Y'a-t-il plus beau qu'un petit festival de
>
rue bien roots en plein été? Il est là, monté dans ce champ, et
>
derrière, la hanche d'une courbe noire de hauts sapins, et les monts
>
auvergnats. Et la lune.
>
>
Vivre des moments comme ça, et se sentir à sa place, hé bien c'est
>
pour ça que je me bats, c'est pour ça que je lutte, c'est pour ça que
>
j'ai monté c'te compagnie, et c'est le meilleur truc qui me soit
>
arrivé avec la naissance de mon fils…
>
>
L'angoisse me presse un peu les poumons, et je dessaoule en assurant
>
quelques pas. Il faut pas trop se la mettre ce soir, quand même,
>
demain, je suis attendu à la maison, et pas qu'un peu. Il faut que je
>
m'assoie pour faire redescendre. Je m'installe à la romaine,
>
tranquille, et je regarde les ombres danser... Fais le point mec,
>
Julie, elle en a marre... Et pas qu'elle.
>
>
Je revois le départ, quand les autres sont venus me chercher.
>
Léo était tout excité, il criait son petit cri suraigu, j'aime pas
>
quand il est comme ça, il fait son suractif. Béné, qui passe toujours
>
carrément bien avec les enfants en tournée, a essayé de lui parler
>
gentiment, mais il ne la regardait pas, on aurait dit qu'il ne la
>
voyait pas. Tout ce qu'il a fait c'est me mettre un coup de poing
>
super violent dans les roustons, j'ai eu carrément mal, quel petit
>
con, merde! Je ne pouvais pas gueuler, pas à ce moment-là... et Julie
>
qui tirait la tronche… C'est pas une bonne idée qu'ils viennent me
>
prendre chez moi. Julie a toujours l'impression que je pars en
>
vacances avec mes potes. Alors bien sûr, c'est vrai que j'ai un
>
chouette boulot, mais bon on prend sur nous aussi, pour qu'il y ait
>
une bonne ambiance, il faut se les taper les 8h de camion, sur une
>
banquette de Transit… Julie pense qu'il est peut-être surdoué. En
>
tout cas je ne me sentais pas moi même, tiraillé entre l'envie
>
d'embrasser ma femme, l'envie frustrée de faire un calin d'un père à
>
son fils, et la colère que la douleur aiguillonnait. Tout ça étalé
>
devant la compagnie… je ne me sentais pas moi-même, non. De toute
>
façon, je ne sais plus trop qui je suis en ce moment...
>
>
___
>
>
>
C'est l'interminable matin, et on roule sous un cagnard vengeur,
>
décidé à nous faire payer la bonne soirée d'hier. Les autres l'ont un
>
peu mauvaise. C'est moi qui ai insisté pour qu'on décolle à 8h30. Ils
>
n'ont pas de gamin, eux, alors bien sur ça tirait franco sur la
>
fiesta, j'ai dû faire une ou deux réflexions en fin de soirée pour
>
faire retomber l'ambiance, et qu'on aille se coucher. Ils se voyaient
>
déjà aller se baigner à la rivière avant de décoller, Denis était
>
super chaud, il y serait allé direct!... Il a carrément mal au crâne
>
à cette heure, pas assez dormi, et moi je conduis, comme un zombie.
>
Je me sens un peu coupable, mais bon, c'est à lui de se gérer,
>
aussi... J'ai juré à Julie que je serai là à 17h30 pour récupérer Léo
>
avec elle, et qu'on aura enfin une soirée normale, au milieu de cette
>
tournée d'été. Une vie normale. Des parents normaux. Le minimum,
>
quoi. Poitiers, 160km… putain on est pas rendus…
>
>
___
>
>
>
J'arrive sur les rotules.
>
J'ai speedé tout le monde, et comme on s'est tapé du bouchon sur la
>
rocade de Bordeaux, au final on n'est même pas à l'heure. Les autres
>
me laissent tout à la joie familiale pour laquelle je me bat depuis
>
hier: Julie, froide comme la glace, qui fait juste un signe de la
>
main sur le palier, l'air rageur. Je les remercie comme je peux en
>
balbutiant "cool, c'est… enfin… merci quoi, désolé de… bref, à
>
après-demain!" Ils me sourient avec un peu de pitié, un peu de
>
dégout, un peu de fatigue, et un peu de ras-le-bol dans le regard.
>
>
___
>
>
>
Léo est énervé comme jamais. Julie m'annonce que ça serait super si
>
on allait en famille demain matin voir l'expo des arts du feu au
>
centre-ville. Je baille à m'arracher la mâchoire, franchement ça me
>
gave, j'explique que je suis crevé, j'aurais bien pris une grasse
>
mat, j'en peux plus, tu sais c'est crevant... "Ben vous avez qu'à
>
moins picoler, par exemple!" Blam, la porte qui claque. J'en peux
>
plus. Je fais une bise de bonne nuit à Léo dans son lit. Il me
>
raconte des trucs sans queue ni tête, je sens qu'il m'en veut, il me
>
cherche. Je suis trop crevé pour le cadrer, j'abandonne. Je rejoins
>
mon lit. Bien sûr on ne fait pas l'amour. Ça fait combien de temps
>
qu'on n'a pas fait l'amour? Je tombe comme une masse.
>
>
___
>
>
>
Je me réveille après une bonne nuit de sommeil.
>
Je m'étire et le cosmos entier prend du plaisir, dans mon lit bon
>
sang, je suis dans mon lit, c'est définitivement le lit le plus
>
confortable du monde, et j'en ai connu… Soudain la conscience me
>
saute aux yeux, quelle heure? 11h45?!! La maison est calme, vide.
>
Merde. Elle a dû partir avec Léo, je ne sais pas dans quel état elle
>
est. Je m'habille dans le silence et je descends. Mon bol est posé
>
sur la table, il y a un mot. "Désolé pour hier soir, je suis
>
fatiguée, moi aussi... tu sais ce n'est pas de tout repos de
>
s'occuper de Léo toute seule. Reposes-toi bien mon amour." Les larmes
>
me piquent les yeux, et j'entend la voiture se garer net devant la
>
porte.
>
>
J'ouvre à Julie alors qu'elle posait la main sur la poignée.
>
Je la saisis, et je serre contre moi ce corps, ce corps que j'aime
>
tout entier, et j'enfouis mon visage dans la douceur de ses cheveux,
>
pour cacher mes larmes. Elle me serre, elle aussi, plus longtemps,
>
plus passionnément qu'à l'habitude, avec la force désespérée d'un
>
amour et d'une douleur intenses. Mon regard plonge soudain dans celui
>
de Léo, pétrifié. Je ne lui cache rien de ma détresse, et le voici
>
qui sourit, en soutenant mon regard. Doucement, il se joint à notre
>
étreinte. Je vous aime bon sang, si vous saviez comme je vous aime.
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Je ne suis pas assez là.
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Mais je vous aime.
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🚀Chtou
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Qualité Street
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www.qualitestreet.com
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- [rue] Inter mi-temps,
via rue Mailing List, 22/11/2017
- Re: [rue] Inter mi-temps, La Rabia, 23/11/2017
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